Levetiracétam versus phénytoine : match nul dans l’état de mal convulsif de l’enfant

14/01/2020
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Levetiracetam versus phenytoin for second-line treatment of convulsive status epilepticus in children (ConSEPT): an open-label, multicentre, randomized controlled trial.
Dalziel SR, Borland ML, Furyk J, Bonisch M, Neutze J, Donath S, Francis KL, Sharpe C, Harvey AS, Davidson A, Craig S, Phillips N, George S, Rao A, Cheng N, Zhang M, Kochar A, Brabyn C, Oakley E, Babl FE; PREDICT research network.
Lancet. 2019 May 25;393(10186):2135-2145.

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Levetiracetam versus phenytoin for second-line treatment of paediatric convulsive status epilepticus (EcLiPSE): a multicentre, open-label, randomised trial.
Lyttle MD, Rainford NEA, Gamble C, Messahel S, Humphreys A, Hickey H, Woolfall K, Roper L, Noblet J, Lee ED, Potter S, Tate P, Iyer A, Evans V, Appleton RE; Paediatric Emergency Research in the United Kingdom & Ireland (PERUKI) collaborative.
Lancet. 2019 May 25;393(10186):2125-2134.z

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Question évaluée

Lévétiracétam (LVT) versus phénytoine (PHT) en traitement de deuxième intention de l’état de mal convulsif (EMC) chez l’enfant.

Type d’étude

Études multicentriques, randomisées, contrôlées ouvertes.

Population étudiée

ConSEPT : enfants âgés de 3 mois à 16 ans pris en charge aux urgences (13 centres en Australie et en Nouvelle Zélande) pour un EMC persistant malgré 2 doses de benzodiazépines (BZD) (> 0.1mg/kg/dose).

EcLiPSE : enfants âgés de 6 mois à 18 ans (30 services d’urgences au Royaume Uni et en Irlande). Critères d’inclusion similaires pour les 2 études en dehors du traitement antiépileptique de fond par LVT et PHT autorisé dans EcLIPSE, exclu dans ConSEPT.

Méthode
Inclusion
  • ConSEPT : après inclusion et randomisation, les enfants ont reçu en ouvert la PHT 20 mg/kg en IV ou en intra-osseux (IO) sur 20 minutes ou le LVT 40 mg/kg en IV ou en IO durant 5 minutes. En cas d’échec, un traitement alternatif a été administré par LVT ou PHT ou un autre traitement antiépileptique (AE) selon le protocole local ainsi qu’une intubation en séquence rapide (ISR) selon l’indication clinique.
Critères de jugement
  •  ConSEPT: Critère de jugement principal : efficacité du traitement à 5 minutes après la fin de l’injection évaluée par l’examen clinique. Les principaux critères de jugement secondaires étaient : l’arrêt des crises à H2 du début de l’injection sans recours à un autre AE ; arrêt de crises à H2 sans recours à un autre AE à l’exception du traitement alternatif par PHT ou LVT et absence de recours à l’ISR ; durée de l’EMC, recours à l’ISR, admission en USI, effets indésirables sévères ; durée de l’hospitalisation et de séjour en USI, contrôle des crises à 1 mois après la sortie.
  • EcLiPSE : Mêmes modalités d’administration, en cas d’échec les patients recevaient un AE selon l’algorithme recommandé par l’APLS (l’Advanced Paediatric Life Support). Le critère principal était le délai entre la randomisation et l’arrêt des crises établi par l’examen clinique. Critères secondaires : le % de patients dans chaque groupe nécessitant un traitement AE alternatif et les mêmes que pour ConSEPT.
Résultats essentiels

ConSEPT : Deux-cent trente-trois enfants étaient inclus âgés de 3 mois à 16 ans (moy : 3,9 ans), sexe ratio 0.48. Les 2 groupes, PHT (n=114) et LVT (n=119), étaient homogènes et comparables dans leurs principales caractéristiques : antécédent de crises (47%) ; antécédents d’EMC (24%) ; retard du développement psychomoteur (26%). L’EMC était favorisé par la fièvre dans 73% des cas et était traité par midazolam en première intention (94%), par voie IV, IM, buccale ou nasale avec une dose totale moyenne de 2,7 et 2,5 mg dans le groupe PHT et LVT respectivement. La durée médiane de l’état de mal convulsif avant l’injection du traitement de 2ème intention était de 74 et 72 min dans le groupe PHT et LVT respectivement.

A 5 minutes après la fin de l’injection l’arrêt des crises était obtenu chez 60% de patients dans le groupe PHT et 50% dans le groupe LVT (p=0.16). Il n’y avait pas de différence d’efficacité dans les sous-groupes (selon l’âge > ou <5 ans, fièvre, type de crises, midazolam versus autre AE de première ligne). La durée médiane de l’EMC après le début de l’injection était de 22 min dans le groupe PHT et 17 min dans le groupe LVT (p=0.25). A H2 le contrôle des crises a été maintenu chez 54% des patients sous PHT et 51% sous LVT sans AE complémentaire (P=0.63). 37% des patients dans le groupe PHT et 40% dans le groupe LVT ont reçu le traitement alternatif. Le contrôle des crises a ainsi été obtenu chez 78% des patients du groupe PHT et 72% du groupe LVT (p=0.31). 22% des patients ont eu une ISR, 18% dans le groupe PHT et 26% dans le groupe LVT (p=0.16). Le pourcentage d’admission en USI et des effets indésirables survenus dans les 2 h après le début de l’injection étaient similaires dans les 2 groupes.

EcLiPSE : Deux cent quatre-vingt-six patients ont reçu soit le LVT (n=152, 53 %) soit le PHT (n=134, 47%) ; l’âge médian des patients était de 2,7 ans dans les 2 groupes (90% avaient moins de 10 ans et 41% moins de 2 ans) ;le sex ratio était de 0.49 (LVT) et de 0.54 (PHT). Il s’agissait d’une première crise dans 45 % (LVT) et 37% (PHT) ; l’EMC était favorisé par la fièvre dans 41 et 43% des cas respectivement, l’épilepsie préexistait chez 30% des patients sous LVT et 34% sous PHT. Dix-neuf pourcents d’enfants dans le groupe LVT recevaient déjà le LVT et <1% le PHT, l’EMC était convulsif généralisé dans 80% des cas. L’EMC était stoppé chez 70% dans le groupe LVT et 64% dans le groupe PHT (avec un temps médian entre la randomisation et arrêt des crises de 35 min pour le groupe LVT et 45 min dans le groupe PHT (p=0.2) (avec le délai médian entre la randomisation et l’injection de 11-12 min). Trente-huit % des patients dans le groupe LVT et 37% dans le groupe PHT ont reçu un 2ème traitement (p=0.97) et 29 et 35% respectivement ont nécessité une ISR. Les effets indésirables étaient observés chez 14% des patients sous PHT et 12% des patients sous LVT ; le plus fréquent étant l’agitation (LVT (8%), PHT (3%)). Cinq effets indésirables graves dont 2 chez un même patient sous PHT étaient en lien avec le traitement (hypotension sévère et majoration des crises avec altération de la conscience).

Points forts
  • Méthodologie adaptée
  • Nombre important de patients
Points faibles
  • Pas de monitoring EEG dans les 2 études
  • Durée de l’EMC de plus de 70 minutes dans ConSEPT (et non précisé dans EcLiPSE) avant l’injection de l’AE de deuxième intention, induisant possiblement une sous-estimation de l’efficacité du traitement, celle-ci diminuant avec le temps passé en EMC (un délai de 20-40 min est recommandé pour l’injection d’un traitement de 2ème intention (1-5).
  • Posologie moyenne relativement faible dans ConSEPT (et non précisée dans EcLipse) du traitement par BZD (2,5-2,7 mg) en première intention par rapport à l’âge des patients diminuant également les chances de l’efficacité du traitement de première intention (6).
  • Pas de distinction de l’efficacité du traitement en fonction du caractère occasionnel de l’EMC ou survenant dans un contexte d’épilepsie préexistante (30-47% d’enfants).
Implications et conclusions

Les deux études concluent à une efficacité équivalente (de 50-70%) de la PHT et du LVT en seconde intention dans l’EMC chez l’enfant. Le contrôle des crises a pu être maintenu à H2 chez plus de 70% des patients après l’administration d’un seul, ou en cas d’échec, de ces 2 AE consécutivement. Il n’y avait pas de différence quant aux effets indésirables entre les 2 groupes.

Ces études permettent de considérer le LVT comme le traitement de choix en 2ème intention compte tenu de son efficacité équivalente à celle de la PHT et de l’avantage d’une plus grande facilité et rapidité d’administration ainsi qu’une meilleure tolérance notamment cardio-vasculaire.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Articles commentés par le Dr. Anna Kaminska, Unité de neurophysiologie clinique, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris, France.

L’ auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt.

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LIENS UTILES

  1. Abend NS, Bearden D, Helbig I, et al. Status epilepticus and refractory status epilepticus management. Semin Pediatr Neurol. 2014 Dec;21(4):263-74.
  2. Gaínza-Lein M, Sánchez Fernández I, Jackson M,et al. Pediatric Status Epilepticus Research Group. Association of Time to Treatment With Short-term Outcomes for Pediatric Patients With Refractory Convulsive Status Epilepticus. JAMA Neurol. 2018 Apr 1;75(4):410-418.
  3. Glauser, T., Shinnar, S., Gloss, D., et al. Evidence-based guideline: Treatment of convulsive status epilepticus in children and adults: Report of the guideline committee of the American epilepsy society. Epilepsy Curr. 2016, 16, 48–61.
  4. Sansevere AJ, Hahn CD, Abend NS. Conventional and quantitative EEG in status epilepticus. Seizure. 2019 May;68:38-45.
  5. Smith DM, McGinnis EL, Walleigh DJ, et al. Management of Status Epilepticus in Children. J Clin Med. 2016 Apr 13;5(4).
  6. McTague A, Martland T, Appleton R. Drug management for acute tonic-clonic convulsions including convulsive status epilepticus in children. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Jan 10;1:CD001905.
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CERC

JB. LASCARROU (Secrétaire)
SD. BARBAR
F. BOISSIER
G. DECORMEILLE
N. HEMING
B. HERMANN
S. HRAIECH
G. JACQ
JF. LLIJTOS
L. OUANES-BESBES
G. PITON
L. POIROUX