
Frequency of Screening and Spontaneous Breathing Trial Techniques : A Randomized Clinical Trial
Karen E. A. Burns, MD, MSc; Jessica Wong, MD, MPH; Leena Rizvi, BSc; Myriam Lafreniere-Roula, PhD; Kevin Thorpe, MMath; John W. Devlin, PharmD; Deborah J. Cook, MD; Andrew Seely, MD, PhD; Peter M. Dodek, MD, MHSc; Maged Tanios, MD, MPH; Thomas Piraino, RRT; Audrey Gouskos, MPH; Kenneth C. Kiedrowski, MEd; Phyllis Kay; Susan Mitchell; George W. Merner, BA; Michael Mayette, MD; Frederick D’Aragon, MD, MSc; Francois Lamontagne, MD, MSc; Bram Rochwerg, MD, MSc; Alexis Turgeon, MD, MSc; Ying Tung Sia, MD; Emmanuel Charbonney, MD, PhD; Pierre Aslanian, MD; Gerard J. Criner, MD; Robert C. Hyzy, MD; Jeremy R. Beitler, MD; Elias Baedorf Kassis, MD; Demetrios James Kutsogiannis, MD; Maureen O. Meade, MD, MSc; Janice Liebler, MD; Santhi Iyer-Kumar, MD; Jennifer Tsang, MD, PhD; Robert Cirone, MD; Carl Shanholtz, MD; Nicholas S. Hill, MD; for the Canadian Critical Care Trials Group. JAMA. 2024:332(21):1808-21
Question évaluée :
Faut-il rechercher les critères de sevrabilité de la ventilation mécanique plusieurs fois par jours et quel type d’épreuve de ventilation spontanée réaliser ?
Type d’étude :
Étude multicentrique (23 centres en Amérique du Nord) en ouvert, randomisée 1:1 et stratifiée par centre, avec un plan factoriel 2x2 comparant la fréquence de l’évaluation des critères de sevrabilité de la ventilation mécanique et le type d’épreuve de ventilation spontanée.
Population étudiée :
Les patients ≥ 18 ans (USA) ou ≥ 16 ans (Canada) sous ventilation mécanique depuis au moins 24 heures, réalisant des efforts inspiratoires, pour lesquels la fraction inspirée en oxygène est ≤ 70% et la PEP ≤ 12 cmH2O étaient inclus.
Les patients avec une pathologie neurologique centrale ou périphérique, avec une ischémie myocardique récente, ventilés depuis ≥ 2 semaines, ayant été extubés une première fois au cours du même séjour en réanimation, ayant déjà eu une épreuve de ventilation spontanée (pièce en T, pression positive continue [CPAP]) ou en ventilation spontanée avec une aide inspiratoire ≤ 8 cmH2O quel que soit le niveau de PEP), trachéotomisés, ou moribonds étaient exclus.
Méthode :
Première randomisation : fréquence du screening des critères de sevrabilité
Les critères de sevrabilité incluaient entre autres la présence d’efforts inspiratoires, un PaO2/FiO2 ≥ 200 mmHg avec une PEP ≤ 10 cmH2O, et un rapid shallow breathing index (RSBI=f/Vt) < 105/min en CPAP 0 cmH2O.
Ils étaient recherchés tous les matins dans le groupe screening quotidien, et au moins 2 fois par jour dans le groupe screening pluriquotidien.
Si les critères de sevrabilité étaient réunis, une épreuve de ventilation spontanée était réalisée.
Seconde randomisation : type d’épreuve de ventilation spontanée
Dans le groupe pièce en T, les patients étaient déconnectés du ventilateur et une pièce en T était connectée à l’extrémité de la sonde d’intubation et à l’oxygène, sauf pour les patients COVID chez qui l’épreuve était réalisée en CPAP 0 cmH2O. Dans le groupe « aide inspiratoire », l’épreuve de ventilation spontanée était réalisée avec une aide inspiratoire entre 0 et 8 cmH2O et une PEP entre 0 et 5 cmH2O. Dans les 2 groupes, l’épreuve de ventilation spontanée durait entre 30 min et 2h. Les critères d’échec de l’épreuve de ventilation spontanée étaient standardisés.
En cas d’échec de l’épreuve de ventilation spontanée, la ventilation était reprise avec des réglages identiques à ceux avant l’épreuve.
En cas de succès de l’épreuve de ventilation spontanée, les patients étaient extubés si les critères de succès classiques étaient présents.
Après extubation, les patients étaient placés sous ventilation non invasive (VNI) s’il survenait une insuffisance respiratoire aiguë hypoxémique ou hypercapnique. La durée de VNI après extubation était comptabilisée dans la durée totale de ventilation. Les critères de réintubation étaient standardisés.
Le critère de jugement principal était le délai d’extubation avec succès, défini par la durée entre la randomisation et l’extubation sans réintubation à 48h de l’extubation. Une première analyse (comparant screening quotidien et pluriquotidien indépendamment du type d’épreuve de ventilation spontanée, et comparant « aide inspiratoire » à pièce en T indépendamment de la fréquence du screening) prenant en compte le risque compétitif de décès était réalisée, sans prendre en compte une éventuelle interaction entre les groupes.
L’inclusion de 760 patients permettrait de détecter une réduction de 1 jour du délai d’extubation avec succès (de 5 à 4 jours) avec une puissance de 80% et un risque a de 5%.
Résultats essentiels :
Parmi les 8168 patients éligibles dans 23 centres, 837 ont été randomisés et 797 inclus dans l’analyse. Leur âge moyen était de 62 ans et 59% étaient des hommes. Environ 20% des patients avaient une bronchopneumopathie chronique obstructive et 10% une insuffisance cardiaque. Les patients étaient principalement médicaux et environ 55% étaient admis pour une insuffisance respiratoire aiguë.
Dans l’analyse principale, le délai d’extubation avec succès n’était pas différent entre les groupes screening quotidien et pluriquotidien, ni entre les groupes « aide inspiratoire » et pièce en T (2 jours en médiane dans le groupe screening quotidien + « aide inspiratoire », 3 jours dans le groupe screening quotidien + pièce en T, 4 jours dans le groupe screening pluriquotidien + « aide inspiratoire » et 3 jours dans le groupe screening pluriquotidien + pièce en T).
Or, il existait une interaction significative entre les groupes, permettant une nouvelle analyse comparant les groupes 2 à 2. Entre les groupes « aide inspiratoire », le délai d’extubation avec succès était plus long en cas d’épreuve pluriquotidiennes qu’en cas d’épreuves quotidiennes. Les autres analyses du critère de jugement principal par sous-groupes (screening quotidien vs. pluriquotidien entre les groupes pièce en T, « aide inspiratoire » vs. pièce en T entre les groupes screening pluriquotidien, « aide inspiratoire » vs. pièce en T entre les groupes screening quotidien) n’étaient pas significativement différents.
Le délai entre la randomisation et le succès de la première épreuve de ventilation spontanée était différent entre les groupes en raison d’un délai significativement plus court dans le groupe screening quotidien + « aide inspiratoire » (0.8 jour) que dans le groupe screening quotidien + pièce en T (1.1 jour).
Dans le groupe screening quotidien + « aide inspiratoire », la durée de ventilation et la durée de séjour en réanimation et à l’hôpital étaient les plus courtes, sans différence de recours à la ventilation non invasive (entre 9 et 13%), de réintubation (entre 8 et 12%), ou de mortalité (entre 14 et 17% en réanimation) entre les groupes.
L’adhésion au protocole était bonne et les effets indésirables n’étaient pas différents entre les groupes.
La qualité de vie et l’indépendance fonctionnelle à 6 mois n’étaient pas différentes entre les groupes.
Commentaires :
Le processus de sevrage de la ventilation mécanique comprend plusieurs étapes :1
La recherche systématique des critères de sevrabilité,
La réalisation d’une épreuve de ventilation spontanée chez les patients sous ventilation mécanique > 24h afin de mimer les conditions de respiration après extubation,
La prévention de la réintubation au moyen de stratégies d’oxygénation post-extubation.
La recherche quotidienne systématique des critères de sevrabilité accélère le sevrage de la ventilation mécanique en comparaison à l’absence de procédure.2
L’épreuve de ventilation spontanée en aide inspiratoire est associée à moins de dérecrutement,3 moins d’efforts inspiratoires,4 et une extubation plus rapide chez les patients à faible risque5 ou à haut risque6 de réintubation que la pièce en T.
La ventilation non invasive préventive administrée immédiatement après extubation chez les patients ≥ 65 ans ou avec des antécédents cardiaques ou respiratoires est associée à moins de réintubation que l’oxygénothérapie nasale à haut débit,7 et est recommandée chez tous les patients à haut risque d’échec d’extubation.8,9
Certains résultats de cette étude ne sont donc pas nouveaux, tels que le délai de succès de l’épreuve de ventilation spontanée plus court, le délai d’extubation plus court, la durée de ventilation mécanique plus courte, ou la durée de séjour plus courte sans augmentation du risque de réintubation ou de mortalité dans le groupe screening quotidien + « aide inspiratoire », que dans le groupe screening quotidien + pièce en T.
Un résultat inattendu est l’effet délétère du screening pluriquotidien en comparaison au screening quotidien (délai d’extubation plus long, durée de ventilation mécanique plus longue, durée de séjour plus long). Ce résultat pourrait être lié à des facteurs confondants méconnus après randomisation, à la survenue de complications ou de modifications de prise en charge après randomisation, ou à un biais cognitif de prudence pour lequel le clinicien attendrait le succès d’une autre épreuve le lendemain avant l’extubation. En effet, le délai de succès de l’épreuve de ventilation spontanée n’était pas différent entre les groupes screening pluriquotidien ou pluriquotidien en aide inspiratoire.
Points forts :
Taille de l’échantillon
Caractère multicentrique
La PEP ≤ 10 cmH2O comme critère de sevrabilité, permettant un dépistage précoce en comparaison au niveau de PEP recommandé de 8 cmH2O.1
Points faibles :
Le PaO2/FiO2 ≥ 200 mmHg comme critère de sevrabilité, entrainant un dépistage tardif en comparaison au PaO2/FiO2 recommandé de 150 mmHg.1
L’absence de détail sur la durée des épreuves de ventilation spontanée qui pouvaient durer entre 30 min (facile) et 2h (plus difficile). Ainsi, il n’est pas exclu que la durée de l’épreuve ait influencé les résultats.
L’hétérogénéité des groupes « aide inspiratoire ». En effet, l’épreuve de ventilation spontanée pouvait être réalisée avec une aide inspiratoire entre 0 et 8 cmH2O et une PEP entre 0 et 5 cmH2O. Or le travail respiratoire au cours d’une épreuve de ventilation spontanée en aide inspiratoire 0 cmH2O et PEP 0 cmH2O, ou en CPAP 0 cmH2O est identique à celle réalisée en pièce en T,4 pouvant donc contribuer à atténuer les différences entre les groupes.
La reconnexion au ventilateur pendant 1h après le succès de l’épreuve de ventilation spontanée n’était pas précisée. Or, elle est associée à moins de réintubation que l’extubation directe après succès de l’épreuve de ventilation spontanée.10
La ventilation non invasive préventive après extubation n’était pas utilisée chez les patients à haut risque d’échec d’extubation contrairement aux recommandations internationales.8
La ventilation non invasive curative pour traiter l’insuffisance respiratoire aiguë post-extubation était préconisée alors qu’elle n’est pas recommandée.8
L’évaluation du succès d’extubation à 48h et non à J7 de l’extubation. Une évaluation aussi précoce ne capture qu’environ 60% de tous les échecs d’extubation.7
La complexité de la procédure pour l’épreuve de ventilation spontanée qui devait débuter par le calcul du RSBI en CPAP avant l’épreuve à proprement parler.
Le risque de dyspnée liée à la multiplication des épreuves de ventilation spontanée dans les groupes screening pluriquotidien.11
La nécessité de réaliser un test de fuite systématique avant extubation alors qu’il n’est recommandé que chez les patients à risque de stridor post-extubation.12
Implications et conclusions :
Cette large étude multicentrique randomisée suggère que le dépistage pluriquotidien des critères de sevrabilité n'apporte pas de bénéfice supplémentaire par rapport au dépistage quotidien, et confirme l’extubation plus rapide si l’épreuve est réalisée en aide inspiratoire qu’en pièce en T, sans augmentation du risque de réintubation.
Références cités dans les commentaires :
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Article commenté par Rémi Coudroy, Service de Médecine Intensive Réanimation, CHU de Poitiers, France.
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