Un diagnostic étiologique dans les méningoencéphalites sans faire d’hypothèse a priori, est-ce possible ? Intérêts du séquençage métagénomique

09/07/2020
Auteur(s)
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Article New England
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Clinical Metagenomic Sequencing for Diagnosis of Meningitis and Encephalitis.
Wilson, Michael R Sample, Hannah A Zorn, Kelsey C et al.
NEJM juin 2019 DOI : 10.1056/nejmoa1803396

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Question évaluée

Méningites et encéphalites : Apports du séquençage métagénomique nouvelle génération (metagenomic Next Generation Sequencing, mNGS) pour la pratique clinique ?

Type d’étude

Étude prospective multicentrique (8 centres aux USA) pour évaluation d’un nouvel outil diagnostic.

Population étudiée

Enfants ou adultes atteints de méningite, d’encéphalite, ou de myélite en cours d’exploration sans cause identifiée.

Méthode

Définition mNGS : Séquençage du génome de l’ensemble des organismes présents dans un milieu donné. L’analyse permet de révéler le génome des eucaryotes, procaryotes ou virus contenus dans le milieu si présents à un taux significatif. 1,2

Comparaison
  1. Méthode diagnostique de référence (composite) = Testing conventionnel (antigène, PCR, cultures, anticorps) + les résultats de la mNGS uniquement si confirméspar testing conventionnel. Validation diagnostique par un comité d’adjudication.
  2. La mNGS seule (réalisée sur LCR sans hypothèse a priori)

Résultats en % d’agrément entre mNGS et méthode de référence : Positive Percent Agreement (PPA) et Negative Percent Agreement (NPA) au lieu des valeurs prédictives positives et négatives. Sensibilité et spécificité non réalisable en l’absence de standardisation de la méthode de référence.

Résultats essentiels

214 patients ont été inclus, dont 204 ont pu être analysés : 34% avaient une méningite isolée, 64% une encéphalite, et 2% une myélite. La cohorte comportait 41% de patients immunodéprimés et 49% de patients hospitalisés en réanimation. La gravité initiale n’est pas décrite, mais la mortalité à J30 était de 11% et le score de Karnovsky de 64% à la sortie (semi-autonome). Le délai médian entre l’hospitalisation et le prélèvement de LCR pour la mNGS était de 3 jours. Le temps d’analyse médian de la mNGS était de 90h.

Un diagnostic étiologique était posé chez 50,5% des patients de l’étude. 28% de cause infectieuse (testing conventionnel ou mNGS : 58 patients), 8% de cause dysimmune, 14,5% d’autres causes (néoplasie, toxique, vasculaire…).

Résultat principal

Sur les 58 cas de méningites, méningoencéphalites ou myélite d’origine infectieuse, le diagnostic a pu être posé grâce à la méthode de référence seule dans 26 cas, grâce à la mNGS seule dans 13 caset par les deux méthodes dans 19 cas. La méthode de référence permettait donc un diagnostic dans 26 cas et la mNGS dans 32 cas. La PPA était de 80% et la NPA de 98,2%.

Résultats secondaires
  • Diagnostic uniquement par mNGS

Treize infections ont pu être diagnostiquées uniquement grâce à la mNGS.

Certains pathogènes identifiés n’étaient pas suspecté a priori par les cliniciens (virus encéphalite de St. Louis, virus de l’hépatite E et Streptococcus agalactiae). La mNGS permis également d’identifier des pathogènes pour lesquelles il existait une suspicion clinique mais pour lesquels les techniques standard étaient négatives (neisseria, Nocardia farcinicaCandida tropicalisEnterobacter aerogenesS. mitis, et Enterococcus faecalis).

Après discussion pluridisciplinaire des dossiers, le diagnostic par mNGS a eu un impact clinique pour 8 de ces patients, notamment en guidant le traitement pour 7 de ces patients.

  • Faux négatifs

La mNGS était faussement négative chez 26 (45%) patients.Parmi ces patients, 11 diagnostics ont été fait par sérologie, 7 à partir de recherche sur d’autres milieux que le LCR et 8 avaient un faible taux de pathogène dans le LCR (l’ADN de 6 de ces pathogènes était détectable mais en dessous du seuil diagnostic habituellement considéré). En présence de plus de 200 éléments/mmdans le LCR, la performance de la mNGS diminuait.

  • Faux positifs

Une mNGS faussement positiveétait retrouvé chez 3 patients, probablement en rapport avec descontaminants extérieurs.

Enfin, la mNGS était positive mais en lien avec une co-infection non responsable de l’encéphalite (VIH, EBV, HHV7) chez 19 patients.

Commentaires

Les méningo-encéphalites sont souvent de cause indéterminée (50%). La première cause identifiée est infectieuse3. Le pronostic des encéphalites pourrait s’améliorer grâce au diagnostic précoce en cas de traitement spécifique disponible.

La mNGS est un outil permettant la recherche de pathogène dans le LCR sans hypothèse clinique a priori 1,2. C’est un outil intéressant en complément desexplorations conventionnelles4,5. En effet, dans cette étude, la mNGS seule a détecté plus de cas infectieux que les autres méthodes directes sur le LCR (32 vs 27) et la mNGS a permis de rattraper quelques diagnostics non évoqués ou non recherchés. Cette méthode pourrait avoir un impact clinique si les résultats pouvaient être obtenus dès les premiers jours d’hospitalisation. Il serait intéressant de tester l’intérêt de la mNGS dès la première ponction lombaire. Malheureusement ce résultat ne semble pour l’instant pas extrapolable en France où les délais de réalisation d’une mNGS sont plus long (médiane 90 heures dans cette étude versus une quinzaine de jours en France).

Les sérologies et l’analyse des autres milieuxguidés par la clinique (sang, selles, biopsies parenchymateuses…) restent des outils fondamentaux,mettant en évidence les pathogènes non détectables dans le LCR.

Les principales limites seraient les méningites avec une cellularité importante (augmentation du bruit de fond en rapport avec l’ADN des cellules du patient dans le LCR). Cette étude montre également que lesseuils de détectionde mNGS sont pour l’instant mal définisen fonction des pathogènes et mettent parfois en défaut la technique (ADN du pathogène retrouvé mais en dessous du seuil diagnostic). L’interprétation des résultats d’une mNGS est complexe et nécessite une discussion multidisciplinaire entre cliniciens et biologistes (contaminants, infections associées, seuils diagnostics non atteints…).

Points forts
  • Outil diagnostic ne nécessitant pas d’hypothèse a priori permettant de porter presque autant de diagnostic d’infection que la prise en charge usuelle basé sur des hypothèses diagnostiques.
  • Étude en pratique clinique. Comparaison versus un standard qui est la prise en charge actuelle.
  • Coût, faisabilité, rapiditéde la technique.
  • Impactdiagnostic et thérapeutique.
  • Discussion pluridisciplinairedes résultats de la mNGS pour classer les faux positifs en contaminants, pathogènes associés, problèmes de seuil diagnostic… Relecture des faux négatifs.
Points faibles
  • Pas de comparaison de sensibilité, ni de spécificité par rapport aux examens de référence (culture, PCR, biopsie cérébrale pour les encéphalites sans réaction méningée). Difficile à établir car ce sont des pathologies raresmais il est donc difficile d’arrêter des anti-infectieux sur la négativité d’une mNGS.
  • Pas de description précise de la population, de sa sévérité initiale, des causes autres d’encéphalites, en particulier dysimmunes et post-infectieuses.
  • Absence d’analyses de sous-groupes chez les patients avec des méningites isolées ou des encéphalites, avec ou sans lésions cérébrales, ou en fonction du statut d’immunodépression.
  • La définition des seuils de détectionsemble pour l’instant aléatoire.
  • Pas de timing idéal discuté pour l’instant pour la réalisation de la mNGS.
  • Interprétation des résultats compliquée en cas de contaminant, de pathogènes associés.
Implications et conclusions

Le séquençage à haut débit est donc un outil diagnostic intéressant pour les encéphalites et les méningites. Il pourrait permettre une prise en charge thérapeutique spécifique précoce dans un certain nombre de cas et impacter positivement le pronostic des patients. Son utilisation en pratique clinique semble pertinente en complément des techniques conventionnelles. En France, son utilisation est actuellement limitée par un délai de réalisation important. Par ailleurs, ces résultats sont à interpréter à la lumière d’une évaluation pluridisciplinaire avec des biologistes et des cliniciens expérimentés en neuro-infectiologie en raison de la complexité d’interprétation des résultats.

En accord avec cette étude et avec les avis d’experts sur les encéphalites, la réalisation d’une mNGS est maintenant suggérée dès la seconde ligne d’examen diagnostic6.

Cette technique présente par ailleurs un intérêt majeur en termes de veille sanitaire et d’épidémiologie (Zika, Ebola…).

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Commenté par Pierre Jaquet, Médecine Intensive Réanimation Neurologique, Département de Neurologie, AP-HP. Sorbonne Université, Hôpital Pitié-Salpêtrière, France.

L’auteur ne déclare aucun conflit d’intérêt.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.
Envoyez vos commentaires/réactions à l’auteur (pierre.jaquet@aphp.fr) ou à la CERC.

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LIENS UTILES

  1. Simner, Patricia J., Steven Miller, et Karen C. Carroll. « Understanding the Promises and Hurdles of Metagenomic Next-Generation Sequencing as a Diagnostic Tool for Infectious Diseases ». Clinical Infectious Diseases: An Official Publication of the Infectious Diseases Society of America66, no5 (10 2018): 778‑88. https://doi.org/10.1093/cid/cix881.
  2. Schlaberg, Robert, Charles Y. Chiu, Steve Miller, Gary W. Procop, George Weinstock, Professional Practice Committee and Committee on Laboratory Practices of the American Society for Microbiology, et Microbiology Resource Committee of the College of American Pathologists. « Validation of Metagenomic Next-Generation Sequencing Tests for Universal Pathogen Detection ». Archives of Pathology & Laboratory Medicine141, no6 (juin 2017): 776‑86. https://doi.org/10.5858/arpa.2016-0539-RA.
  3. Granerod, Julia, Helen E. Ambrose, Nicholas Ws Davies, Jonathan P. Clewley, Amanda L. Walsh, Dilys Morgan, Richard Cunningham, et al. « Causes of Encephalitis and Differences in Their Clinical Presentations in England: A Multicentre, Population-Based Prospective Study ». The Lancet. Infectious Diseases10, no12 (décembre 2010): 835‑44. https://doi.org/10.1016/S1473-3099(10)70222-X.
  4. Venkatesan, A., A. R. Tunkel, K. C. Bloch, A. S. Lauring, J. Sejvar, A. Bitnun, J.-P. Stahl, et al. « Case Definitions, Diagnostic Algorithms, and Priorities in Encephalitis: Consensus Statement of the International Encephalitis Consortium ». Clinical Infectious Diseases: An Official Publication of the Infectious Diseases Society of America57, no8 (octobre 2013): 1114‑28. https://doi.org/10.1093/cid/cit458.
  5. Stahl, J.P., P. Azouvi, F. Bruneel, T. De Broucker, X. Duval, B. Fantin, N. Girard, et al. « Guidelines on the Management of Infectious Encephalitis in Adults ». Médecine et Maladies Infectieuses47, no3 (mai 2017): 179‑94. https://doi.org/10.1016/j.medmal.2017.01.005.
  6. Venkatesan, Arun, Benedict D. Michael, John C. Probasco, Romergryko G. Geocadin, et Tom Solomon. « Acute Encephalitis in Immunocompetent Adults ». Lancet (London, England)393, no10172 (16 2019): 702‑16. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(18)32526-1.
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CERC

JB. LASCARROU (Secrétaire)
K. BACHOUMAS
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L. POIROUX