L’IRM portable en réanimation : changement de paradigme ?

18/03/2021
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Article JAMA
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Assessment of Brain Injury Using Portable, Low-Field Magnetic Resonance Imaging at the Bedside of Critically Ill Patients
Kevin N. Sheth, MDMercy H. Mazurek, BSMatthew M. Yuen, BA; et al
JAMA Neurol. Published online September 8, 2020. doi:10.1001/jamaneurol.2020.3263

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Question évaluée

L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) à faible champ portable (64mT ; https://hyperfine.io/) est-elle utile en réanimation ?

Etaient évalués :

  • la faisabilité de la technique : durée de l’examen, séquences réalisées, caractéristiques des patients ayant bénéficié de l’IRM portable, évènements indésirables
  • la rentabilité de l’examen : performance de la technique pour le diagnostic positif de lésions cérébrales, fiabilité des images et pertinence clinique
Type d’étude

Il s’agit d’une étude de cohorte prospective monocentrique réalisée dans un centre hospitalier américain expert (Neuro-réanimation de Yale, New Haven, Connecticut, USA).

Population étudiée

Patients admis en neuro-réanimation (Yale University School of Medicine, New Haven, USA) entre octobre 2019 et juin 2020 et ayant eu une un souffrance neurologique suspectée par l’examen clinique et/ou une imagerie cérébrale conventionnelle (IRM ou TDM).

Compte tenu de la crise sanitaire COVID-19, la population étudiée, est déclinée en deux sous-groupes :

  • Les patients admis pour une pathologie neurologique qui motivait leur admission en neuro-réanimation (sous-groupe « Lésion cérébrale primitive »).
  • Les patients admis pour un SDRA à SARS-Cov 2 qui présentaient un trouble neurologique au cours de l’hospitalisation (sous-groupe « COVID-19 »)

Les critères d’exclusion comportaient les contre-indications classiques à la réalisation d’une IRM (pacemaker, pompe à insuline ou pompe intrathécale, stimulateur intracrânien ou du nerf vague, implant cochléaire, grossesse), de même qu’une instabilité hémodynamique ou respiratoire et la présence d’une assistance circulatoire extra corporelle. Par ailleurs, une obésité avec un diamètre thoraco-abdominal supérieur à 30 cm qui ne permettait pas de réaliser l’examen de référence contre indiquait également la participation à l’étude.

Méthode

Il s’agissait d’une étude descriptive et comparative avec l’imagerie standard (TDM ou IRM cérébrale).

Pour chacune des deux techniques d’acquisition, les images étaient interprétées par des neuroradiologues confirmés.

L’IRM portable étudiée était mobile, transportable au sein du service, de taille adaptée à une chambre de réanimation. Elle était compatible avec les appareils de monitorage, respirateur, pousse-seringue standard et se branchait simplement aux prises du secteur. Les séquences classiques d’IRM pouvaient être réalisées (T1, T2, FLAIR et diffusion (DWI)).

29 des 30 (97%) patients du groupe « Lésion cérébrale primitive» et 11 des 20 (55%) patients du groupe « COVID-19 » ont bénéficiés d’une imagerie standard (IRM ou TDM) en plus de l’IRM portable.

Un consentement était obtenu pour les patients du groupe « Lésion cérébrale primitive », pour le groupe «COVID-19 » l’IRM portable avait obtenue l’autorisation de la FDA et entrait dans le cadre des soins courants.

Résultat essentiel
Faisabilité :

Au total, 50 patients ont participé à l’étude et ont tous pu avoir une imagerie cérébrale avec l’IRM portable.

La population « Lésion cérébrale primitive » était constitué de 23 patients ayant eu un AVC (ischémique ou hémorragique), de 3 patients ayant eu un traumatisme crânien et de 4 patients avec une tumeur cérébrale. L’examen était réalisé en médiane à J2 de l’admission, chez des patients en majorité peu sévères (GCS médian à 15 [9-15] et NIHSS à 2 [0-19]). En ce qui concerne les 20 patients « COVID-19 », 15 étaient profondément sédatés (RASS médian à -3 [-5- 0]), 18 étaient sous ventilation mécanique et 3 avaient une épuration extra-rénale continue en cours au moment de l’examen, qui a été réalisé à un délai médian de 25 jours de l’admission.

L’ensemble des séquences ont pu être réalisé chez seulement environ 70% des patients (raison des échecs non détaillée). La durée médiane de d’examen était de 35 minutes et 40 secondes.

Aucun évènement intercurrent ou complication n’ont été rapporté.

Pertinence clinique :

Parmi les 30 patients du sous-groupe « Lésions cérébrale primitive », 29 IRM portables retrouvaient une anomalie. Dans cette population, 29 patients ont également eu une imagerie standard. Les diagnostics étaient similaires sur les deux modalités d’imageries. Seule une hémorragie sous arachnoïdienne n’a pas été visualisée sur l’imagerie réalisée avec l’IRM portable.

Parmi les 20 patients du sous-groupe « COVID-19 », l’IRM portable a pu mettre en évidence des lésions structurelles cérébrales chez 8 patients. Il s’agissait d’une hémorragie intracrânienne, trois AVC ischémique, un œdème cérébral diffus et de la leuco-encéphalopathie chez 3 patients.  De la même façon, 11 des 20 patients « COVID-19 » ont également eu une imagerie standard en parallèle. L’imagerie standard confirmait les anomalies visualisées à l’IRM portative.

Commentaires

Il s’agit de la première étude d’évaluation d’une nouvelle technique d’imagerie montrant la faisabilité et l’intérêt clinique de l’IRM portable à faible champ au lit en réanimation. Cette avancée technique, rendue possible notamment grâce à l’amélioration des détecteurs durant ces dernières années, ouvre des perspectives immenses en neuro-réanimation. Le transport d’un patient ventilé à l’IRM est en effet toujours une procédure risquée, consommatrice de ressource médical et de temps machine. Ce type d’IRM portable, avec en outre un coût 20 fois moindre que celui d’une IRM standard (prix annoncé <50k€) pourrait également autoriser l’accès à l’IRM dans les centres non équipés en IRM standard ou en matériel permettant de ventiler les patients dans l’IRM standard.

Points forts
  • Il s’agit d’une technique innovante.
  • Cette étude tente de répondre à des problématiques d’accessibilité aux examens complémentaires chez les patients de réanimation, pour lesquels le transport peut être à risque.
  • La résolution spatiale de l’image était modeste, mais permettait néanmoins de réaliser un diagnostic positif dans la quasi-totalité des cas courants de neuro-réanimation.
  • La durée de l’examen est en elle-même sensiblement identique à la durée de la réalisation d’une IRM standard, sans considérer le temps de transport.
Points faibles
  • Il s’agit d’une étude mono-centrique réalisée aux USA, difficilement généralisable à toutes les réanimations. Par ailleurs, il est à noter un conflit d’intérêt entre le premier auteur et l’industriel commercialisant l’appareil d’IRM.
  • Cette étude comportait un très faible nombre de patients, 50 patients uniquement avec un recrutement sur une courte durée (six mois seulement).
  • 70% des patients seulement ont pu avoir la totalité de l’examen, sans que les raisons de ces échecs ne soient détaillées.
  • Il n’est également pas mentionné les conditions d’accessibilité de cette technique par rapport à une imagerie standard (notamment par rapport à l’IRM).
  • Il s’agit d’une neuro-réanimation, d’où un recrutement et des problématiques particulières, qui nécessite très fréquemment la réalisation d’une imagerie (IRM cérébrale et médullaire), dont la fréquence est moindre dans les centres non experts.
  • Les patients inclus étaient peu sévères. En effet, le score NIHSS médian lors de la réalisation de l’examen n’était que de 2, les patients n’avaient pas de catécholamine, et peu de sédation profonde. Ils ne présentaient pas de défaillance hémodynamique, aucun patient n’était sous assistance circulatoire ; par ailleurs, la sévérité de la défaillance respiratoire (niveau de FiO2, rapport PaO2/FiO2, niveau de PEP) n’était pas précisée.
Implications et conclusions

Cette technique semble prometteuse puisque fiable, peu onéreuse et facile à mettre en œuvre chez les patients de réanimation.

D’autres études de plus grande ampleur seront néanmoins nécessaires pour évaluer son intérêt chez des patients plus sévère et/ou instables et son impact dans la prise en charge des patients.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Sofia Ortuno DES MIR Paris et Benjamin Rohaut, MCUPH MIR Neurologie, Pitié-Salpêtrière, Paris

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cette REACTU.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.
Envoyez vos commentaires/réactions à l’auteur (benjamin.rohaut@sorbonne-universite.fr) ou à la CERC.

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Références

  • Smith I, Fleming S, Cernaianu A. Mishaps during transport from the intensive care unit. Crit Care Med 1990;18:278–81.
  • Peace  K, Wilensky EM, Frangos S, et al. The use of a portable head CT scanner in the intensive care unit.J Neurosci Nurs. 2010;42(2):109-116.
  • Mao  L, Jin H, Wang M, et al. Neurologic manifestations of hospitalized patients with coronavirus disease 2019 in Wuhan, China. JAMA Neurol. 2020;77(6):683-690
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CERC

JB. LASCARROU (Secrétaire)
K. BACHOUMAS
SD. BARBAR
G. DECORMEILLE
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G. JACQ
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