Back to "BASICS": les biais méthodologiques en recherche clinique

22/07/2022
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Article JAMA
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Effect of Slower vs Faster Intravenous Fluid Bolus Rates on Mortality in Critically Ill Patients
Fernando G. Zampieri et al.
JAMA. 2021;326(9):830-838. doi:10.1001/jama.2021.11444

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Article JAMA
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Effect of Intravenous Fluid Treatment With a Balanced Solution vs 0.9% Saline Solution on Mortality in Critically Ill Patients
Fernando G. Zampieri et al.
JAMA. 2021;326(9):818-829. doi:10.1001/jama.2021.11684

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Question évaluée

Chez le malade grave, le débit de perfusion initial et le contenu en chlore de la solution intraveineuse ont-ils une influence sur la mortalité à 90 jours ?

Type d’étude

Etude pragmatique, prospective, randomisée, contrôlée, non-aveugle.

Population étudiée

Population hétérogène de près de 11.000 patients dans 75 unités de réanimation au Brésil, nécessitant au moins un test de remplissage.

Méthodes

Les patients ont été randomisés pour recevoir un débit de remplissage vasculaire initial, à 333 mL/h ou 999 mL/h. Les patients ont aussi été randomisés pour recevoir soit une solution balancée (Plasma-Lyte) soit une solution salée à 0.9% (protocole factoriel).

L’objectif primaire était la mortalité à 90 jours. Les objectifs secondaires étaient centrés sur la dysfonction des organes (scores SOFA), et du rein en particulier.

Résultats essentiels

La quantité moyenne de liquides administrés sous forme de bolus au cours de la première journée était aux alentours de 1200 mL dans les deux groupes. Il n’y avait pas de différence dans les taux de chlores sanguins entre le groupe ‘solution salée’ et le groupe ‘Plasma-Lyte’.

Il n’y avait pas de différence significative de mortalité à 90 jours. En effet, cette dernière était de 26.6% dans le groupe à 333 ml/h versus 27.0% dans le groupe à 999 ml/h (Hazard ratio ajusté, 1.03; 95% IC, 0.96-1.11; p=0.46) et de 26.4% dans le groupe 'Plasma-Lyte' versus de 27.2% dans le groupe de 'solution salée' (Hazard ratio ajusté, 0.97;95% IC, 0.90-1.05; p=0.47).  

Commentaires

Les résultats sont évidemment attendus. Il faut être très naïf pour penser qu’une différence aussi minime de débit de perfusion sur un total de 1200 mL puisse influencer la mortalité. De même, la quantité de solutions intraveineuses était très faible et n’a donc pas pu entrainer de différence dans les taux de chlore sanguin.

La mortalité est d’ailleurs un objectif primaire faible en réanimation. Bien que son appréciation semble objective et incontestable, la mortalité dépend de trop d’éléments pour espérer l’influencer avec une simple intervention. C’est pourquoi tant de larges études randomisées dans des populations hétérogènes n’ont pas pu montrer de différence de mortalité (1).

L’étude présente aurait été plus intéressante si elle avait comparé deux stratégies de remplissage vasculaire personnalisées, répondant aux besoins individuels de chaque patient, mais le protocole eût été extrêmement différent (et beaucoup plus complexe).

L’administration de solution salée à 0,9%, autrefois appelées solution (ou même ‘sérum’) physiologique, peut évidemment induire une hyperchlorémie (2, 3) qui ne peut être que délétère, en particulier par les effets hémodynamiques sur le rein (4).

Points forts
  • Le nombre important de patients.
Points faibles
  • L’hypothèse trop ténue.
  • La quantité de liquides trop faible pour espérer un quelconque impact.
  • Le manque de traitement personnalisé.
  • Les populations très hétérogènes.
Implications et conclusions

Ce genre d’études est tout simplement inutile. Les implications cliniques sont nulles. La publication de ces données dans un journal réputé souligne le caractère devenu primordial du nombre de patients randomisés dans un essai thérapeutique, quelle que soit l’hypothèse testée.

La lecture rapide de la dernière phrase de conclusion de la partie sur le type de liquides pourrait même être mal comprise : certes, il n’est pas incorrect de dire que ‘Ces observations n’apportent pas de soutien à l’usage de cette solution balancée’, mais elles ne vont pas à l’encontre de leur utilisation non plus. Le débit et le type de perfusions doivent être individualisés.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par le Pr Jean-Louis Vincent, Service de Réanimation Médico-Chirurgicale, Hôpital Erasme - Cliniques Universitaires de Bruxelles, BELGIQUE.

L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêt.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions à l'auteur (jlvincent@intensive.org) et/ou à la CERC.

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Références

  1. Which Multicenter Randomized Controlled Trials in Critical Care Medicine Have Shown Reduced Mortality? A Systematic Review.
    Santacruz CA, Pereira AJ, Celis E, Vincent JL.
    Crit Care Med. 2019 Dec;47(12):1680-1691. 
  2. Saline versus balanced solutions: are clinical trials comparing two crystalloid solutions really needed?
    Vincent JL, De Backer D.
    Crit Care. 2016; 20(1):250.
  3. We Do Not Appreciate SALT.
    Vincent JL, De Backer D.
    Am J Respir Crit Care Med. 2018 May; 15;197(10):136
  4. Hyperchloremia induces renal vasoconstriction.
    Wilcox et al.
    J Clin Invest. 1983; 71: 726-35
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CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
G. FOSSAT
S. GOURSAUD
N. HEMING
T. KAMEL
G. LABRO
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L. OUANES-BESBES
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