Myocardite aiguë post-vaccin anti COVID-19 : un effet secondaire très rarement vu dans nos services de réanimation !

05/05/2022
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Article NEJM
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Myocarditis after BNT162b2 mRNA Vaccine against Covid-19 in Israel.
Dror Mevorach, Emilia Anis, Noa Cedar, Michal Bromberg, Eric J Haas, Eyal Nadir, Sharon Olsha-Castell, Dana Arad, Tal Hasin, Nir Levi, Rabea Asleh, Offer Amir , Karen Meir, Dotan Cohen , Rita Dichtiar, Deborah Novick, Yael Hershkovitz, Ron Dagan, Iris Leitersdorf, Ronen Ben-Ami , Ian Miskin, Walid Saliba, Khitam Muhsen, Yehezkel Levi, Manfred S Green, Lital Keinan-Boker, Sharon Alroy-Preis.
N Engl J Med. 2021 Dec 2;385(23):2140-2149. doi: 10.1056/NEJMoa2109730. Epub 2021 Oct 6.

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Article NEJM
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Myocarditis after Covid-19 Vaccination in a Large Health Care Organization.
Guy Witberg, Noam Barda, Sara Hoss, Ilan Richter, Maya Wiessman, Yaron Aviv, Tzlil Grinberg, Oren Auster, Noa Dagan, Ran D Balicer, Ran Kornowski.
N Engl J Med. 2021 Dec 2;385(23):2132-2139. doi: 10.1056/NEJMoa2110737. Epub 2021 Oct 6.

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Questions évaluées

Quelle est l’incidence de la myocardite aiguë après un vaccin anti-COVID-19 BNT162b2 (Pfizer-BioNTech) ?
Quelles sont les caractéristiques de ces patients ?

Type d’études

Etudes épidémiologiques.

Population étudiée

Patients de 16 ans ou plus ayant fait une myocardite aiguë :

  • dans les 21 jours suivant la première dose vaccinale ou dans les 30 jours suivant la deuxième dose (Mevorach D et al)
  • dans les 42 jours suivant la première dose vaccinale (Witberg G et al)
Méthode

Etudes rétrospectives, observationnelles, épidémiologiques, à partir des bases de données du ministère de la Santé d’Israël (Mevorach D et al) et de Clalit Health Service (Witberg G et al), entre décembre 2020 et mai 2021.

Résultats essentiels

Au total, sur les 5.442.696 et 2.558.421 personnes ayant bénéficié d’au moins une dose de vaccin et les 5.125.635 et 2.401.605 personnes ayant eu un schéma vaccinal complet (2 doses), il a été observé dans la première étude 136 cas de myocardites aiguës (1) et dans la seconde 54 cas (2). Cela se traduit donc par des incidences globales de 2.5 et 2.1 cas pour 100000 personnes dans ces deux études.

Une grande proportion de ces patients (95% et 71% des cohortes respectives) a eu une évolution simple sans dysfonction ventriculaire gauche, sans insuffisance cardiaque et sans arythmie ventriculaire. La durée médiane de séjour hospitalier a été de 3 [2-4] jours dans les 2 cohortes. Cependant, un cas de myocardite fulminante ayant nécessité une ECMO veino-artérielle a été rapporté dans chaque étude. Le premier était un patient de 20 ans décédé en 24 heures et le deuxième, un patient de 22 ans qui a survécu au terme de 16 jours d’assistance. Très peu de biopsies endomyocardiques ont été faites (seulement 3 patients). Un infiltrat panaché composé principalement d’éléments mononucléés (lymphocytes, macrophages et monocytes) a été décrit chez deux patients (1) tandis qu’une association lymphocytes/éosinophiles a été trouvée chez le troisième patient (2).

Seuls 28 à 35% des patients ont eu une IRM cardiaque. Les rehaussements tardifs ont été décrits principalement en sous-épicardique et/ou en intra-myocardique, principalement au niveau de la paroi latérale du ventricule gauche.

Mevorach D et al (1) ont montré un sur-risque de myocardite aiguë après la vaccination BNT162b2 en comparaison à la population non vaccinée et à la population générale de la période pré-pandémique 2017-2019 avec des risques relatifs respectifs à 2.35 [1.10-5.02] et 5.34 [4.48-6.40].

Après analyses en sous-groupes, ce sur-risque semble prévaloir :

  • après la seconde dose de vaccination. En effet, 86% et 69% des cas sont survenues après la deuxième dose dans ces deux études. Plus précisément, 70% des myocardites sont survenues dans la première semaine qui a suivi la deuxième injection dans l’étude de Mevorach et al (1). La différence de risque globale entre les 2 doses a été estimée à 1.76 pour 100000 [1.33-2.19].
  • chez les patients de sexe masculin. L’incidence chez les hommes était de 3.19 [2.37-4.02] et de 4.12 [2.99-5.26] cas pour 100000 tandis que l’incidence chez les femmes était de 0.39 [0.10-0.68] et 0.23 [0-0.49] cas pour 100000 dans chacune des études.
  • chez les plus jeunes. En effet, dans les 2 cohortes, les patients de moins de 30 ans semblent être plus exposés. Dans la base de données de Clalit Health Service (2), l’incidence était estimée à 5.49 [3.59-7.39] cas pour 100000 chez les 16-29 ans contre 1.13 [0.66-1.60] cas pour 100000 pour les personnes de plus de 30 ans. De même, Mevorach et al (1) montre que cette incidence, même faible, diminue avec l’âge, au sein de la population jeune avec des incidences de 13.73 [8.11-19.46], 8.95 [4.42-13.55], et 5.77 [2.02-9.58] cas pour 100000 chez les hommes, respectivement, de 16-19 ans, 20-24 ans et 25-29 ans.
Commentaires

Les conclusions de ces 2 études sont concordantes :

Il existe un sur-risque de développer une myocardite aiguë après la vaccination anti-COVID19 BNT162b2 (Pfizer-BioNTech).

L’incidence d’une myocardite post-vaccinale reste néanmoins très faible.

La grande majorité de ces myocardites sont de gravité modeste avec une guérison rapide.

La population la plus exposée à cette complication est celle des hommes de moins de 30 ans recevant une seconde dose de vaccin.

Depuis le début de la campagne mondiale de vaccination, la survenue de myocardites aiguës post-vaccinales a été particulièrement surveillée. Le sur-risque de myocardite aiguë post vaccinale a été rapporté pour la première fois par Barda N et al (3) en Israël, qui ont estimé un risque relatif de 3.24 [1.55-12.44] et une différence absolue de risque de 2.7 [1.0-4.6] pour 100000 personnes entre les populations vaccinées et non vaccinées.

Cependant, le sur-risque de myocardite aiguë n’est pas spécifique à ce vaccin. En effet, dans une publication plus récente au sein de la population britannique, Patone M et al (4) ont aussi observé l’existence d’un sur-risque associé à la première dose de ChAdOx1 (risque relatif de 1.29 [1.05-1.58]), et les deux doses de mRNA-1273 (avec respectivement 2.97 [1.34-6.58] pour la première dose et 9.84 [2.69-36.03] pour la deuxième dose). A noter toutefois qu’il n’y avait pas de sur-risque avec la deuxième dose de ChAdOx1. La stratification de ce risque sur l’âge et le sexe est également intéressante. En effet, selon les auteurs, les personnes de moins de 40 ans auraient un sur-risque de myocardite aiguë avec les vaccins à ARNm alors que ce sur risque est plutôt observé chez les plus de 40 ans avec le vaccin ChAdOx1.

Ce sur-risque de myocardite post-vaccinale ne doit en aucun cas occulter les bénéfices énormes de la vaccination sur le risque de formes graves de pneumopathie à SARS COV2, de myocardites induites directement par la COVID-19 et de syndrome inflammatoire multi-systémique principalement décrit chez les adolescents et les jeunes adultes (5).

Comme bien décrit par Bozkurt B et al (6), les bénéfices de la vaccination en terme de risque d’hospitalisation en réanimation, de décès et de séquelles à long terme de la COVID-19 surpassent très largement le risque de myocardite post-vaccinale, et ceux dans toutes les tranches d’âge de 12 à 85 ans.    

Dans ces deux études, la plupart des cas étaient des formes cliniques mineures avec une guérison rapide. Les bénéfices de traitements, tels que les corticoïdes ou les immunoglobulines utilisés notamment dans le syndrome inflammatoire multi-systémique, restent incertains dans la prise en charge de cet effet secondaire rare. De même, le risque de récidive en cas de nouvelle exposition au vaccin ou chez les patients ayant déjà fait une myocardite induite par SARS-CoV-2, est encore mal défini.

On rappelle qu’actuellement, la haute autorité de santé préconise de ne pas initier une vaccination (première dose) chez les patients ayant eu un syndrome inflammatoire multi systémique pédiatrique ou une myocardite aiguë associés à la COVID-19. Elle recommande aussi, après concertation médicale pluridisciplinaire, de ne pas effectuer la seconde dose de vaccin suite à une myocardite d’intensité sévère ou grave attribuée à la première dose de vaccin.

Points forts
  • Cohorte exhaustive nationale de grande taille
  • Méthode statistique robuste
  • Forte pertinence clinique
Points faibles
  • Etudes rétrospectives de registre
  • Faible taux de myocardites prouvées par une biopsie ou une IRM cardiaque
  • Pas de description détaillée des patients ayant une myocardite et de leur prise en charge
Implications et conclusions

Il existe un sur-risque de myocardite aiguë post vaccin anti-COVID19 BNT162b2. En revanche, la prévalence est très faible et les formes cliniques sont le plus souvent mineures. La vaccination reste, de loin, le seul moyen efficace de prévenir la survenue de formes respiratoires graves et les complications cardiovasculaires induites par le SARS-CoV-2.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par le Dr Florent Huang, Service de Cardiologie, Hôpital Foch, Suresnes, et le Pr Matthieu Schmidt, Service de Médecine Intensive et Réanimation, Hôpital La Pitié Salpétrière, Paris.

Florent Huang déclare n'avoir aucun lien d'intérêt.
Matthieu Schmidt déclare les liens suivants :

  • Rémunération pour des conférences, incluant des services techniques de secrétariat : DRÄGER, GETINGE, FRESENIUS.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions aux auteurs (f.huang@hopital-foch.com ; matthieu.schmidt@aphp.fr) et/ou à la CERC.

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Références

  1. Myocarditis after BNT162b2 mRNA Vaccine against Covid-19 in Israel.
    Mevorach D, Anis E, Cedar N, Bromberg M, Haas EJ, Nadir E, et al.
    N Engl J Med. 2 déc 2021;385(23):2140‑9.
  2. Myocarditis after Covid-19 Vaccination in a Large Health Care Organization.
    Witberg G, Barda N, Hoss S, Richter I, Wiessman M, Aviv Y, et al.
    N Engl J Med. 2 déc 2021;385(23):2132‑9.
  3. Safety of the BNT162b2 mRNA Covid-19 Vaccine in a Nationwide Setting.
    Barda N, Dagan N, Ben-Shlomo Y, Kepten E, Waxman J, Ohana R, et al.
    N Engl J Med. 16 sept 2021;385(12):1078‑90.
  4. Risks of myocarditis, pericarditis, and cardiac arrhythmias associated with COVID-19 vaccination or SARS-CoV-2 infection.
    Patone M, Mei XW, Handunnetthi L, Dixon S, Zaccardi F, Shankar-Hari M, et al.
    Nat Med [Internet]. 14 déc 2021 [cité 6 janv 2022]; Disponible sur: https://www.nature.com/articles/s41591-021-01630-0
  5. Multisystem Inflammatory Syndrome in U.S. Children and Adolescents.
    Feldstein LR, Rose EB, Horwitz SM, Collins JP, Newhams MM, Son MBF, et al.
    N Engl J Med. 23 juill 2020;383(4):334‑46.
  6. Myocarditis With COVID-19 mRNA Vaccines.
    Bozkurt B, Kamat I, Hotez PJ.
    Circulation. 10 août 2021;144(6):471‑84.
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CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
G. DECORMEILLE
S. GOURSAUD
N. HEMING
G. JACQ
T. KAMEL
G. LABRO
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
L. POIROUX
A. ROUZÉ

Reactu