Est-ce vraiment la taille qui compte le plus ?

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Impact of Macintosh blade size on endotracheal intubation success in intensive care units: a retrospective multicenter observational MacSize-ICU study
Thomas Godet, Audrey De Jong, Côme Garin 5 et al.
Intensive Care Med. 2022 Sep;48(9):1176-1184. https://doi.org/10.1007/s00134-022-06832-9

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Question évaluée

Impact de la taille de la lame de Macintosh (3 vs. 4) durant la laryngoscopie directe sur le succès à la première tentative d’intubation.

Type d’étude

Etude observationnelle rétrospective multicentrique.

Population étudiée

Patients de 18 ans et plus, admis en réanimation pour raison médicale ou chirurgicale et nécessitant une intubation avec utilisation d’une lame de Macintosh. Les patients étaient exclus en cas d’utilisation au premier essai d’un vidéolaryngoscope, d’un fibroscope ou d’une technique alternative.

Méthode

Les données analysées rétrospectivement proviennent de 3 bases de données (2 études prospectives publiées, l’une randomisée contrôlée, l’autre observationnelle (1,2), et 1 étude prospective observationnelle non publiée. Le choix de la taille de la lame était laissé à la discrétion du praticien. Il en était de même pour la taille de la sonde d’intubation, les agents utilisés pour l’induction, le positionnement du patient et la méthode de pré-oxygénation. Les recommandations internationales étaient encouragées.

Le critère de jugement principal était le succès d’intubation à la première tentative de laryngoscopie directe, selon la taille de la lame de Macintosh (3 vs. 4). Les critères de jugement secondaires comprenaient, entre autres, la visibilité glottique évaluée par le score de Cormack-Lehane, et le taux de complications de la laryngoscopie.

Les groupes lame 3 et lame 4 n’étant pas attendus comparables, l’analyse statistique a consisté en une analyse multivariée par modèle de régression logistique avant et après pondération par score de propension.

Résultats essentiels

Un total de 2139 intubations ont été inclues des bases de données dans 48 services de réanimation en France. La lame 3 a été utilisée dans 629 (29,4%) des cas contre 1510 (70,6%) pour la lame 4. Les patients intubés avec une lame 3 étaient plus fréquemment des femmes, et de taille plus petite que les patients intubés avec une lame 4. Les patients intubés avec une lame 3 avaient un score MACOCHA ≥3 (prédictif d’intubation difficile) plus fréquemment que les patients intubés avec une lame 4.

Le taux de réussite à la première tentative était significativement supérieur avec lame 3, comparée à la lame 4 (79,5% contre 73,3% ; OR 1,44 ; IC95% 1,14-1,84 ; p = 0,0025). Le résultat était inchangé en ajustant avec le score de propension. Le nombre d’intubations à réaliser avec une lame 3 pour éviter un échec d’intubation était de 14,6 (IC95% 9,0-42,5). Le score de Cormack-Lehane et le taux de complications étaient équivalents dans les 2 groupes.

Commentaires

Aucune recommandation n’existe sur la taille de la lame de Macintosh à utiliser lors d’une laryngoscopie directe. Et pour cause, la littérature concernant les adultes est pauvre à ce sujet à l’instar de celle des enfants. Une étude avec un peu plus de 200 intubations sur mannequin chez des opérateurs inexpérimentés comparant des lames de taille 3 et 4 avait montré des résultats similaires (3). Le choix de la taille est actuellement basé sur l’habitude et l’expérience de l’opérateur. La lame 4 est plus grande d’environ 2 cm et plus épaisse de quelques millimètres selon les fabricants que la lame 3. Ces deux tailles sont adaptées à la morphologie de l’oropharynx de la plupart des adultes.

Le taux de succès d’intubation plus faible avec la lame 4 pourrait être expliqué par une diminution de la puissance du bras de levier lors de la laryngoscopie directe ainsi qu’un plus grand risque de charger l’épiglotte ou même l’œsophage, et également des difficultés d’introduction de la lame dans la bouche du patient.

Points forts
  • Le principal point fort de cette étude est d’être la première à évaluer l’impact de la taille de la lame de Macintosh sur le succès de la première tentative d’intubation chez les patients adultes de réanimation.
  • Données récoltées de manière prospective. 
  • Utilisation d’un score de propension et d’une IPTW (Inverse probability of treatment weighting) correspondant à une pondération sur le score de propension.
Points faibles
  • Etude observationnelle et rétrospective.
  • Le choix de la lame à la discrétion du praticien génère un biais important.
  • La réussite de l’intubation n’est pas spécifiquement définie.   
  • Les protocoles d’intubation ne sont pas standardisés. Ils peuvent donc différer selon les études, les centres, voire même selon les praticiens. A noter que ce point est d’autant plus important que nous retrouvons des études avant et après la période de pandémie COVID (possible impact sur les pratiques avec implémentation de nouveaux protocoles de gestion des voies aériennes)
  • Si la qualification des opérateurs est collectée (anesthésiste, sénior, junior, IADE…), leur expérience n’est pas précisée.
Implications et conclusions

Cette étude soulève la question de l’utilisation systématique d’une lame de taille 3 lors de la laryngoscopie directe en réanimation. Mais qui utilise encore la laryngoscopie directe en 2022 (4,5) !?

Néanmoins, la lame des vidéolaryngoscopes les plus fréquemment disponibles en France ont la même courbure que la lame historique de Macintosh, donc la question reste posée, même si probablement moins importante dans l’utilisation des vidéolaryngoscopes.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par le Dr Paul Descamps, CHU Nantes, Saint Herblain, France, et le Dr Jean-Baptiste Lascarrou, Médecine Intensive Réanimation, CHU Nantes, Nantes, France

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêt.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions à l'auteur (jeanbaptiste.lascarrou@chu-nantes.fr) et à la CERC.

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CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
G. FOSSAT
S. GOURSAUD
N. HEMING
T. KAMEL
G. LABRO
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
L. POIROUX
A. ROUZÉ
V. ZINZONI

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Références

  1. De Jong A, Molinari N, Terzi N, Mongardon N, Arnal JM, Guitton C, et al. Early identification of patients at risk for difficult intubation in the intensive care unit: development and validation of the MACOCHA score in a multicenter cohort study. Am J Respir Crit Care Med. 15 avr 2013;187(8):8329.
  2. Jaber S, Rollé A, Godet T, Terzi N, Riu B, Asfar P, et al. Effect of the use of an endotracheal tube and stylet versus an endotracheal tube alone on first-attempt intubation success: a multicentre, randomised clinical trial in 999 patients. Intensive Care Med. juin 2021;47(6):65364.
  3. Kim JH, Kim SW, Kim YM, Cho Y, Lee SJ. Effect of the curved blade size on the outcomes of tracheal intubation performed by incoming interns: A randomized controlled manikin study. Medicine. 2018 Aug;97(34):e11984.
  4. Martin M, Decamps P, Seguin A, Garret C, Crosby L, Zambon O, et al. Nationwide survey on training and device utilization during tracheal intubation in French intensive care units. Ann Intensive Care. 3 janv 2020;10(1):2.
  5. Prekker ME, Driver BE, Trent SA, Resnick-Ault D, Seitz KP, Russell DW, et al. Video versus Direct Laryngoscopy for Tracheal Intubation of Critically Ill Adults. N Engl J Med. 16 juin 2023;0(0):null.