COVID-19 et insuffisance respiratoire aiguë : lunettes, masque, mais casque ?

28/10/2021
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Article JAMA
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Effect of Helmet Noninvasive Ventilation vs High-Flow Nasal Oxygen on Days Free of Respiratory Support in Patients With COVID-19 and Moderate to Severe Hypoxemic Respiratory Failure. The HENIVOT Randomized Clinical Trial.
Grieco, Menga, Cesarano et al.
JAMA. 2021;325(17):1731-1743. doi:10.1001/jama.2021.4682

Texte

Question évaluée

La question est d’évaluer l’intérêt du casque de ventilation non invasive (VNI) vs. oxygénothérapie à haut débit (OHD) pour réduire les jours vivants sans support ventilatoire, le taux d’intubation chez les patients atteints de COVID-19 avec insuffisance respiratoire aiguë modérée et sévère.

Type d’étude

HENIVOT est une étude randomisée, ouverte, multicentrique, réalisée dans 4 unités de soins intensifs (USI) Italiennes entre octobre et décembre 2020.

Population étudiée
  • Patients adultes hospitalisé en USI pour une pneumopathie aigue hypoxiémante due au SARS-CoV-2 avec rapport PaO2/FIO2 <200
  • Patients non hypercapniques et sans antécédents d’insuffisance respiratoire ou cardiaque chronique
Méthode

Les patients étaient randomisés soit dans :

  • Groupe casque de VNI : traitement continu pendant au moins 48h avec PEP 10-12 cmH2O et aide inspiratoire 10-12 cmH2O. Relais OHD possible.
  • Groupe OHD seul : OHD 60L/min pendant au moins 48h.

L’objectif principal était de comparer le nombre vivant sans support ventilatoire (invasif et non invasif) à J28.

Les objectifs secondaires étaient les suivants :

  • Taux d’intubation à J28
  • Nombre de jour vivant sans ventilation mécanique invasive à J28, J60
  • Mortalité en USI, hospitalière, J28, J60
  • Durée de séjour en USI et hospitalière

Il existait des critères pré-spécifiés d’intubation (vérifiés par un comité indépendant de 3 opérateurs), l’échec du traitement avec nécessité de recours à l’intubation était défini par au moins 2 critères parmi les suivants :

  • Aggravation de la dyspnée ou dyspnée persistante mal tolérée
  • Pas d’amélioration de l’oxygénation ou SpO2<90% pour plus de 5 minutes sans problème technique
  • Pas d’amélioration des signes d’épuisement des muscles respiratoires
  • Secrétions trachéales trop abondantes
  • Acidose respiratoire avec pH<7,30
  • Intolérance au casque de VNI ou à l’OHD
  • Instabilité hémodynamique
  • Troubles de la conscience avec score de Glasgow<12
Résultats essentiels
Caractéristiques principales

Cent-dix patients étaient inclus et randomisés. Un patient a été exclu (découverte de fibrose) avec 54 patients dans le groupe VNI, et 55 patients dans le groupe OHD.

Les patients avaient un âge médian de 63 ans (55-69) dans le groupe OHD et 66 (57-72) dans le groupe VNI. Il existait une prépondérance masculine avec 77% d’homme dans le groupe VNI et 84% dans le groupe OHD. Tous les patients étaient traités par dexamethasone. Le SAPS2 médian était de 32 (27-35) dans le groupe VNI et 29 (24-34) dans le groupe OHD.

Le données d’inclusion retrouvaient un rapport PaO2/FIO2 médian de 102 (82-125) ; une fréquence respiratoire 28/min (24-32).

De la sédation continue était administrée dans le groupe VNI chez 37% des patients contre 18% dans le groupe OHD.

Dans le groupe VNI, 91% des patients recevaient effectivement de la  VNI pour une durée ≥ 48h (ou jusqu’à l’intubation) ; 2 patients avaient de la VNI intermittente pour une durée ≥16h/j, et 2 patients avaient une intolérance à la VNI conduisant à une durée <16h/j. Un patient n’a pas eu de VNI.

Dans le groupe OHD, 87% avaient de l’OHD ≥ 48h ; 11% avaient de l’OHD <48h car ayant pu être sevrés. Un patient a eu une violation de protocole avec réalisation de VNI.

Critère principal

Il n’existait pas de différence sur le nombre de jours vivant sans assistance respiratoire (ni ventilation mécanique invasive, ni VNI, ni OHD) à J28 avec 20 (0- 25) jours dans le groupe VNI vs. 18 (0- 22) dans le groupe OHD, p=0.26.

Critères secondaires

Le taux d’intubation à J28 (après vérification des critères d’intubation par le comité d’adjudication) était significativement plus élevé dans groupe OHD (51%) que le groupe VNI (30% VNI), p=0.03.

Le nombre de jours vivant sans ventilation mécanique invasive à J28 était plus élevé dans le groupe VNI avec 28 jours (13-28) contre 25 (4-28) dans le groupe OHD (p=0.04).

Il n’y avait pas de différence significative sur les autres critères secondaires.

La mortalité hospitalière était de 24% dans le groupe VNI vs. 25% dans le groupe OHD.

Sécurité

Le délai entre la randomisation et l’intubation était de 29 heures (8-71) dans le groupe VNI vs. 21 (4-65) dans le groupe OHD, p=0.45. Aucune intubation n’était réalisée en urgence.

Commentaires

Cette étude est la première à comparer de manière randomisée l’utilisation du casque de VNI à l’OHD chez les patients en insuffisance respiratoire hypoxémique liée à la COVID-19.
Même si l’OHD est actuellement recommandée dans la stratégie thérapeutique de l’insuffisance respiratoire aigüe associée ou non à la COVID-19 (1,2), son niveau de preuve reste insuffisant. Les deux grandes études bien conduites sur le sujet sont contradictoires. L’étude Florali (VNI vs. OHD dans l’insuffisance respiratoire hypoxiémiante avec PaO2/FIO2 <300) retrouvait un taux d’intubation moindre dans le sous-groupe de patient avec un PaO2/FIO2 <200 (qui n’était pas le critère principal) (3). L’étude HIGH (OHD vs. Oxygène standard) incluant des patients immunodéprimés était négative sur la mortalité et les critères secondaires (4).

A l’inverse, la VNI n’est actuellement pas recommandée dans l’insuffisance respiratoire aigue hypoxémiante, sauf insuffisance cardiaque ou décompensation de BPCO (5). La VNI par interface casque est peu pratiquée en France, la littérature était jusque-là pauvre, avec un niveau de preuve faible (6,7). Son utilisation ne peut être généralisée sans expérience, y compris dans les indications recommandées.

Les deux techniques posent la question de l’intubation retardée, une intubation >48h ayant été retrouvée comme associée à une surmortalité (8)

Néanmoins, cette étude bien conduite amène à réfléchir sur cette nouvelle technique, avec des résultats intéressants.

Points forts

HENIVOT est la seule étude randomisée sur l’OHD versus VNI par casque dans l’insuffisance respiratoire aigue hypoxémiante liée à la COVID-19.

L’étude est bien conduite, avec notamment un protocole clair, des critères pré-spécifiés d’intubation et un comité d’adjudication sur les critères réels ayant conduit à l’intubation.

Points faibles

L’étude est ouverte, peu reproductible car la VNI par casque est peu pratiquée en France.

Certains des critères pré-spécifiés d’intubation manquent d’objectivité (pas de critère de fréquence respiratoire, critère de dyspnée subjectif).

Au vu des 30% intubés dans le groupe VNI (soit 16 patients), le faible effectif ne permet peut être pas de rendre compte sur les potentiels barotraumatismes induit chez les patients qui auront finalement besoin d’une ventilation mécanique.

Le terrain d’obésité n’est pas décrit précisément, malgré un IMC médian élevé respectivement à 27 et 28 kg/m² dans les groupes VNI et OHD. Les patients obèses, potentiellement porteur de syndrome obésité hypoventilation alvéolaire méconnus pourraient avoir particulièrement bénéficié de VNI.

La sédation continue, utilisée chez près de 40% sous VNI, est assez inhabituelle et peut limiter la poursuite de l’alimentation. L’objectif était de limiter les barotraumatismes auto-induits associés à la ventilation spontanée.

Le délai médian d’intubation dans les deux groupes était proche de 24h avec un interquartile supérieur élevé >48h, posant la question de l’intubation retardée et des risques associés.

Implications et conclusions

L’étude HENIVOT relance le débat que l’on croyait clos sur la VNI dans l’insuffisance respiratoire hypoxémiante. D’autres études seront nécessaires pour affirmer le bénéfice de la VNI par casque, mais aussi de l’OHD.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par le Agathe Delbove, Service de Réanimation Polyvalente, CHBA Vannes, France.

L'auteur déclare ne pas avoir de lien d'intérêt.

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Références

  1. lhazzani W, Møller MH, Arabi YM, Loeb M, Gong MN, Fan E, et al. Surviving Sepsis Campaign: guidelines on the management of critically ill adults with Coronavirus Disease 2019 (COVID-19). Intensive Care Med [Internet]. 28 mars 2020 [cité 7 avr 2020]; Disponible sur: http://link.springer.com/10.1007/s00134-020-06022-5
  2. Rochwerg B, Einav S, Chaudhuri D, Mancebo J, Mauri T, Helviz Y, et al. The role for high flow nasal cannula as a respiratory support strategy in adults: a clinical practice guideline. Intensive Care Med. déc 2020;46(12):222637.
  3. Frat J-P, Thille AW, Mercat A, Girault C, Ragot S, Perbet S, et al. High-Flow Oxygen through Nasal Cannula in Acute Hypoxemic Respiratory Failure. N Engl J Med. 4 juin 2015;372(23):218596.
  4. Azoulay E, Lemiale V, Mokart D, Nseir S, Argaud L, Pène F, et al. Effect of High-Flow Nasal Oxygen vs Standard Oxygen on 28-Day Mortality in Immunocompromised Patients With Acute Respiratory Failure: The HIGH Randomized Clinical Trial. JAMA. 27 nov 2018;320(20):2099107.
  5. Rochwerg B, Brochard L, Elliott MW, Hess D, Hill NS, Nava S, et al. Official ERS/ATS clinical practice guidelines: noninvasive ventilation for acute respiratory failure. Eur Respir J. août 2017;50(2).
  6. Xu X-P, Zhang X-C, Hu S-L, Xu J-Y, Xie J-F, Liu S-Q, et al. Noninvasive Ventilation in Acute Hypoxemic Nonhypercapnic Respiratory Failure: A Systematic Review and Meta-Analysis. Crit Care Med. juill 2017;45(7):e72733.
  7. Antonelli M, Conti G, Pelosi P, Gregoretti C, Pennisi MA, Costa R, et al. New treatment of acute hypoxemic respiratory failure: noninvasive pressure support ventilation delivered by helmet--a pilot controlled trial. Crit Care Med. mars 2002;30(3):6028.
  8. Kang BJ, Koh Y, Lim C-M, Huh JW, Baek S, Han M, et al. Failure of high-flow nasal cannula therapy may delay intubation and increase mortality. Intensive Care Med. avr 2015;41(4):62332.
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CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
G. DECORMEILLE
S. GOURSAUD
N. HEMING
G. JACQ
T. KAMEL
G. LABRO
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
L. POIROUX
A. ROUZÉ