From inception to death : l’eCPR par ECMO VA en réanimation des arrêts cardiaques extrahospitaliers permet-elle la survie avec bon pronostic neurologique ?

08/12/2023
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Suverein MM, Delnoij TSR, Lorusso R, et al.
Early Extracorporeal CPR for Refractory Out-of-Hospital Cardiac Arrest.
New Engl J Med 2023;388(4):299–309.

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Question évaluée

Un programme de réanimation de l’arrêt cardiaque extrahospitalier réfractaire par eCPR (mise en place d’une ECMO veino-artérielle) améliore-t-il la survie avec bon pronostic neurologique à 30 jours (en comparaison avec une stratégie de réanimation conventionnelle de l’arrêt cardiaque).

Type d’étude

INCEPTION est une étude randomisée, multicentrique réalisée aux Pays Bas de 2017 à 2021.

Population étudiée

Les patient·es inclus·es devaient être victimes d’un arrêt cardiaque extrahospitalier réfractaire (à une réanimation de 15 minutes), survenu devant témoin avec un rythme choquable initial.

Les principaux critères de non-inclusion étaient : une insuffisance cardiaque terminale, une BPCO stade III ou IV, un cancer disséminé, une grossesse connue ou suspectée, un pontage fémoral bilatéral, un polytraumatisme sévère, et la présence d’un délai prévisible entre le début de l’arrêt et le début de la canulation supérieur à 60 minutes.

Méthodes

Les patient·es étaient randomisé·es en 1:1 (mise en place d’une ECMO VA à l’admission à l’hôpital – bras eCPR - ou la poursuite de la réanimation – bras conventionnel), avec une stratification par centre.

Les patient·es étaient randomisé·es lors du transport (l’équipe préhospitalière restant en aveugle du bras de randomisation). Les critères d’inclusion et de non-inclusion étaient revus à l’admission et les patient·es pouvaient être secondairement exclu·es. Les patient·es inclus·es et pour lesquel·les le délai arrêt cardiaque – début de canulation était supérieur à 60 minutes n’étaient pas exclu·es de l’étude. Dans le bras eCPR, en cas de reprise d’une activité circulatoire spontanée (RACS) avant implantation, il n’y avait pas de mise en place d’ECMO VA.

Le critère de jugement primaire était le bon pronostic neurologique, défini par un score CPC 1 ou 2 (Cerebral Performance Category allant de 1 : aucune séquelle neurologique à 5 : décès).

Résultats essentiels

Parmi les 160 patient·es inclus·es, 26 ont été exclu·es secondairement (à l’admission à l’hôpital). Ainsi 70 ont été randomisé·es dans le bras eCPR, 64 dans le bras conventionnel. Parmi les 70 patient·es du bras eCPR, 24 n’ont pas eu l’ECMO VA (18 RASC, 5 complications lors de la pose dont 1 avec un échec d’obtention d’une circulation suffisante sous ECMO). Dans le bras conventionnel, un·e patient·e a refusé la poursuite de sa participation à l’étude avant les 30 jours et un·e patient·e n’a pas eu le bilan effectué par un neurologue indépendant à 30 jours.  

L’étude est négative sur le critère de jugement principal étudié en intention de traiter (survie à J30 avec CPC 1-2) : 14/70 (20%) dans le bras eCPR versus 10/62 (16%) dans le bras conventionnel, p = 0,52 (RR 1,05 (0,97-1,13)).

Commentaires

C’était une étude extrêmement attendue sur la question de l’eCPR des arrêts cardiaques extrahospitaliers car après l’étude positive ARREST1 (inclusion de 30 patients, interrompue précocement, du fait d’une supériorité dans le bras interventionnel) puis l’étude PRAGUE OHCA2 (inclusion de 264 patients, également interrompue précocement mais pour futilité), on espérait pouvoir trancher le débat de savoir s’il faut proposer une eCPR pour les arrêts cardiaques réfractaires.

Bien que négative sur le critère de jugement principal (« est-ce efficient ? »), l’étude INCEPTION apporte de nombreuses informations très utiles au débat (« est-ce pertinent ? »).

En effet, à la différence des deux études précédentes, par son design multicentrique, INCEPTION est une étude pragmatique qui permet de répondre à la question de savoir s’il est réellement pertinent de proposer cette technique de manière étendue.

Les auteurs reconnaissent dans les limites que le design multicentrique a réuni des centres experts et non experts, ce qui se ressent dans les résultats.

Tout d’abord, le délai entre l’arrêt cardiaque et l’implantation est plus long que dans ARREST (74 min vs 59 min), notamment en raison d’un temps d’attente entre l’arrivée à l’hôpital et le début de la canulation (16 minutes) et de la durée de canulation de 20 minutes (7 minutes dans ARREST).

Le taux de recrutement semble également faible, 70 patient·es randomisé·es eCPR sur une période de cinq ans au sein de 10 centres cela représente 1,4 patient·es par an et par centre, ce qui est bien en dessous d’une activité suffisante pour que toutes les équipes soient formées et opérationnelles. En comparaison, le recrutement dans l’étude ARREST a été de 36 patient·es sur une période de 10 mois, en monocentrique à Minneapolis (centre expert de cette thématique).

Autre point important, seulement 46/70 (66%) patient·es du bras eCPR ont réellement reçu une ECMO VA. Quand on s’intéresse à la survie CPC 1-2 du groupe eCPR (14/70 soit 20%), 9/70 n’ont jamais reçu l’ECMO VA, ce qui fait que seulement 5/70 (7%) ont reçu l’ECMO VA et ont survécu. Cette mortalité importante sous ECMO VA (39/46 décédé·es sous ECMO soit une mortalité de 85% !) pourrait être le témoin d’une prise en charge non protocolisée au sein de différents centres experts et non experts.

De fait, en dehors de grandes aires métropolitaines, l’obtention d’une expérience large et régulière semble être difficile.

Points forts

Bien que négative, cette étude apporte une information importante : si l’eCPR était démontrée comme efficace sur la survie avec peu ou pas de séquelles neurologiques par des études issues d’équipes expertes à très haut volume de recrutement et très entrainées, la généralisation de ces résultats ne semble pas évidente parmi les centres n’ayant pas l’habitude de l’ECMO VA et avec un recrutement insuffisant pour entretenir la technicité requise au sein de leur équipe.

Points faibles
  • Faible volume de patient·es par centre
  • Participation de centres non experts
  • Absence de protocolisation des prises en charges durant le séjour en réanimation (mortalité très élevée des patient·es sous ECMO VA)
Implications et conclusions

Le débat reste donc ouvert de savoir si l’eCPR des arrêts cardiaques extrahospitaliers à rythme choquable est efficace, cependant si cela était démontrée, l’étude INCEPTION rappelle toute la vigilance nécessaire à la généralisation des études à fort effet centre au sein d’équipes moins spécialisées.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Grégoire Muller, Service de Médecine Intensive Réanimation, CHR Orléans, France.

L'auteur ne déclare pas de conflit d'intérêt en lien avec cet article.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions à l'auteur (gregoire.muller@chr-orleans.fr) et à la CERC.

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CERC

G. LABRO (Secrétaire)
S. BOURCIER
A. BRUYNEEL
C. DUPUIS
S. GENDREAU
S. GOURSAUD
G. FOSSAT
N. HIMER
T. KAMEL
O. LESIEUR
A. ROUZÉ
V. ZINZONI

 

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RÉFÉRENCES

  • Yannopoulos D, Bartos J, Raveendran G, et al. Advanced reperfusion strategies for patients with out-of-hospital cardiac arrest and refractory ventricular fibrillation (ARREST): a phase 2, single centre, open-label, randomised controlled trial. Lancet 2020;396(10265):1807–16.

  • Belohlavek J, Smalcova J, Rob D, et al. Effect of Intra-arrest Transport, Extracorporeal Cardiopulmonary Resuscitation, and Immediate Invasive Assessment and Treatment on Functional Neurologic Outcome in Refractory Out-of-Hospital Cardiac Arrest. JAMA 2022;327(8):737–47.