Doit-on ajouter de la vasopressine dans le sac à dos d’urgence ?

09/02/2023
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Article JAMA
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Effect of Vasopressin and Methylprednisolone vs Placebo on Return of Spontaneous Circulation in Patients with In-Hospital Cardiac Arrest - A Randomized Clinical Trial
Lars W. Andersen, MD, MPH, PhD, DMSc1,2,3; Dan Isbye, MD, PhD4; Jesper Kjærgaard, MD, PhD, DMSc5; et al
JAMA. 2021;326(16):1586-1594. doi:10.1001/jama.2021.16628

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Question évaluée

L’administration de Vasopressine et de Méthylprednisolone en per réanimation cardio-pulmonaire (RCP) permet-elle d’augmenter le taux de récupération d’une activité cardiaque spontanée (RACS) après un arrêt cardio-respiratoire (ACR) intra hospitalier ?

Type d’étude

Etude multicentrique prospective, interventionnelle de supériorité, randomisée contre placebo en double aveugle, menée dans 10 hôpitaux danois.

Population étudiée

Les patients inclus dans l'étude sont des adultes présentant un ACR intra hospitalier ayant reçu au moins un bolus d’adrénaline durant la RCP. Ne sont pas inclus dans cette étude les ACR survenant sous assistance circulatoire mécanique, ou chez des patients non réanimatoires ou des femmes enceintes.

Méthode

Les patients inclus étaient randomisés avec un ratio 1:1, par bloc de 2 ; 4 ; 6 avec stratification par centre. Les deux interventions comparées sont 1) Injection de placebo ou 2) Injection de Vasopressine 20 UI à chaque dose d’adrénaline (avec un maximum de 4 injections) associée à 40 mg de Méthylprednisolone une seule fois après le premier bolus d’adrénaline lors de la RCP.

Le critère de jugement principal était le RACS, défini par une activité cardiaque spontanée pendant plus de 20 minutes sans RCP.

Le calcul d'effectif était basé sur une amélioration de 13% du taux de RACS dans le groupe interventionnel, indiquant 492 patients à inclure pour une puissance de 80%. Pour le critère de jugement principal, une analyse de sensibilité était prévue pour ajuster le risque ratio sur les centres et les facteurs prognostiques les plus importants : l’âge, la présence d’un témoin et le rythme initial.

Les critères de jugement secondaires étaient la survie à J0 et le devenir neurologique favorable à J30 de la randomisation, définie par un CPC (Cerebral Performance Category) 1 ou 2.

Les critères exploratoires étaient la qualité de vie à J30, J90 via l’échelle EuroQol 5 Dimension 5 Level, la survie à J90 et le devenir neurologique favorable à J90. Les effets secondaires des traitements étudiés étaient également rapportés.

Des analyses en sous-groupe étaient prédéfinies selon le rythme cardiaque initial, la présence d’un témoin, l’âge, le délai entre l’ACR et le traitement de l’étude et le délai entre l’adrénaline et le traitement de l’étude.

Résultats essentiels

Entre 2018 et 2021, sur 2362 patients ayant présentés un ACR intra hospitaliers, 512 patients ont été randomisés et 11 exclus a posteriori car ils ne présentaient pas les critères d’inclusion ou avaient au moins un critère d’exclusion.

Les analyses concernent 501 patients, 237 dans le groupe interventionnel et 264 dans le groupe contrôle. Les deux groupes présentaient des caractéristiques identiques à l'inclusion, il s’agissait dans 64% des cas d’hommes, de 71 ans, l’ACR survenait dans un service conventionnel de médecine ou chirurgie dans 66% des cas.

Les patients du groupe interventionnel recevaient le traitement à l’étude en médiane à 8 minutes (6-12) de l’ACR versus 9 minutes (6-12) dans le groupe contrôle.

Une RACS a été obtenue chez 42% des patients du groupe interventionnel en 16 minutes (12-25) et 33% dans le groupe contrôle en 18 minutes (11-31) avec un Risque Ratio de 1,30 (IC95% : 1,03-1,63), P=0,03 et un Risque Ratio ajusté de 1,38 (IC95% : 1,10-1,72).

Concernant les critères de jugements secondaires, 9,7% des patients du groupe interventionnel étaient vivants à J30 contre 12% dans le groupe contrôle (P= 0,48) avec une bonne évolution neurologique pour 7,6% dans les deux groupes (P>0,99).

Il n’était pas mis en évidence de différence significative entre les groupes pour les autres critères de jugement secondaires et dans les analyses en sous-groupes.

Commentaires

L’ACR intra hospitalier concerne 300 000 patients aux Etats Unis et 55 à 60% des patients récupèrent une activité cardiaque, enfin 25 à 30% survivent (1,2). S’efforcer d’améliorer le taux de RACS est primordial afin d’augmenter les chances de survie.

La vasopressine est une hormone antidiurétique qui entraîne une vasoconstriction suivie d’une augmentation de la pression artérielle améliorant la perfusion coronaire ce qui faciliterait le RACS en association avec l’adrénaline. Les glucocorticoïdes augmentent l'expression des récepteurs α sur l'endothélium vasculaire, potentialisant ainsi les effets des agents adrénergiques (3). De plus, les stéroïdes compensent l'insuffisance surrénale et modulent le syndrome de réponse inflammatoire systémique qui se produisent après une ischémie-reperfusion. Les effets cardiovasculaires précoces de la méthylprednisolone sont attendus dans les 30 à 60 minutes après l'administration. De ce fait, son injection a pour effet d’éviter la baisse de pression artérielle post RACS initiale qui pourrait être associée à un nouvel ACR.

Points forts

C’est une question importante, améliorer la RACS permettrait théoriquement d’améliorer le pronostic neurologique.

Il s’agit d’une étude multicentrique et qui se veut pragmatique. En effet les traitements à l’étude étaient délivrés par l’équipe médicale qui assurait la RCP alors que dans l’étude initiale de Mentzelopoulos et al, l’administration de vasopressine et méthylprednisolone était gérée par une équipe dédiée de recherche qui était présente avec les réanimateurs (4). Il en résulte des délais d’administration de vasopressine plus longs mais qui correspondent à ce qui peut être réalisé en pratique. Les analyses sont ajustées, avec des analyses en sous-groupe qui prennent en considération les délais d’administration de l’adrénaline et des traitements à l’étude.

Points faibles

Comme souvent dans les études sur l'ACR, la population d'inclusion est hétérogène, l’ACR survenait chez des patients monitorés dans 41,5% (37% dans le groupe interventionnel et 46% dans le groupe contrôle) ce qui affecte le délai de RCP.

D’autre part un peu moins de 10 % des ACR survenaient en réanimation ou au bloc opératoire où les causes d’ACR peuvent être plus rapidement réversibles, la réactivité des équipes plus rapide.

Les durées médianes de no flow sont de 0 minutes (0-0) dans les deux groupes ce qui est peu commun pour des ACR intra hospitaliers non monitorés (5). Pour autant, les doses d’adrénaline pour la RCP ne diffèrent pas entre les groupes. Il aurait été intéressant d’avoir les données des ACR selon les services et des analyses en sous-groupe selon les services.

Parmi les patients non randomisés, 502 ne l’ont pas été pour non-adhésion médicale à l’étude (n=363) ou pour des raisons logistiques (n=139). Le respect du protocole peut également être un frein à l’étude, 22 patients n’ont pas eu le schéma interventionnel correct. Et une fois en réanimation, les glucocorticoïdes ont été utilisés deux fois plus chez les survivants à 24h dans le groupe contrôle que dans le groupe interventionnel (46% vs. 24%), le délai d’introduction de ce traitement après l’admission n'est pas connu.

Cela rend difficile la généralisation des résultats à tous les ACR intra-hospitaliers.

Les critères de jugement secondaires sont informatifs car le nombre de patients analysables est en deçà des projections initiales des auteurs. En effet le RACS est le critère de jugement principal, mais le devenir en sortie d’hospitalisation est multifactoriel, dépendant notamment des données de l’ACR et de l’évolution en réanimation. Les causes de décès semblent différer entre les deux groupes. La proportion de décès secondaire à des limitations posées dans le contexte d’une encéphalopathie post anoxique est identique entre les deux groupes, cependant dans le groupe interventionnel, les auteurs retrouvent une majorité de décès liés à des limitations posées dans le cadre de comorbidités. Dans le groupe contrôle il s'agissait de décès en lien avec des défaillances hémodynamiques.

Implications et conclusions

L'étude VAM-IHCA a permis d’évaluer l’adjonction de la vasopressine et de méthylprednisolone à l’adrénaline durant la RCP chez les patients victimes d’un ACR intra-hospitalier ayant reçu 1 mg d’adrénaline. Il est mis en évidence une augmentation du taux de RACS sans effet sur le pronostic neurologique ni la survie à J30, J90. Ces résultats sont encourageants et pourraient soutenir de nouveaux travaux de confirmation dans des populations de patients plus homogènes.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Marine PAUL, Service de Réanimation et Unité de Surveillance Continue, Centre Hospitalier de Versailles - Site André Mignot, Le Chesnay, France.

L'auteure déclare n'avoir aucun lien d'intérêt.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions à l'auteure (Mpaul.versailles@gmail.com) et à la CERC.

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Références

  1. Annual Incidence of Adult and Pediatric In-Hospital Cardiac Arrest in the United States.
    Holmberg MJ, Ross CE, Fitzmaurice GM, Chan PS, Duval-Arnould J, Grossestreuer AV, et al.
    Circ Cardiovasc Qual Outcomes. 2019 Jul 9;12(7):e005580.
  2. Adult in-hospital cardiac arrest in Denmark.
    Andersen LW, Holmberg MJ, Løfgren B, Kirkegaard H, Granfeldt A.
    Resuscitation. 2019 Jul;140:31–6.
  3. Glucocorticoids as an Emerging Pharmacologic Agent for Cardiopulmonary Resuscitation.
    Varvarousi G, Stefaniotou A, Varvaroussis D, Xanthos T.
    Cardiovasc Drugs Ther. 2014;28(5):477–88.
  4. Vasopressin, steroids, and epinephrine and neurologically favorable survival after in-hospital cardiac arrest: a randomized clinical trial.
    Mentzelopoulos SD, Malachias S, Chamos C, Konstantopoulos D, Ntaidou T, Papastylianou A, et al.
    JAMA. 2013 Jul 17;310(3):270–9.
  5. In-Hospital Cardiac Arrest: A Review.
    Andersen LW, Holmberg MJ, Berg KM, Donnino MW, Granfeldt A.
    JAMA. 2019 Mar 26;321(12):1200–10.
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CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
G. FOSSAT
S. GOURSAUD
N. HEMING
T. KAMEL
G. LABRO
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
L. POIROUX
A. ROUZÉ
V. ZINZONI