Even early, it’s too late

31/01/2019
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reactu-pronostic patients cancers
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Characteristics and outcome of patients with newly diagnosed advanced or metastatic lung cancer admitted to intensive care units (ICUs).
Barth C, Soares M, Toffart AC, Timsit JF, Burghi G, Irrazabal C, Pattison N, Tobar E, Almeida BF, Silva UV, Azevedo LC, Rabbat A, Lamer C, Parrot A, Souza-Dantas VC, Wallet F, Blot F, Bourdin G, Piras C, Delemazure J, Durand M, Salluh J, Azoulay E, Lemiale V; Lung Cancer in Critical Care (LUCCA) Study Investigators.
Ann Intensive Care. 2018 Aug 4;8(1):80. doi: 10.1186/s13613-018-0426-2.

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Question évaluée

Quel est le pronostic des patients atteints de cancers broncho-pulmonaires récemment diagnostiqués admis en réanimation ?

Type d’étude

Cohorte rétrospective, observationnelle, multicentrique, internationale.

Recours à 2 bases de données comprenant 21 services de réanimation européens et sud-américains.

Population étudiée

Patients > 18 ans, atteints de cancer broncho-pulmonaire non résécable, localement avancé ou métastatique.

Cancer documenté histologiquement (cancer bronchique à petites cellules, carcinome épidermoïde, adénocarcinome, carcinome à grandes cellules, autres).

Patient admis en réanimation pour une cause médicale dans le mois suivant le diagnostic carcinologique.

Les patients admis en réanimation en post opératoire sont exclus.

Méthode

Etude de cohorte rétrospective, multicentrique.

Recueil des caractéristiques du patient, de son état général avant l’admission en réanimation (score ECOG-PS : Eastern Cooperative Oncology Group Performance Status), de la date du diagnostic de cancer, de son type histologique, de son extension et des traitements entrepris avant l’admission en réanimation.

La sévérité à l’arrivée en réanimation était estimée par le Sequential Organ Failure Assessment score (SOFA) et le Simplified Acute Physiology Score II (SAPS II). Les comorbidités du patient étaient estimées au moyen du Charlson Comorbidity Index (CCI).

Le recours à la ventilation invasive et non-invasive, aux vasopresseurs, à l’hémodialyse et à un traitement anti-cancéreux en réanimation étaient colligés, de même que les décisions de limitation des thérapeutiques (LATA).

La mortalité hospitalière (critère de jugement principal) ainsi que la mortalité en réanimation, à 3 mois et à 6 mois (critères de jugement secondaires).

Résultats essentiels

Entre janvier 2010 et décembre 2013, 100 patients ont été inclus.

L’âge médian était de 64 ans et il s’agissait pour 68 % d’hommes. L’état général des patients était bon, puisque 75% d’entre eux avaient un ECOG-PS à 0 ou 1. Le diagnostic de cancer précédait de 7 jours [ IQR 0-20] l’admission en réanimation. Trente et un patients sur les 100 inclus ont même été diagnostiqués de leur cancer au cours du séjour en réanimation.

 Le type histologique était pour 30% des patients un carcinome bronchique à petites cellules (SCLC), pour 28% un adénocarcinome et pour 25% un carcinome épidermoïde. Le cancer était métastatique dans 70% des cas.

A l’admission en réanimation, les valeurs médianes des SOFA, SAPS II et CCI étaient respectivement de 8 [4-12], 52 [41-64] et 3 [3-6]. Les principales causes d’admission étaient l’insuffisance respiratoire aiguë (46%) et le choc septique (40%). Le recours à la ventilation mécanique non invasive, invasive, à l’hémodialyse, et aux amines vasopressives était respectivement de 16%, 65%, 12% et 61%.

Parmi les résultats les plus importants :

  • Le taux de mortalité hospitalière était de 60%.
  • Le taux de mortalité en réanimation, à 3 mois et à 6 mois était respectivement de 47%, 67% et 71%.
  • Des limitations thérapeutiques ont été décidées en réanimation après 6 jours [2-14,5] pour 50 patients (50%), dont 45 sont décédés à l’hôpital.
  • La mortalité hospitalière était de :
    • 60% en cas de recours à la ventilation mécanique
    • 71% en cas de ventilation mécanique + vasopresseurs
    • 83% en cas de ventilation mécanique + vasopresseurs + hémodialyse.
  • Les facteurs indépendants de mortalité hospitalière en analyse multivariée étaient la ventilation mécanique invasive (Odds Ratio [OR] : 4,2 ; intervalle de confiance [IC] 95%  [1,11-16,2]; p= 0,03) et le caractère métastatique du cancer (OR : 4,22 ; IC 95% : [1,4-12,4] ; p= 0,008). La prescription de chimiothérapie en réanimation, essentiellement à des patients atteints de SCLC, était significativement associée à un meilleur pronostic (OR : 0,23 ; IC 95% : [0,07-0,81] ; p= 0,02).
  • 17 patients ont reçu en urgence une chimiothérapie inaugurale en réanimation, dont 11 étaient atteints d’un SCLC. La mortalité en réanimation, à l’hôpital, à 3 mois et à 6 mois était respectivement de 29%, 41%, 53% et 59% dans cette sous-population.
Commentaires

L’admission en réanimation des patients atteints de cancer broncho-pulmonaire non résécable est souvent une décision complexe pour le clinicien, d’une part en raison d’un pronostic oncologique intrinsèque défavorable, mais également d’une mortalité hospitalière accrue en cas de défaillance d’organe (1,2,3). Certaines études suggèrent que la prise en charge en réanimation de ces patients aggraverait en elle même leur pronostic (4).

Sélectionner les patients qui peuvent accéder à des soins intensifs sans grever péjorativement leur survie ou leur qualité de vie au décours et exclure ceux qui ne peuvent en tirer de bénéfice, est pour le clinicien un objectif majeur, mais hautement complexe.

Il est séduisant de penser que le diagnostic récent du cancer, du fait de l’absence d’altération de l’état général et de comorbidités imputables aux traitements anti-cancéreux pourrait être un argument fort en faveur d’un meilleur pronostic et donc plaider pour un transfert plus systématique en réanimation.

Malheureusement, dans cette étude, le taux de mortalité hospitalière reste élevé (60%) et s’accroît au décours, puisqu’il atteint 71% à 6 mois.

Les facteurs de mauvais pronostic restent les mêmes que ceux retrouvés dans les études menées ces 10 dernières années (1,5,6), à savoir le recours à la ventilation mécanique et le caractère métastatique du cancer. L’état général n’apparaît pas ici comme un facteur pronostique, ce en raison de l’état général conservé de la plupart des patients. De manière intéressante, le recours aux amines vasopressives n’apparaît pas comme un facteur de mauvais pronostic et pourrait donc justifier l’administration de noradrénaline en cas choc septique, pourvu que la durée de ce traitement reste courte.

L’un des points à souligner est l’amélioration du pronostic des patients traités de façon inaugurale par chimiothérapie en réanimation, puisqu’il s’agit essentiellement de SCLC dont la chimiosensibilité est meilleure que les autres formes histologiques.

Dans l’article de Zerbib et al (7), la mortalité hospitalière des patients atteints de SCLC et ayant bénéficié d’une chimiothérapie en réanimation était également moindre que celle des autres formes. Néanmoins, la mortalité à un an était équivalente.

Enfin la décision de LATA survient relativement précocement (J6) pour 50% des patients admis, parmi lesquels 90% sont décédés à l’hôpital. Dans cette mesure, il est légitime de se demander si la limitation n’aurait pas pu être posée avant l’admission en réanimation.

Points forts
  • Il s’agit d’une étude originale, qui décrit pour la première fois les facteurs pronostiques des patients atteints de cancer broncho-pulmonaire récemment diagnostiqués et donc peu impactés par les effets secondaires des thérapeutiques anti cancéreuses, notamment l’immunosuppression chimio-induite.
  • Apporte une réponse assez claire : que le cancer soit diagnostiqué peu ou longtemps avant l’admission en réanimation, le taux de mortalité à 6 mois et les facteurs pronostiques restent les mêmes.
  • Forte validité externe : cette étude est en accord avec la littérature des 10 dernières années, à savoir une mortalité intra-hospitalière qui reste élevée et qui s’accroit 6 mois après l’admission, dépassant les 70%.
Points faibles
  • Etude rétrospective, faible effectif.
  • On ne connaît pas le nombre de patients récusés de la réanimation ni leur devenir, ainsi que la durée moyenne de séjour en réanimation.
  • Peu de données sur les traitements anti cancéreux reçus avant la prise en charge en réanimation et leurs effets secondaires.
  • Pas de données sur l’état général des patients à la sortie de réanimation, notamment les SCLC : sortir de réanimation, oui, mais à quel prix ?
  • Pas de données sur les traitements carcinologiques qu’il a été possible d’entreprendre au décours du séjour en réanimation : le patient a-t-il pu être traité au décours de son séjour en réanimation ?
Implications et conclusions

La survie des patients atteints de cancer broncho-pulmonaire non résécable nouvellement diagnostiqué admis en réanimation est faible. Le recours à la ventilation mécanique ou à toute autre suppléance d’organe est associé à une augmentation de la mortalité. Il semblerait que les patients atteints de SCLC pour lesquels une chimiothérapie est débutée en urgence en réanimation survivent mieux à l’hospitalisation que les cancers bronchiques non à petites cellules, en revanche cette amélioration de mortalité n’est pas confirmée statistiquement à 3 et 6 mois. La décision d’admettre ce type de patient en réanimation reste complexe et ne peut s’appuyer que sur un large faisceau d’arguments impliquant l’état antérieur du patient, la sévérité de l’épisode le précipitant en réanimation, la nature du cancer et la possibilité ou non de débuter une chimiothérapie en urgence.

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Conflit d'intérêts

Article commenté par le Dr M. Faure et le Pr A. Demoule, service de Pneumologie, Médecine Intensive Réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France.

Le Dr M. Faure déclare ne pas avoir de liens d’intérêt.
Le Pr A. Demoule déclare les liens d’intérêt suivants: grants, personal fees and non-financial support from Philips, personal fees from Baxter, grants and non-financial support from Fisher & Paykel, grants from French ministry of health outside the submitted work.
Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions l’auteur (morgane.faure@aphp.fr) ou à la CERC.

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Liens utiles

  1. Roques S, Parrot A, Lavole A et al. Six month prognosis of patients with lung cancer admitted to the intensive care unit. Intensive Care Med 2009;35 :2044-50.
  2. Garrouste-Orgeas M, Predictors of intensive care unit refusal in French intensive care units : a multiple-center study. Crit Care Med 2005
  3. Soares M, Darmon M, Salluh JIF, et al. Prognosis of lung cancer patients with life-threatening complications. Chest 2007 ;131 :840-6.
  4. Lai CC, Ho CH, Chen CM et al. Risk factors and mortality of adults with lung cancer admitted to the intensive care unit. J Thorac Dis 2018;10(7) :4118-4126.
  5. Soares M, Toffart AC, Timsit JF et al. Intensive care in patients with lung cancer : a multinational study. Ann Oncol 2014 ;25(9) :1829-35.
  6. Fisher R, Dangoisse C, Crichton S et al. Short-term and medium-term survival of critically ill patients with solid tumours admitted to the intensive care unit : a retrospective analysis. BMJ, Open 2016 ;6(10) :e011363.
  7. Zerbib Y, Rabbat A, Fartoukh M et al. Urgent chemotherapy for Life-treatening Complications Related to Solid Neoplasms. Crit Care Med 2017 ;45(7) :e640-e648.
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CERC

JB. LASCARROU (Secrétaire)
SD. BARBAR
F. BOISSIER
G. DECORMEILLE
N. HEMING
B. HERMANN
S. HRAIECH
G. JACQ
JF. LLIJTOS
L. OUANES-BESBES
G. PITON
L. POIROUX