Un MARS et ça repart…?

14/04/2022
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Article CCM
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Use of the Molecular Adsorbent Recirculating System in Acute Liver Failure: Results of a Multicenter Propensity Score-Matched Study
Andrew J. MacDonald et al.
Critical Care Medicine 2021

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Question évaluée

Déterminer le bénéfice du système MARS (Molecular Adsorbent Recirculating System) dans la prise en charge de l’hépatite aiguë sévère/fulminante.

Type d’étude

Étude de cohorte rétrospective appariée par score de propension

Population étudiée

Patients majeurs hospitalisés pour « acute liver failure » (hépatite aiguë sévère/fulminante) bénéficiant d’un MARS dans 3 centres de transplantation aux Etats Unis, entre 2009 et 2019, et patients contrôles n’ayant pas reçu de MARS, issus du registre multicentrique « U.S. Acute Liver Failure Study Group » regroupant 32 centres de transplantation américains, sur la même période.

L’ « acute liver failure », était définie par a) un INR ≥ 1,5 ; b) une encéphalopathie hépatique de grade ≥ 1 ; c) une durée de la maladie < 26 semaines ; d) l’absence de cirrhose préexistante.

Méthode

Un score de propension (qui représente la probabilité conditionnelle qu’un patient soit traité par MARS en fonction de ses caractéristiques initiales, identifiées grâce un modèle de régression logistique) a été calculé pour chaque patient ayant bénéficié du MARS, sur les caractéristiques suivantes : âge, sexe, étiologie de l’hépatite aiguë – paracétamol, recours à l’épuration extra-rénale, support vasopresseur, ventilation mécanique, encéphalopathie hépatique de grade 3 ou 4, INR, bilirubine, créatinine, et présence des critères d’indication à la transplantation hépatique du King’s College.

Les patients ayant reçu le traitement d’intérêt (MARS) ont été appariés  (1 pour 4) avec des patients contrôles (traitement médical standard) sur leurs scores de propension.

L’association du traitement reçu (MARS ou traitement médical standard) à la survie à J21 sans transplantation hépatique (critère de jugement principal) a été évaluée par régression logistique multivariée. Le modèle principal comprenait un ajustement pour l’âge, le support vasopresseur, l’INR et la présence des critères du King’s College (ces covariables du score de propension étant déséquilibrées entre les patients traités par MARS et les contrôles), ainsi que l’étiologie « paracétamol » de l’hépatite aiguë, et le score de propension.

Des analyses de sensitivité ont également été conduites 1) sans ajustement sur les covariables déséquilibrées du score de propension entre les patients traités par MARS et les contrôles, 2) avec ajustement maximal des covariables déséquilibrées, en y incluant la ventilation mécanique et l’encéphalopathie hépatique de grade 3-4.

Enfin, une analyse de sous-groupe, chez les patients traités par MARS uniquement (et selon l’étiologie « paracétamol » ou non de l’hépatite aiguë) s’est intéressée à comparer des paramètres hémodynamiques et biologiques pré- et post- MARS (critères de jugement secondaires).

Résultats essentiels

104 patients ayant reçu un traitement par MARS et 416 patients contrôles ont été inclus. L’utilisation du système MARS était associée à une amélioration de la survie à J21 sans transplantation (odds ratio 1,90; IC 95% 1,07–3,39; p = 0,03). Les analyses de sensitivité confirmaient ce résultat.

En analyse de sous-groupe, chez les patients avec une hépatite aiguë sévère/fulminante au paracétamol (n = 51), le MARS améliorait également (comparaison après versus avant procédure) la pression artérielle moyenne (92 vs 78 mm Hg), le support vasopresseur (37% vs 49%), la créatinine (77 vs 128 μmol/L), la lactatémie (2,3 vs 4,3 mmol/L) et l’ammoniémie (98 vs 136 μmol/L) ; p ≤ 0,002. Au sein du groupe « non-paracétamol » (n = 53), il existait aussi une amélioration post MARS sur la bilirubine totale (205 vs 251 μmol/L), la créatinine (83 vs 134 μmol/L), et l’ammoniémie (112 vs 140 μmol/L) ; p ≤ 0.022 ; sans amélioration hémodynamique notable (avec une augmentation du support vasopresseur, 43% vs 34%, p<0,001).

Les auteurs concluent que le MARS améliore la survie sans transplantation à 21 jours chez les patients atteints d’hépatite aiguë sévère/fulminante, et améliore aussi les paramètres biologiques et hémodynamiques, surtout chez les patients souffrant d’une hépatite au paracétamol. 

Commentaires

La prise en charge de l’hépatite aiguë sévère/fulminante nécessite avant tout le rapprochement du patient vers un centre de transplantation. Le projet thérapeutique repose sur l’identification précoce des critères de transplantation et sur l’inscription rapide sur liste. Toutefois, la transplantation n’est pas toujours possible ou simplement pas immédiatement disponible. L’introduction de thérapie ou de dispositif de suppléance permettant au patient d’attendre la greffe ou la récupération hépatique potentielle facilite la prise en charge. Le MARS, qui est un système de suppléance artificielle du foie reposant sur l’utilisation d’un dialysat enrichi en albumine et permettant l’épuration de toxines à forte affinité pour les protéines, n’a pas encore démontré son efficacité dans cette situation.

Cette étude est intéressante de par la taille de son effectif, mais aussi parce qu’elle essaie de déterminer la pertinence du recours au MARS dans l’hépatite fulminante pour réduire le risque de décès ou de greffe. Cette problématique a déjà été explorée dans une étude prospective randomisée française, l’étude FULMAR1, qui ne démontrait pas le bénéfice du MARS, potentiellement en raison d’un manque de puissance. Toutefois, l’utilisation du MARS s’est poursuivie dans certaines équipes en France, mais aussi aux USA, permettant de l’évaluer en vie réelle.

On ne peut néanmoins exclure de l’interprétation les autres modes « d’épuration » toxinique ayant démontré leur bénéfice : l’épuration extra-rénale continue2,3 et la plasmaphérèse4. Les résultats de cette étude ne permettent pas de positionner l’utilisation du MARS vis-à-vis de ces deux autres options thérapeutiques.

Points forts
  • Plus grande étude publiée à ce jour sur le système MARS dans la prise en charge de l’hépatite aiguë sévère/fulminante.
  • Première étude suggérant l’amélioration de la survie sans transplantation grâce au MARS.
Points faibles
  • La principale critique de cette étude repose sur le fait que les auteurs ne considèrent pas le MARS comme un système d’épuration extra-rénal, bien qu’il s’utilise sur moniteur d’épuration extra-rénale continue de type PRISMAFLEX. Sachant que le recours à l’épuration extra-rénale continue précoce est associé à un bénéfice en termes de survie sans transplantation chez ces patients, il est difficile d’exclure l’impact de l’épuration extra-rénale continue indépendamment du système MARS, ce qui constitue un biais majeur de l’étude.
  • L’utilisation de la plasmaphérèse n’a pas été recensée dans l’étude (quelques soit le groupe).
  • C’est une étude rétrospective.
Implications et conclusion

Cette étude souligne l’intérêt du système MARS dans la prise en charge de l’hépatite aiguë sévère/fulminante, sans toutefois le démontrer. Elle vient confirmer l’intérêt de l’épuration extra-rénale précoce associée au MARS. Il apparait indispensable de comparer le système MARS à l’épuration extra-rénale continue, avant de considérer ce dispositif coûteux à la logistique parfois complexe comme le dispositif de suppléance de référence dans l’hépatite fulminante.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Guillaume Lassailly, Service des Maladies de l’Appareil Digestif, CHRU de Lille, France.

L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêt.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions à l'auteur (guillaume.lassailly@chu-lille.fr) et/ou à la CERC.

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Références

  1. Albumin dialysis with a non-cell artificial liver support device in patients with acute liver failure: A randomized, controlled trial.
    Saliba F, Camus C, Durand F, et al.
    Ann Intern Med 2013; 159:522–531
  2. US Acute Liver Failure Study Group: Continuous renal replacement therapy is associated with reduced serum ammonia levels and mortality in acute liver failure.
    Cardoso FS, Gottfried M, Tujios S, et al.
    Hepatology 2018; 67:711–720
  3. Correction and control of hyperammonemia in Acute Liver Failure: The impact of continuous renal replacement timing, intensity, and duration.
    Warrillow S, Fisher C, Bellomo R.
    Crit Care Med 2020; 48:218–224
  4. High-volume plasma exchange in patients with acute liver failure: An open randomised controlled trial.
    Larsen FS, Schmidt LE, Bernsmeier C, et al.
    J Hepatol 2016; 64:69–78    
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CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
G. DECORMEILLE
S. GOURSAUD
N. HEMING
G. JACQ
T. KAMEL
G. LABRO
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
L. POIROUX
A. ROUZÉ