Aide à la prévention et la gestion des conflits entre l’équipe soignante de réanimation et les proches d’un(e) patient(e) en situation de fin de vie

23/02/2021
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Texte

Objectifs de la fiche 

  • Prévenir les conflits entre équipe soignante et proches d’un(e) patient(e) en incapacité d’exprimer ses volontés à l’approche de la fin de vie ;
  • Connaître les dispositifs d’aide existants pour la gestion des conflits potentiels ou avérés ;
  • Eviter la poursuite inutile de soins curatifs inefficaces, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie.

La communication avec l’entourage : une culture de service

  • Sensibiliser toutes les catégories de personnels intervenant en réanimation (médicaux, paramédicaux, étudiants) à l’importance de la communication ;
  • Assurer périodiquement une formation « communication avec les proches » aux médecins, internes, infirmiers/ères et aide-soignant(e)s ;
  • Planifier des réunions régulières – par exemple hebdomadaires – de discussions éthiques ;
  • Donner la parole et faciliter l’expression de tous (séniors, juniors, paramédicaux, étudiants) pour enrichir la réflexion commune et adapter le contenu du programme de formation continue.

Principes généraux de la communication lors de chaque entretien

  • Rechercher un(e) interlocuteur/trice privilégié(e) – au mieux la personne de confiance – qui relaiera les discussions avec les autres proches. La désignation d’un(e) interlocuteur/trice privilégié(e) ne dispense pas de rencontres avec les autres proches si tel est leur souhait ;
  • Rechercher l’existence de directives anticipées établies par le/la patient(e) ou à défaut, tenter d’identifier ses volontés avérées ou présumées avec les personnes qui le connaissent le mieux ;
  • Identifier au sein de l’équipe un médecin interlocuteur privilégié (celui qui est au lit du patient le plus fréquemment) qui devrait être présent pour tous les entretiens ;
  • Encourager les proches à formuler ce qu’ils ont compris et leurs interrogations. Identifier lors de cette discussion les difficultés possibles (difficultés de compréhension liées à une barrière de langue par exemple, approches différentes de celle des soignants de la notion d’obstination déraisonnable, etc.) ;
  • Formuler le point de vue de l’équipe sur l’état de santé du patient en utilisant des mots simples sans termes trop techniques.
  • Eviter d’évoquer d’emblée lors du premier entretien, la notion d’obstination déraisonnable ou de limitation (sauf si la famille exprime déjà clairement ce point).

Organiser la délibération collégiale et prendre la décision
(cf. article 37.2 du code de déontologie pour la partie légale)

  • Ne pas prendre de décision au lit d’une/un patient(e) sans concertation avec les personnels soignants ;
  • Prévenir les proches de la tenue de la délibération collégiale et recueillir leur perception de la situation du patient ;
  • Prévenir tous les personnels concernés en amont de la tenue de cette réunion pour que l’ensemble des personnels soignants voulant y participer puissent venir ;
  • Disposer d’une salle où tout le monde puisse être assis ;
  • Prévoir un temps long (au moins 45 minutes) ;
  • Rappeler en préambule de la délibération les éléments médicaux et non médicaux du dossier pour que chaque participant(e) dispose des mêmes informations ;
  • Enoncer les différentes options thérapeutiques possibles ;
  • Faire un tour de table pour que chacun puisse se présenter, décrire son rôle auprès du patient, témoigner de volontés éventuellement exprimées par celui/celle-ci ou par ses proches ;
  • Offrir la possibilité à chaque participant(e) de discuter ces différentes options ;
  • Recueillir l’avis d’un(e) consultant(e) extérieur(e) (obligation légale) ;
  • Délibérer et le cas échéant décider avec tous les personnels soignants médicaux et paramédicaux en charge du/de la patient(e). Pour les décisions d’arrêt de certains traitements, préciser :
    • les modalités de l’arrêt (par exemple extubation première ou sevrage terminal) ;
    • le délai de mise en œuvre des décisions prises ;
    • les modalités du traitement de confort physique et psychique ;
    • l’évolution anticipée (possibilité de survie, délai de survenue du décès) après l’arrêt du (des) traitement(s) ;
    • inscrire dans le dossier la (les) décision(s) prises, les arguments qui y ont mené et le nom des intervenant(e)s ayant participé à la délibération.
  • Anticiper les difficultés de discussion avec les proches, déjà repérées lors des entretiens précédents (cf. plus haut) ;
  • Prévoir des solutions aux difficultés en amont de la réunion d’annonce (interprète, examen du patient par un spécialiste extérieur qui note dans le dossier ses conclusions, voire examen en présence des proches).

Annoncer la décision

  • Se réunir dans une salle dédiée, dans laquelle tout le monde peut s’asseoir ;
  • Ne pas annoncer de limitation ou d’arrêt de traitement lors de la première entrevue avec la famille, par exemple dès l’entretien d’admission (même si les entrevues peuvent être rapprochées) ;
  • Faire parler les proches en premier pour appréhender leur point de vue, leur compréhension et leurs interrogations à propos de l’état actuel du/de la patient(e) et de son devenir ;
  • S’assurer de la présence de plusieurs membres du personnel soignant (infirmiers/ères, aide-soignant(e)s, médecin) qui s’occupent habituellement du patient ;
  • Respecter un équilibre entre le nombre de proches et de personnels soignants présents en réunion ;
  • Présenter les personnes présentes : personnels soignants et proches du/de la patient(e) ;
  • L’annonce doit être, au mieux, faite par un médecin sénior ;
  • Exprimer clairement l’échec de certains traitements ou dispositifs d’assistance mis en place avant et/ou depuis l’admission en réanimation, l’inutilité de poursuivre ou de majorer ces traitements par une obstination déraisonnable, et le cas échéant les conséquences néfastes auxquelles cette obstination pourrait exposer le/la patient(e) et ses proches ;
  • Annoncer la proposition concertée de l’équipe soignante de réorienter le projet thérapeutique en ne laissant en place que les traitements strictement indispensables, notamment des soins d’hygiène et de confort renforcés, sans pour autant préjuger d’une issue défavorable (sauf évolution prévisible vers un décès inéluctable) ; 
  • Enoncer les motifs et la nature des limitations ou arrêts de certaines thérapeutiques : pas de prise en charge de nouvelle(s) complication(s), arrêt de certains traitements inutiles voire délétères à ce stade de l’évolution ;
  • Proposer aux proches des temps de visite ouverts au maximum (24h/24 pour les services qui ne le font pas habituellement) ;
  • Décider et annoncer un calendrier de mise en œuvre des limitations ou arrêts de traitements en laissant un délai raisonnable aux proches pour (le cas échéant) :
    • faire venir un autre proche absent au moment de l’hospitalisation ;
    • intégrer la décision lorsque celle-ci est inattendue ou difficilement acceptable pour les proches ;
    • saisir une autorité compétente en cas de conflit : les différentes modalités de recours (avis médical extérieur, expertise du dossier par une autre équipe soignante, conciliateur, médiateur, comité d’éthique, tribunal) doivent être inscrites dans le livret d’accueil de l’hôpital. L’équipe en charge du/de la patient(e) doit avoir connaissance de ces modalités de recours mais c’est à l’institution qu’il revient d’en informer les usagers ;
    • De faire venir un(e) représentant(e) du culte.

En cas de conflit provoqué par l’annonce d’une décision de limitation ou d’arrêt de traitement

Avec les proches

  • Accepter et analyser la difficulté pour les proches d’accepter la décision ;
  • Discuter des traitements que les proches souhaitent voir laissés en place et en élucider les motifs ;
  • Ne pas chercher à convaincre les proches coûte que coûte, mais plutôt à définir ensemble un projet de soins qui soit acceptable pour les différentes parties ;
  • Proposer la rencontre d’un(e) psychologue ou d’une personne ressource (médecin traitant, spécialiste en charge du patient, représentant(e) du culte) ;
  • Proposer un deuxième rendez-vous ;
  • Solliciter l’avis d’un autre service de réanimation (échanges de données ou transfert du patient) ;
  • Proposer un rendez-vous avec le/la chef(fe) de service ou un autre médecin référent du service ;
  • Donner du temps, proposer des étapes en établissant un calendrier ;
  • Proposer une médiation par une instance pluridisciplinaire (comité d’éthique, commission des usagers, association de patients) institutionnelle ou régionale ;

Avec l’équipe

  • Proposer un débriefing avec l’équipe, si possible par une personne formée à la technique de débriefing, l’objectif étant d’éviter que les personnels soignants ne s’épuisent.