Nirsevimab : le début de la fin pour la bronchiolite à VRS ?

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Nirsevimab for prevention of hospitalizations due to RSV in infants.

Drysdale et al. N Engl J Med 2023;389:2425-2435.

DOI: 10.1056/NEJMoa2309189.

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Question évaluée

Le virus respiratoire syncitial (VRS) représente le principal pathogène responsable de bronchiolites chez les nourrissons (1). La charge en soins entrainée par cette maladie saisonnière est considérable avec chaque hiver une mise en tension des services pédiatriques.

Une prophylaxie primaire par immunisation passive dirigée contre le VRS, le palivizumab, est déjà disponible. Considérant son coût et sa courte demi-vie, son utilisation est actuellement recommandée seulement dans certains groupes à risque de formes graves (ancien prématuré, nouveau-né avec pathologie chronique). L’arrivée d’un nouvel anticorps, le nirsevimab, avec une durée d’action prolongée, semble être prometteur. Son efficacité a été démontrée chez les nourrissons prématurés (2), et chez les nourrissons à terme ou avec prématurité tardive (à faible risque de formes graves), dans un essai clinique de phase III (3, 4).

Les auteurs ont voulu investiguer l’impact d’une prophylaxie primaire avec le nirsevimab dans cette population à faible risque de formes graves, dans un contexte de « vie réelle » (5).

Type d’étude

Il s’agit d’un essai clinique de phase IIIb, randomisé entre injection de l’anticorps et prise en charge classique. Il n’y avait pas d’aveugle et la randomisation était stratifiée selon l’âge et le pays (France, Allemagne, Angleterre).

Population étudiée

Critères d’inclusion

Tous les enfants nés à plus de 29 semaines de grossesse, entrant dans leur première saison épidémique de VRS (donc avant l’âge de 12 mois) et ne remplissant pas les critères d’une prophylaxie par palivizumab.

Critères d’exclusion

Immunodéficience, infection active lors de la randomisation, prophylaxie VRS reçue pendant la grossesse, et toute contre-indication à une injection intramusculaire ou une hyperréactivité aux produits injectés.

Méthode

Issue

L’outcome primaire était la proportion d’hospitalisations liées à une infection au VRS pendant la saison épidémique annuelle. La décision d’hospitaliser l’enfant était laissée libre aux choix des cliniciens, mais l’infection à VRS devait être confirmée par virologie.

Les outcomes secondaires étaient la survenue d’une hospitalisation pour une infection à VRS sévère, définie comme une hospitalisation avec désaturation <90% et besoin d’oxygène, la survenue des hospitalisations pour infection à VRS par pays et la survenue d’infections respiratoires basses tous germes confondus.

Des mesures de suivi des évènements secondaires étaient également réalisées. Pour cela, les parents/représentants légaux devaient remplir mensuellement un rapport électronique de la présence d’éventuels effets secondaires ou d’une hospitalisation. Ils pouvaient être contactés par les investigateurs si plus d’informations étaient nécessaires.

Calculs de taille d’échantillon

Calculé pour une incidence estimée d’hospitalisation associée au VRS de 1,1% afin de détecter une efficacité de 60% du traitement avec une puissance de 90% et un risque alpha de 1,6% (ajusté pour comparaisons multiples). Le nombre total d’enfants nécessaires estimé était de 28 860 enfants. Cependant, il était prévu d’effectuer l’analyse lorsque 61 enfants auraient été hospitalisés pour infection à VRS.

Résultats essentiels

La population finale était de 8058 patients inclus, 4037 dans le groupe nirsevimab et 4021 dans le groupe traitement standard.

Au total, 0.4% de enfants ont arrêté l’essai dans chacun des 2 groupes, avec une proportion de crossover de 0.6% dans le groupe nirsevimab et de <0.1% dans le groupe contrôle.

Une hospitalisation pour infection à VRS est survenue chez 11 patients (0.3%) du groupe nirsevimab et chez 60 patients (1.5%) du groupe contrôle, qui permettrait de définir une efficacité de 83.2% (intervalle de confiance 95% 67.8-92.0) (valeur p < 0.001). Une régression de Cox, prenant en compte la durée à l’évènement, démontre une efficacité similaire de 83.3% (intervalle de confiance à 95% 68.2-91.2).

L’analyse de sous-groupes ne démontre pas d’hétérogénéité significative.

En ce qui concerne les outcomes secondaires :

  • Les infections sévères à VRS étaient significativement moins fréquentes dans le groupe nirsevimab (5 enfants, 0.1%) que dans le groupe contrôle (19 enfants, 0.5%), pour une efficacité de 75.7% (IC 95% 32.8-92.9, valeur p = 0.004).
  • L’efficacité du nirsevimab se retrouvait de manière similaire dans les 3 pays incluant des patients : France, Angleterre, Allemagne.
  • On observait significativement moins d’hospitalisations pour infections respiratoires basses tous germes confondus dans le groupe nirsevimab.

En ce qui concerne le suivi d’éventuels effets secondaires, il n’y a pas eu de différence notable entre les 2 groupes. La survenue d’évènements sérieux était de 2.2% dans le groupe nirsevimab contre 1.7% dans le groupe contrôle.

Points forts

Il s’agit d’une étude prospective, randomisée, dans une large population d’enfants. La méthodologie utilisée était robuste et pragmatique pour répondre à la question de recherche.

Le design de l’étude permettait une estimation de l’impact « en vie réelle » de la prophylaxie avec une injection puis un suivi. Les hospitalisations étaient décidées par des cliniciens externes à l’étude. On peut donc supposer une réponse similaire à la prophylaxie en cas de campagne de vaccination globale.

Points faibles

On notera l’absence d’aveugle, difficile dans ce genre d’étude. Cependant, la décision d’hospitalisation était faite par un médecin et une équipe étrangère à l’étude. Il faut aussi noter que les données ont été analysées par le sponsor de l’étude. Il aurait également été intéressant d’inclure un calcul du nombre de sujets à traiter pour prévenir une hospitalisation reliée au VRS afin de quantifier l’impact du nirsevimab dans cette population (NNT = 82 selon nos calculs).

Commentaires, implications et conclusions

Si l’efficacité du nirsevimab pour prévenir les infections à VRS chez les enfants semble indéniable, cette différence devient cliniquement moins évidente si l’on s’intéresse aux formes dites sévères avec 19/4021 contre 5/4037 entre les groupes contrôle et nirsevimab. On rappellera qu’une forme sévère était définie par le seul besoin d’oxygène. En ce qui concerne les admissions en réanimation ou soins continus, les chiffres deviennent anecdotiques puisque 5 enfants dans le groupe contrôle et 2 dans le groupe nirsevimab ont dû en bénéficier. Au final, 1 seul enfant a été intubé sur l’ensemble des patients inclus. Les données de sécurité continuent d’être rassurantes.

Le rapport coût bénéfice sera très important à prendre en compte pour évaluer cette intervention à un niveau de santé publique. D’autres interventions étudiées récemment seront aussi à considérer, telles que la vaccination des femmes enceintes (6), ou l’utilisation de vaccins à base d’ARNm (7).

Si une vaccination contre le VRS est adoptée à grande échelle, il faudra suivre son impact sur la circulation et l’évolution du virus, ainsi que sur la santé infantile plus globale (notamment l’asthme).

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RÉFÉRENCES

  1. Griffin MP, Yuan Y, Takas T, Domachowske JB, Madhi SA, Manzoni P, et al. Single-Dose Nirsevimab for Prevention of RSV in Preterm Infants. N Engl J Med. 2020;383(5):415-25.

  2.  Hammitt LL, Dagan R, Yuan Y, Baca Cots M, Bosheva M, Madhi SA, et al. Nirsevimab for Prevention of RSV in Healthy Late-Preterm and Term Infants. N Engl J Med. 2022;386(9):837-46.

  3. Muller WJ, Madhi SA, Seoane Nunez B, Baca Cots M, Bosheva M, Dagan R, et al. Nirsevimab for Prevention of RSV in Term and Late-Preterm Infants. N Engl J Med. 2023;388(16):1533-4

  4. Drysdale SB, Cathie K, Flamein F, Knuf M, Collins AM, Hill HC, et al. Nirsevimab for Prevention of Hospitalizations Due to RSV in Infants. N Engl J Med. 2023;389(26):2425-35.

  5. Kampmann B, Madhi SA, Munjal I, Simoes EAF, Pahud BA, Llapur C, et al. Bivalent Prefusion F Vaccine in Pregnancy to Prevent RSV Illness in Infants. N Engl J Med. 2023;388(16):1451-64.

  6. Wilson E, Goswami J, Baqui AH, Doreski PA, Perez-Marc G, Zaman K, et al. Efficacy and Safety of an mRNA-Based RSV PreF Vaccine in Older Adults. N Engl J Med. 2023;389(24):2233-44.

 

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Commenté par Vladimir L. Cousin et Benjamin Crulli, Service de soins intensifs pédiatriques, Evelina London Children's Hospital, Guy's and St Thomas' NHS Foundation Trust, Londres, Royaume-Uni.

Les auteurs ne déclarent pas de conflit d'intérêt en lien avec cet article.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position des auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

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CERC

G. LABRO (Secrétaire)
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