Le burnout, une réalité en réanimation avant et après la crise sanitaire…

15/12/2022
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Article CCM
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The Coronavirus Disease 2019 Pandemic Impacts Burnout Syndrome Differently Among Multiprofessional Critical Care Clinicians-A Longitudinal Survey Study.
Moll V, Meissen H, Pappas S, Xu K, Rimawi R, Buchman TG, Fisher L, Bakshi V, Zellinger M, Coopersmith CM.
Crit Care Med. 2022 Mar 1;50(3):440-448

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Question évaluée

L’étude a pour objectif d’évaluer l’évolution du syndrome d’épuisement professionnel entre 2017 et 2020 auprès des professionnels de réanimation et d’identifier les facteurs associés spécifiques ou non à la période de crise sanitaire.

Type d’étude

Étude longitudinale et transversale

Population étudiée

Une première enquête a été conduite en 2017 dans 15 unités de soins intensifs d’un centre universitaire à Atlanta (États-Unis) et une seconde enquête a été menée en 2020 dans 16 unités de soins intensifs du même établissement. Les professionnels interrogés étaient des infirmiers, des prestataires en pratique avancée, des médecins, des inhalothérapeutes, des travailleurs sociaux, des psychologues et des pharmaciens.

Méthode

La première enquête a été menée de mars à mai 2017, la deuxième a été conduite de juin à décembre 2020, durant la pandémie de COVID-19. La prévalence du syndrome d’épuisement professionnel était mesurée à l’aide du « Maslach Burnout Inventory » (MBI) of Health and Human Service. L’ « Areas of Worklife Survey » (AWS) a été utilisée pour identifier les facteurs associés à la vie professionnelle conduisant au burn-out.  

Une analyse descriptive puis une analyse de régression multiple ont été réalisées pour déterminer les domaines spécifiques significativement associés au burnout. Enfin, les auteurs ont effectué une comparaison des prévalences du burnout chez les professionnels entre les deux périodes (2017-2022).

Résultats essentiels

Au total, 572 professionnels ont participé à l’étude en 2017 (taux de réponse de 46,5% sur 1233 professionnels interrogés), et 710 en 2020 (taux de réponse de 49,9% sur 1422 professionnels interrogés). Les résultats montrent une augmentation de la prévalence du burnout durant la pandémie, et plus particulièrement chez les infirmières, dont la prévalence passe de 58% à 72% (p < 0,0001). Les médecins semblent les moins touchés par le burnout tout en observant un taux de 51% en 2017 et 58% en 2020 dans cette population. Il n’y avait pas de différence du taux d’épuisement professionnel entre les cliniciens travaillant dans les unités de soins intensifs prenant en charge des patients COVID et ceux qui n’en prenaient pas (71% versus 67%, p = 0,26).

L’étude met en avant un niveau plus élevé d’épuisement professionnel, avant et pendant la pandémie, chez les cliniciens ayant 3 à 5 ans d’expérience.

Enfin, l’épuisement professionnel a augmenté de façon significative chez les femmes entre 2017 et 2020.

L’augmentation de la charge de travail durant la crise, apparait comme un facteur associé à la survenue d’un épuisement professionnel dans toutes les professions. Parmi les autres facteurs associés à la vie professionnelle conduisant au burn-out, la récompense, le sens de la communauté et de l’équité se sont détériorés, durant la crise, chez les infirmières et les prestataires en pratique avancée.

Commentaires

Incontestablement, l’un des points forts de l’étude est la comparaison dans les mêmes unités de soins intensifs de la prévalence du burnout chez les professionnels de réanimation avant et après la pandémie. Ainsi cette étude permet de mettre en avant que le syndrome d’épuisement professionnel était déjà élevé chez les professionnels des soins intensifs en 2017 et qu’il a encore augmenté pendant la pandémie particulièrement chez les infirmiers.

Le second point fort est d’avoir inclus l’ensemble des professionnels travaillant en réanimation, permettant ainsi de mettre en exergue que tous les professionnels sont touchés et cela qu’ils s’occupent ou non de patients atteints de COVID-19.

Les auteurs avaient pour objectif d’identifier des facteurs associés au burnout avant et après la crise. On retrouve les facteurs déjà connus dans la littérature, être une femme ou des dimensions relativement vagues (récompense, communauté, équité), sur lesquels il est difficile de s’appuyer pour élaborer de véritables pistes de réflexion pour la mise en place de dispositif d’accompagnement des professionnels.

Le choix de l’outil d’évaluation des facteurs associés est certainement en cause, l’« Areas of Worklife Survey » est un outil généraliste et non spécifique à la réanimation, rendant difficile la proposition d’actions adaptées à la spécificité de la réanimation (1,2)

Les auteurs semblent être en difficulté pour expliquer l’importance de l’épuisement professionnel chez les soignants ayant une expérience de 3 à 5 ans, stipulant qu’ils s’attendaient à avoir une prévalence de burnout plus importante chez les professionnels moins expérimentés. Toutefois si l’on s’appuie sur la clinique du burnout (3,4), il faut souligner que la symptomatologie du burnout s’installe progressivement chez le professionnel parfois sur plusieurs années. Ce résultat est donc important, car il met en avant l’importance de suivre les professionnels à plus long terme et que l’impact de la pandémie devra être pris en compte dans les années à venir.

Implications et conclusions

Cette étude souligne, comme d’autres, l’importance du burnout en réanimation pour l’ensemble des professionnels et particulièrement les infirmiers, et cela bien avant la période de pandémie. Si un tableau objectif de la souffrance au travail en réanimation est nécessaire pour alerter les pouvoirs publics et les établissements de soins, il est désormais urgent de mettre en place des études interventionnelles s’appuyant sur des actions institutionnelles, organisationnelles et individuelles de prévention et d’accompagnement des équipes de réanimation.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Victoire Deltour, doctorante en psychologie, Laboratoire Psy-DREPI EA7458, Université de Bourgogne, Dijon, France et Alexandra Laurent, professeure de psychologie clinique et psychopathologie, Laboratoire Psy-DREPI EA7458, Université de Bourgogne, Dijon, France.

Alexandra Laurent déclare n'avoir aucun lien d'intérêt.
Victoire Deltour déclare les liens suivants ne relevant pas du cadre du travail soumis :

  • Salariat - Université de Bourgogne
  • Subventions accordées / en instance - Fondation de France

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions à la CERC.

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Références

  1. An international tool to measure perceived stressors in intensive care units: the PS‑ICU scale.
    Laurent A, Fournier A, Lheureux F, Martin Delgado MC, Bocci MG, Pres tifilippo A, et al.
    Ann Intensive Care. 2021;11:57.
  2. Scales used to measure job stressors in intensive care units: are they relevant and reliable? A systematic review.
    Laurent A, Lheureux F, Genet M, Martin Delgado MC, Bocci MG, Pres‑ tifilippo A, et al.
    Front Psychol. 2020;11:245.
  3. Burnout. In Encyclopedia of Mental Health (p. 222‑227).
    Maslach, C., & Leiter, M. P. (2016).
    Elsevier. https://doi.org/10.1016/B978-0-12-397045-9.00149-X
  4. Burnout in intensive care medecine: evaluation, prevention and intervention.
    Fournier, A., & Laurent, A. (2021).
    Médecine Intensive Réanimation, 30(2), 101 -108. https://doi.org/10.37051/mir-00038
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CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
G. FOSSAT
S. GOURSAUD
N. HEMING
T. KAMEL
G. LABRO
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
L. POIROUX
A. ROUZÉ
V. ZINZONI