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13/10/2023
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Circular material flow in the intensive care unit – environmental effects and identification of hotspots. Hunfeld N, Diehl JC, Timmermann M, van Exter P, Bouwens J, Browne-Wilkinson S, de Planque N, Gommers D. Intensive Care Med. 2023 Jan ;49(1):65-74.

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Question évaluée

Quel est l’impact environnemental de la consommation en matériel en réanimation ?

Type d’étude

Etude monocentrique prospective conduite pendant l’année 2019 dans un service de réanimation médico-chirurgicale d’un centre hospitalo-universitaire hollandais.

Méthode

Les auteurs avaient pour but d’analyser la consommation en matériel au sein de leur service de réanimation. Pour cela, ils ont mené une analyse des flux de matières, c’est-à-dire une collecte des données de l’ensemble du matériel entrant et sortant de la réanimation. Cela englobait les médicaments (hors substance active en elle-même), le matériel à usage unique, le linge et les produits d’entretien, en incluant leurs emballages.

Les objectifs secondaires étaient :

  1. D’analyser l’empreinte environnementale des matériaux (poids, empreinte carbone, occupation des terres agricoles, et utilisation de l'eau).
  2. D’identifier les « hotspots » environnementaux en réanimation, c’est-à-dire les produits dont le poids et l'empreinte environnementale sont les plus élevés.
Résultats essentiels

Durant l’étude, 2839 patients ont été admis en réanimation avec une durée de séjour moyenne de 4.6 jours. 247 000 kg de matériel a été utilisé, réparti comme suit : médicaments 184 190 kg, plastiques et caoutchoucs synthétiques 32 167 kg, tissus synthétiques 9 930 kg, verre 9 710 kg, matériaux biosourcés 8 148 kg, produits chimiques 2 158 kg et métaux 770 kg.

Parmi les différentes catégories de composants, l’eau stérile représentait 61% du poids total, divisée entre le liquide contenu dans les poches de perfusions intraveineuses (52%) et l’eau utilisée pour l’épuration extra-rénale (48%). En termes de produits, les médicaments comptaient pour deux tiers du poids, suivis par le matériel à usage unique. Les emballages participaient jusqu’à la moitié du poids de certains produits, notamment pour les compresses et les seringues. A l’échelle d’un seul patient, 108 gants, 57 paquets de compresses, 34 poches de perfusion, 24 seringues et 23 tubulures et connecteurs étaient utilisés chaque jour. Aux Pays-Bas, tous ces déchets étaient incinérés, hormis le verre qui était recyclé.

L’impact des techniques de suppléance d’organes, que sont la ventilation mécanique, l’épuration extra-rénale (eau stérile non prise en compte) et l’ECMO, pesait peu dans la balance. Par exemple, les circuits, les filtres et l’eau utilisés pour la ventilation mécanique comptaient pour 2.8% du total des entrées en matériel et 3.2% de la totalité du plastique.

La contribution à l’impact environnemental des principaux groupes de produits a été estimée par les auteurs. En ce qui concerne le poids, les vêtements médicaux jetables ont la répercussion la plus élevée, suivis de près par les ampoules en verre, l'eau stérile et les draps. L'empreinte carbone la plus importante est due aux gants, puis aux seringues et aux vêtements médicaux jetables. Les draps ont l'impact le plus élevé sur l'occupation des terres agricoles. La production de gants est la plus grande consommatrice en eau. L’impact environnemental par patient et par jour est calculé à 17 kg de matériel, 12 kg d'équivalent CO2, 300 litres d'eau et 4 m2 d’occupation de terres agricoles.

Enfin, 5 produits à usage unique ou à « patient unique » ont été identifiés comme des « hotspots », sur la base de leurs impacts environnementaux et leur utilisation fréquente en réanimation : les gants non stériles, les surblouses d’isolement, les draps, les masques chirurgicaux et les seringues, incluant leurs emballages.

Commentaires

Ce premier travail du genre démontre qu’il est possible d’étudier l’impact environnemental en matériel d’un service de réanimation, et de mettre en pratique une analyse des flux de matières.

L’analyse des données des produits entrants et leur composition est rigoureuse et approfondie. L’implication à l’échelle individuelle permet de rendre concrète l’empreinte environnementale par patient et par jour. L’un des points forts est l’identification de 5 produits à usage unique, qui font partie du paysage quotidien du soin en réanimation. Ainsi, l’utilisation de matériel ordinaire et journalier a un impact beaucoup plus important que celui employé pour les techniques de suppléance d’organes, y compris pour la ventilation mécanique.

Cette étude s'est concentrée uniquement sur la consommation matérielle de la réanimation. Les autres consommations, notamment énergétiques, n’ont pas été étudiées. Or, d’autres travaux, qui ont utilisé une méthodologie différente qui incluait l'utilisation en électricité, ont dévoilé des émissions en CO2 5 à 10 fois plus élevées. De même, l’impact environnemental des substances actives des médicaments n’a pas non plus été évalué, alors qu’ils représentent une part importante de l’empreinte carbone dans le domaine de la santé, probablement d’autant plus en réanimation. Enfin, l’empreinte carbone liée aux déplacements du personnel soignant n’est pas abordée. Cependant, cette question est certainement très variable en fonction de la ville et de l’organisation de son territoire, notamment concernant les transports, et des contraintes liées aux horaires de prise de poste des soignants.

Ce type de démarche pourrait permettre de :

  1. Sensibiliser les soignants afin de changer certaines pratiques de soin, consommatrices en matériel.
  2. Inciter les industriels à repenser le conditionnement et l’emballage des médicaments et des dispositifs médicaux.
  3. Encourager les services publics et les hôpitaux à développer la filière de la réutilisation et du recyclage, pour passer d’un système linéaire à un système circulaire.
Points forts
  • Premier travail s’intéressant à l’impact environnemental en matériel de la réanimation.
  • Mise en lumière concrète de cet impact, notamment à l’échelle individuelle et quotidienne.
  • Mise en évidence de 5 « hotspots » environnementaux, facilement identifiables et très fréquemment utilisés.
Points faibles
  • Données monocentriques ne s’appliquant qu’à un service de recours, disposant notamment de l’épuration extra-rénale, et des autres suppléances d’organe dont l’ECMO.
  • Analyse uniquement de la consommation en matériel.
Implications et conclusions

Il s’agit d’une première étude s’attachant à évaluer une partie de l’impact environnemental de la réanimation, et qui met en lumière 5 produits à usage unique utilisés quotidiennement dans un service de réanimation ayant une forte empreinte environnementale.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Nicolas Terzi et Pauline Guillot, Réanimation médicale, CHU de Rennes, France.

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêt.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions aux auteurs (nicolas.terzi@chu-rennes.frpauline.guillot@chu-rennes.fr) et à la CERC.

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CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
G. FOSSAT
S. GOURSAUD
N. HEMING
T. KAMEL
G. LABRO
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
L. POIROUX
A. ROUZÉ
V. ZINZONI

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Références

  1. Prasad PA, Joshi D, Lighter J, Agins J, Allen R, Collins M, Pena F, Velletri J, Thiel C (2022) Environmental footprint of regular and intensive inpatient care in a large US hospital. Int J Life Cycle Assess 27:38–49. https://doi.org/10. 1007/s11367-​021-​01998-8
  2. McGain F, Burnham JP, Lau R, Aye L, Kollef MH, McAlister S (2018) The carbon footprint of treating patients with septic shock in the intensive care unit. Crit Care Resusc 20:304–312
  3. Malik A, Lenzen M, McAlister S, McGain F (2018) The carbon footprint of Australian health care. Lancet Planet Health 2:e27–e35. https://doi.org/10. 1016/S2542-​5196(17)30180-8