La sédation inhalée en réanimation est discutée depuis quelques années comme une alternative à la sédation intra-veineuse, notamment chez les patients en SDRA ou en décompensation de BPCO.
Une étude venant d’être publiée dans le JAMA, et évaluant la sédation inhalée par sevoflurane versus propofol dans les SDRA modérés à sévères retrouve un nombre de jours sans ventilation à J28 plus faible et une mortalité à J90 plus élevée dans le bras sevoflurane (1). Une étude physiologique randomisée récente sur l’impact du sevoflurane sur la mécanique respiratoire de patients BPCO sous ventilation mécanique en réanimation ne retrouve pas d’avantage significatif par rapport au propofol en termes de mécanique respiratoire (2).
Si ces études retrouvent une absence de bénéfice clinique au sévoflurane, son coût environnemental, lui, est indiscutable et doit impérativement être pris en compte dans toute évaluation future de ce produit.
Le sévoflurane est un puissant gaz à effet de serre, avec un Pouvoir de Réchauffement Global 195 plus élevé que 1kg de CO₂ (3). Plusieurs recherches montrent que les émissions de gaz à effet de serre sont bien plus élevées avec les agents inhalés qu’avec le propofol (4,5). Une étude française récente, menée au bloc opératoire, a mis en évidence qu’une anesthésie intraveineuse émet 20 fois moins de gaz à effet de serre qu’une sédation mixte (5). En soins intensifs, où le débit de gaz frais ne peut être réduit autant qu’au bloc opératoire, l’empreinte environnementale est encore plus lourde.
Certes, le propofol n’est pas exempt de tout impact écologique. Son élimination, qu’elle soit urinaire ou via les déchets hospitaliers, est toxique pour les organismes aquatiques et présente un risque de bioaccumulation préoccupant dans les eaux et les sols. Néanmoins, les métabolites du sévoflurane sont eux aussi excrétés par voie urinaire et sont également écotoxiques (6).
Il est donc nécessaire de prendre en compte tous les paramètres afin de choisir la meilleure stratégie, comme il est rappelé dans une revue narrative (financée par AbbVie, producteur de sevoflurane) (7).
Les données scientifiques actuelles en anesthésie ne permettent pas de trancher sur ce point (8). Mais en réanimation, en l’absence actuelle de bénéfice clinique démontré et compte tenu de son fort impact environnemental, une stratégie de sédation par gaz inhalés devrait être strictement limitée au cadre de la recherche, où elle devra être évaluée sous un prisme double : efficacité clinique et impact écologique.
Références cités dans les commentaires
- Jabaudon M, Quenot J, Badie J, et al. Inhaled Sedation in Acute Respiratory Distress Syndrome: The SESAR Randomized Clinical Trial. JAMA. Published online March 18, 2025.
- Jung B, Fosset M, Amalric M, et al. Early and late effects of volatile sedation with sévoflurane on respiratory mechanics of critically ill COPD patients. Ann Intensive Care. 2024 Jun 18;14(1):91.
- Sulbaek Andersen MP, et al. Assessing the potential climate impact of anaesthetic gases. The Lancet Planetary Health, Volume 7, Issue 7, e622 - e629
- Sherman JD, Barrick B. Total Intravenous Anesthetic Versus Inhaled Anesthetic: Pick Your Poison. Anesth Analg 2019;128:13–5
- Bernat, M., Boyer, A., Roche, M., et al (2024), Reducing the carbon footprint of general anaesthesia: a comparison of total intravenous anaesthesia vs. a mixed anaesthetic strategy in 47,157 adult patients. Anaesthesia, 79: 309-317.
- Kalmar AF, Rex S, Vereecke H, et al. Environmental Effects of Propofol Versus Sevoflurane for Maintenance Anesthesia. Anesth Analg. 2025 Mar 1;140(3):740-742.
- Jabaudon M, Vallabh B, Bacher HP, et al. Balancing patient needs with environmental impacts for best practices in general anesthesia: Narrative review and clinical perspective. Anaesth Crit Care Pain Med. 2024 Aug;43(4):101389.
- J.C. Pauchard, E.M. Hafiani, L. Bonnet, et al. Guidelines for reducing the environmental impact of general anaesthesia. Anaesth Crit Care Pain Med, 42 (2023).