6 mois après l’hospitalisation pour COVID, les patient·es sorti·es sont loin d’être guéri·es

08/09/2022
Auteur(s)
Image
Article The Lancet
Texte

 

Physical, cognitive, and mental health impacts of COVID-19 after hospitalisation (PHOSP-COVID):
a UK multicentre, prospective cohort study

RA Evans et al. on behalf of the PHOSP-COVID Collaborative group
Lancet Respir Med 2021; 9: 1275-87.

Texte

Question évaluée

Quel est l’impact d’une pneumonie COVID-19 sur la santé et le retour à l’emploi 2 à 7 mois après la sortie d’hôpital ? Quels sont les différents phénotypes de patient·es et les facteurs initiaux associés ?

Type d’étude

Étude de cohorte prospective multicentrique – PHOSP-COVID19 = Post-hospitalisation COVID-19 study

Population étudiée

Tous les patients hospitalisés pour COVID-19 dans un des 53 hôpitaux du NHS et sortis entre le 5/03/2020 et le 30/11/2020 ont été invités à une visite de suivi.

Méthode

Invitation des patients à une consultation de recherche 2 à 7 mois après leur sortie d’hôpital. L’étude PHOSP-COVID contient 3 étapes :

  1. Collection de données cliniques et croisement via des bases de données des systèmes de santé,
  2. Collection de données cliniques et biologiques avancées chez certains volontaires – Objet de ce manuscrit
  3. Rappel de patients par phénotype ou génotype pour études ancillaires.

Le critère de jugement principal est la perception du patient de sa guérison clinique (« Do you feel fully recovered from COVID-19 ? Yes/No/Unsure »).

Les auteurs ont évalué la présence de symptômes persistants (échelle de dyspnée, de fatigue chronique, de douleur et de handicap), la clinique (score de fragilité, test de marche, performance physique, IMC et fonction respiratoire), la santé mentale (anxiété, dépression, stress post-traumatique), la présence de troubles cognitifs, la qualité de vie ainsi qu’une analyse sanguine.

Les auteurs ont construit plusieurs modèles multivariés (avec un lourd travail pré-analytique sur les données manquantes) pour chercher les facteurs associés à la non-guérison complète. Ils ont aussi réalisé en post-hoc une analyse en cluster automatique.

Résultats essentiels

1170 patients ont été analysés entre le 14/08/2020 et le 05/03/2021 et 1077 inclus dans l’analyse (78 exclusions pour données initiales manquantes et 15 pour délai trop long avec la sortie d’hospitalisation). 44% de cette population était issue de soins critiques (N=185 en classe 6 OMS : Haut débit nasal, CPAP, ou BIPAP et N=288 en classe 7-9 OMS : ventilation mécanique, ECMO ou hémofiltration aiguë).

A une médiane de 5,9 (IQR 4,9-6,5) mois après la sortie, seuls 239/830 (29%) se considéraient comme complètement guéris. La présence d’au moins deux comorbidités, un sexe féminin ou une classe OMS 7-9 étaient significativement associés à une augmentation du sentiment de non-guérison. La corticothérapie ne modifiait pas ce résultat. L’âge n’avait pas une relation linéaire avec la guérison, un âge <30 ans ou >70ans étaient associés à un sentiment de guérison plus important.

Parmi les patients qui travaillaient, 18% ne travaillaient plus et 19% avaient dû adapter leur travail en raison de leur santé.

Plus de 90% des patients interrogés (632/855) rapportaient au moins un symptôme persistant, avec une médiane de 9 [IQR4-16] symptômes par patient. Ce nombre était plus important dans le sous-groupe avec comorbidités préexistantes.

Au moins 1 patient sur 5 avait une nouvelle incapacité selon le WG-SS(Washington Group Short Set of Functioning).

Comparé à la période avant hospitalisation, 57% des patients ont une augmentation de la fatigue, 48% de leur dyspnée et 42% de leur insomnie et 39% de leur douleur. Plus de 25% des patients avaient des symptômes d’anxiété ou de dépression et 12% de stress post-traumatique.

Une analyse automatique a mis en évidence quatre clusters de sévérité des symptômes psychiques et physiques (légers, modérés, sévères et très sévères). Ces clusters permettent une bonne séparation de sous-groupes de malades pour les symptômes psychiques (anxiété, dépression, stress post-traumatique) ou physiques (dyspnée, fatigue, performance physique) mais pas pour les troubles cognitifs. Les patients des clusters les plus sévères avaient plus de comorbidités pré-existantes (respiratoires, neuro-cognitives ou rhumatologiques) mais pas une sévérité supérieure lors de l’hospitalisation initiale. Ils avaient des taux d’inflammation circulante plus élevés (CRP>5mg/L) lors de la consultation de suivi.

Commentaires

Cette large étude de population au Royaume-Uni démontre bien l’importance des symptômes persistants à 6 mois d’une infection sévère COVID-19 et l’impact que ceux-ci ont sur le sentiment de guérison et le retour à une vie normale pour les patients.

La sévérité de l’épisode initial était associée de façon inconstante avec les symptômes. Cette étude souligne la nécessité d’une évaluation à moyen et long terme des patients hospitalisés pour une pathologie aiguë, sans se limiter aux patients sortis de soins critiques.

L’analyse en cluster a permis d’identifier 4 groupes de patients en fonction de la sévérité des symptômes anxieux, de dépression, de stress post-traumatique, de dyspnée, de fatigue et de performance physique. Les troubles cognitifs présents chez 17% de la cohorte étaient prédominants dans le cluster où les autres troubles étaient modérés.

Les troubles cognitifs sont fréquents lors des évaluations à moyen et long terme (1). Leur isolement des autres troubles évoque une physiopathologie différente. De nombreuses infections virales sont responsables de troubles cognitifs. L’infection à SARS-Cov-2 pourrait être la cause directe des troubles cognitifs au-delà des conséquences de l’hospitalisation (2,3).

Points forts

Cette étude a été menée par un consortium national mené par une équipe de l’Université de Leicester et s’intéresse à une échelle nationale de recrutement des patients.

L’analyse statistique a été particulièrement poussée sur un nombre important de patients bien caractérisés.

La question du sentiment de guérison est centrale dans la vie du patient et rend compte des conséquences sur la société de la pandémie. Les facteurs associés à ce sentiment de non-guérison ne sont pas connus dans le COVID-19.  

Le processus large de l’étude de 3 niveaux de recherche avec la possibilité d’explorations poussées de certains phénotypes ou génotypes mis en évidence dans cette étude permet d’espérer d’autres résultats intéressants sur cette population de patients.

Points faibles

Le point faible principal de cette étude est l’absence de flow-chart qui débute au nombre de patients éligibles, avec environ 225000 patients hospitalisés (dont un maximum de 60000 décès) au 1er décembre 2020 (4), les 1077 patients inclus dans cette étude représentent 0,6% de la population éligible et invitée à participer.

Ce recrutement sur la base du volontariat attire potentiellement un profil particulier de patients (des patients symptomatiques en quête d’une prise en charge ou des patients anxieux). Ce mode de recrutement s’apparente à celui d’une enquête/survey où le mode de recrutement de l’échantillon est primordial afin qu’il soit similaire à la population étudiée (5), et extrapolable.

Un écueil classique des études sur les atteintes à moyen ou long terme après COVID est l’absence d’évaluation ou de connaissances de l’état de santé antérieur. Il est impossible d’affirmer la présence de séquelles sans savoir si ces atteintes n’étaient pas préexistantes. Ce d’autant que le risque d’infection sévère à COVID étant augmenté en cas de trouble psychiatrique, notamment en cas de dépression (6).

A ce jour, on ne sait pas si le COVID-19 est responsable d’un risque d’atteinte à moyen ou long terme supérieur comparé à une infection grave non-COVID19, qu’elle mène ou non à un séjour en réanimation. Par exemple, la présence de troubles psychiatriques à type de dépression est importante après un séjour en réanimation (7).

Implications et conclusions

Les patients ayant survécu à une infection sévère à SARS-Cov-2 sont à risque importants de ne pas se considérer guéris à 6 mois de leur sortie de l’hôpital. De nombreuses atteintes psychiques, physiques ou cognitives sont retrouvées chez ces patients, souvent responsables d’une altération de la qualité de vie, d’un retour difficile à la vie professionnelle ou de l’apparition d’un nouveau handicap. Le sexe féminin, l’âge moyen, la présence de 2 comorbidités ou plus et la maladie initiale plus sévère sont des facteurs de risques de non-guérison. La sévérité de l’atteinte cognitive ne semble pas associée à la sévérité des atteintes physiques ou mentales.

Texte

CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Luc Morin, Service de Réanimation Pédiatrique et Néonatale, APHP Paris Saclay, Hôpital Bicêtre, France, pour le COMEBAC Study group (Consultation Multi-Expertise de Bicêtre près COVID-19)..

L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêt.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions à l'auteur (Luc.morin@aphp.fr) et/ou à la CERC.

Texte

Références

  1. Four-Month Clinical Status of a Cohort of Patients After Hospitalization for COVID-19
    Writing Committee for the COMEBAC Study Group, Morin L, Savale L, Pham T, Colle R, Figueiredo S, et al.
    JAMA. 17 mars 2021;
  2. Nervous system consequences of COVID-19.
    Spudich S, Nath A.
    Science [Internet]. 21 janv 2022 [cité 6 févr 2022]; Disponible sur : https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.abm2052
  3. Cognitive decline following acute viral infections: literature review and projections for post-COVID-19.
    Damiano RF, Guedes BF, de Rocca CC, de Pádua Serafim A, Castro LHM, Munhoz CD, et al.
    Eur Arch Psychiatry Clin Neurosci. févr 2022;272(1):139‑54.
  4. Healthcare in the UK - Coronavirus in the UK
    Disponible sur: https://coronavirus.data.gov.uk/details/healthcare
  5. Best Practices for Survey Research - AAPOR
    Disponible sur: https://www.aapor.org/Standards-Ethics/Best-Practices.aspx
  6. Increased risk of COVID-19 infection and mortality in people with mental disorders: analysis from electronic health records in the United States.
    Wang Q, Xu R, Volkow ND.
    World Psychiatry Off J World Psychiatr Assoc WPA. févr 2021;20(1):124‑30.
  7. Depression, post-traumatic stress disorder, and functional disability in survivors of critical illness in the BRAIN-ICU study: a longitudinal cohort study.
    Jackson JC, Pandharipande PP, Girard TD, Brummel NE, Thompson JL, Hughes CG, et al.
    Lancet Respir Med. 1 mai 2014;2(5):369‑79.
Texte

CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
G. FOSSAT
S. GOURSAUD
N. HEMING
T. KAMEL
G. LABRO
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
L. POIROUX
A. ROUZÉ
V. ZINZONI