Alors le confinement, ça marche ?

01/04/2021
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Article ESCI
Texte

 

Assessing mandatory stay-at-home and business closure effects on the spread of COVID-19.
Bendavid, E., Oh, C., Bhattacharya, J., & Ioannidis, J. P. A. (2021)
European Journal of Clinical Investigation, e13484.

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Question évaluée

Étude écologique empirique de l’impact d’interventions non pharmacologiques sur la dynamique de l’épidémie de COVID-19 au printemps 2020 dans des pays ayant implémenté des interventions non-pharmacologiques très restrictives (Groupe 1), versus des pays ayant implémentés seulement des interventions moins restrictives (Groupe 2).

Type d’étude

Étude écologique

Population étudiée

La Suède et la Corée du Sud ont été choisis comme les endroits correspondant au groupe 2. Huit pays ont été étudiés parmi ceux correspondant selon les auteurs au groupe 1 (Angleterre, France, Allemagne, Iran, Italie Pays-Bas, Espagne et USA), choisis sur la disponibilité de données régionales selon les auteurs, dans une unique base de données en ligne (Statista).

Méthode

Les auteurs comparent la somme des effets des interventions sur la dynamique de l’épidémie dans un pays du groupe 1 à la somme des effets des effets des interventions sur la dynamique de l’épidémie dans un pays du groupe 2 pour chaque paire de pays possible (16 en tout).

Les données utilisées sont le nombre  journaliers de cas dans les régions administratives au cours du printemps 2020, les types d’intervention et la date de leur mise en place. Les changements de définitions des cas ou de méthodes de test sont pris en compte.

Résultats essentiels

Globalement, l’effet combiné de l’ensemble des interventions dans un pays donné est significatif, sauf en Espagne (Figure 3). Intervention par intervention, les auteurs mettent en évidence un effet absolu de la décision de confinement national en France (Figure 2). En revanche la comparaison entre chaque pays ayant pris des mesures très restrictives selon la définition des auteurs et chaque pays n’en n’ayant pas pris ne met en évidence aucune différence significative et c’est sur cette dernière comparaison que la conclusion des auteurs sur l’absence d’efficacité des mesures très restrictives est basée. 

Commentaires

De nombreux commentaires ont été mise en ligne sur pubpeer

 (https://pubpeer.com/publications/3D81CAC483C2021C00E27C8826DF71) ou publiées en réponse (2). Voici, selon ma lecture, éclairée par ces commentaires, les principaux points à prendre en compte dans la lecture critique de cette publication :

  • Une recherche plus exhaustive des données disponibles en ligne aurait permis d’accroitre de façon notable la taille de l’échantillon de pays répondant aux critères d’inclusions.
  • L’estimation de l’impact des interventions est basée sur le nombre de cas de COVID-19 diagnostiqués par jour. Or cet indicateur est très dépendant de la politique de test et de son évolution au cours de la période étudiée. A titre d’exemple, le nombre de test par million d’habitant était assez faible en suède sur la période d’étude, par comparaison à certains pays européens analysés dans l’étude (https://covid19-country-overviews.ecdc.europa.eu/#3_EUEEA). Un indicateur plus pertinent, car plus stable pendant toute la période de l’étude, mais avec un temps de latence plus long pour évaluer l’impact des interventions aurait été le nombre quotidien d’hospitalisation.
  • Les auteurs ne définissent pas quelles interventions sont très restrictives et quelles interventions ne le sont pas, mais affirment que 2 pays sur les 10 n’ont pas décidé d’interventions très restrictives. Ainsi, en Suède, la fermeture des écoles  (en fait collèges, lycées et universités qui sont passées en distanciel, mais c’est identifié en ‘school closure’ dans l’article dans la Figure 2) ou l’interdiction de rassemblement privé ne sont pas considérées comme des interventions très restrictives, ce qui est bien sûr sujet à débat. De même la politique de quarantaine des cas positifs en Corée du Sud avec surveillance par localisation GPS n’est donc pas non considérée comme très restrictive.
  • Le délai au bout duquel l’intervention à un impact sur la dynamique de l’épidémie n’est pas pris en compte dans l’étude (3), ni l’ordre dans lequel les interventions ont été mise en œuvre puisque le paramètre d’intérêt mesurant l’impact de la mesure ne dépend pas du temps. De plus la décision de prendre de mettre en place des interventions dépend de la valeur du critère qui est utilisé pour évaluer son impact, ce qui explique probablement certains résultats pour certaines interventions dans certains pays, comme en Espagne.
  • Plutôt que d’évaluer l’effet moyen d’une mesure donnée dans un ensemble de pays donné pour évaluer son impact intrinsèque, comme dans d’autres publications sur cette thématique (4), les auteurs ont fait le choix de comparer les pays 2 à 2 conduisant à une perte de puissance. Plus important encore en termes de conséquence sur l’interprétation des résultats, ce choix méthodologique de comparaison de paires de pays conduit à comparer l’impact des interventions dans des pays ayant des niveaux épidémiques différents, des systèmes de santé différents et des caractéristiques démographiques, socio-économiques et culturelles très différentes. Tous ces facteurs ayant un impact potentiellement fort tant sur la dynamique de l’épidémie que sur l’adhésion aux interventions, et par suite l’efficacité des celles-ci.
Points forts

Aucun, par rapport à la littérature existante (5, 6, 7).

Points faibles

Voir ci-dessus.

Implications et conclusions

Au final, il est donc impossible d’avoir une interprétation causale des résultats de cette étude quant à l’utilité des interventions et par conséquent ce travail ne permet pas de progresser dans la compréhension des interventions non-pharmacologiques les plus pertinentes pour aider au contrôle de l’épidémie de COVID-19.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Dominique Costagliola, Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique, Sorbonne Université, INSERM, France.

L'auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cette REACTU.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.
Envoyez vos commentaires/réactions à l’auteur (dominique.costagliola@inserm.fr) ou à la CERC.

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Références

  1. Bendavid, E., Oh, C., Bhattacharya, J., & Ioannidis, J. P. A. (2021). Assessing mandatory stay-at-home and business closure effects on the spread of COVID-19. European Journal of Clinical Investigation, e13484.
  2. Besançon, L., Meyerowitz-Katz, G., & Flahault, A. (2021). Sample size, timing, and other confounding factors: Toward a fair assessment of stay-at-home orders. European Journal of Clinical Investigation, e13518.
  3. Li Y, Campbell H Kulkarni D, Harpur A, Nundy M, Wang X, Nair H for the Usher Network for COVID-19 Evidence Reviews (UNCOVER) group (2020). The temporal association of introducing and lifting non-pharmaceutical interventions with the time-varying reproduction number (R) of SARS-CoV-2: a modelling study across 131 countries. The Lancet Infectious Diseases, 1–10.
  4. Brauner, J. M., Mindermann, S., Sharma, M., Johnston, D., Salvatier, J., Gavenčiak, T., et al. (2020). Inferring the effectiveness of government interventions against COVID-19. Science (New York, NY), 7, eabd9338–17.
  5. Perra, N. (2021). Non-pharmaceutical interventions during the COVID-19 pandemic: A review. Physics Reports.
  6. Hsiang, S., Allen, D., Annan-Phan, S., Bell, K., Bolliger, I., Chong, T., et al. (2020). The effect of large-scale anti-contagion policies on the COVID-19 pandemic. Nature, 584(7820), 262–267.
  7. Islam, N., Sharp, S. J., Chowell, G., Shabnam, S., Kawachi, I., Lacey, B., et al. (2020). Physical distancing interventions and incidence of coronavirus disease 2019: natural experiment in 149 countries. BMJ (Clinical Research Ed), 370, m2743.
Texte

CERC

JB. LASCARROU (Secrétaire)
K. BACHOUMAS
SD. BARBAR
G. DECORMEILLE
N. HEMING
B. HERMANN
G. JACQ
T. KAMEL
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
G. PITON