Klebsiella versus Streptococcus pneumoniae : le match pour la PAC la plus sévère

13/12/2024
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Community-acquired Klebsiella pneumoniae pneumonia in ICU: a multicenter retrospective study

Auteurs : Vincent Grosjean, Simon B. Gressens, Tài Pham, Stéphane Gaudry, Hafid Ait-Oufella, Nicolas De Prost, Julien Mayaux, Emmanuel Guerot, Véronique Leflon-Guibout, Noémie Mayer, Frédéric Bert, Nathalie Gault, Clément R. Massonnaud and Damien Roux

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Question évaluée :

La question principale évaluée est la comparaison de la gravité et du pronostic de la pneumonie aigue communautaire causée par Klebsiella pneumoniae (KP-PAC) par rapport à celle causée par Streptococcus pneumoniae (SP-PAC).

Type d’étude :

Étude rétrospective multicentrique de type cas-témoins.

Population étudiée :

L'étude inclut des patients adultes admis pour une KP-PAC ou une SP-PAC monomicrobienne confirmée, dans sept unités de soins intensifs (USI) d’Ile-de-France entre 2015 et 2019, en excluant les diagnostics différentiels de PAC dont les pneumonies nosocomiales, associées aux soins ou d’inhalation.

Méthode :

Les données ont été collectées rétrospectivement après screening des patients via le Programme de Médicalisation des Systèmes d’information (PMSI) et confirmation du diagnostic sur dossier par des experts. Chaque cas de KP-PAC a été ensuite apparié à trois cas de SP-PAC selon le centre et l’année d’admission en USI. Le critère de jugement principal était la mortalité hospitalière. Les critères de jugement secondaires étaient la sévérité, les facteurs prédisposant, et la virulence. Les souches de KP disponibles ont été étudiées pour évaluer les facteurs génétiques de virulence bactérienne.

Résultats essentiels :

Au total, 27 cas de KP-PAC et 81 cas de SP-PAC ont été inclus.

Présentation clinique :
  • Les patients atteints de KP-PAC avaient une présentation initiale plus sévère avec des scores SAPS-II et SOFA plus élevés, indiquant une gravité clinique accrue à l’admission.
  • Parmi les comorbidités, seul l'éthylisme chronique a été retrouvé comme facteur prédisposant pour KP-PAC (58% vs. 22%, p = 0.002).
Évolution et mortalité:
  • Les patients KP-PAC présentaient significativement plus de défaillance multiviscérale (93% contre 42%, p < 0.001), de coagulation intravasculaire disséminée (12% contre 1.3%, p = 0.046), de choc septique (lactate médian à l'admission en USI de 4.6 contre 2.9 mmol/L, p = 0.03), d'insuffisance rénale (KDIGO-3 : 87% contre 44%, p < 0.001) et de recours à une ventilation mécanique invasive (85% vs. 42%, p <0.001).
  • La mortalité hospitalière était plus élevée pour les KP-PAC : 59% (n = 16) versus 17% (n = 14) pour SP-PAC (p < 0.001). La mortalité était particulièrement précoce pour les KP-PAC, avec un délai médian entre l'admission en USI et le décès de 26.9 heures [IQR 5.75–44 heures].
  • En analyse multivariée, la KP-PAC n’était plus associée à la mortalité après ajustement sur la gravité à l'admission en USI, et l’IGSI II était le seul facteur significativement associé à la mortalité (OR : 1.1, [95%CI : 1.06-1.15], p<0.001).
  • L’antibiothérapie était inadéquate chez 1 seul patient avec une KP BLSE, et une résistance bactérienne était retrouvée pour 1 KP-PAC et 3 SP-PAC.
Commentaires :

Au total, l’étude montre que la KP-PAC est associée à une gravité initiale et une évolution clinique plus sévère par rapport à SP-PAC, avec une mortalité hospitalière plus élevée. L'analyse suggère que la sévérité clinique dès l'admission est le facteur déterminant de la mortalité accrue chez les patients KP-PAC. La prise en charge de ces patients pourrait donc bénéficier d'une identification plus précoce de la gravité et des traitements adaptés plus rapides pour en réduire la mortalité dont le détail nécessite des études complémentaires.

Points forts :
  • Les précédentes études sur les KP-PAC avaient déjà décrit l’éthylisme chronique comme potentiel facteur de risque et un taux de mortalité élevé sur de petits échantillons mais étaient difficilement comparables en raison de l'hétérogénéité du contexte, de la sélection des patients, de la diversité des contextes épidémiologiques et parfois de l'absence de groupe de contrôle.
  • Échantillon multicentrique : L'étude couvre plusieurs centres en Ile-de-France, augmentant la généralisation des résultats avec des données intéressantes sur une PAC à potentiel émergent avec des souches de KP hypervirulentes (hypermuqueuses) ou multirésistantes (productrices de BLSE ou de carbapénémase) (1-4).
  • Analyse génétique des souches : L'évaluation des facteurs de virulence génétiques des souches de KP avait le potentiel de fournir des informations importantes sur la pathogénicité de cette bactérie.
Points faibles :
  • Étude rétrospective : Les biais inhérents aux études rétrospectives peuvent affecter la qualité et l’exhaustivité des données collectées avec un potentiel biais de recrutement.
  • Appariement uniquement réalisé sur le centre et l’année d’admission en USI avec effectif relativement faible pour une puissance suffisante pour analyse d’autres paramètres.
  • Taille d'échantillon limitée : Le nombre de patients KP-PAC est relativement faible, ce qui pourrait limiter la puissance statistique de certaines analyses.
  • Pas assez d’analyse génomique (n=4) pour pouvoir conclure sur ce point qui pourtant paraissait intéressant.          
Implications et conclusions :

La gravité clinique initiale et la progression rapide de la maladie nécessitent probablement une vigilance accrue et un traitement empirique approprié pour réduire la mortalité. Des études complémentaires sont nécessaires afin de trouver des points-clés potentiels de prise en charge.


Références cités dans les commentaires :

  1. Chang D, Sharma L, Dela Cruz CS, Zhang D. Clinical epidemiology, risk factors, and control strategies of Klebsiella pneumoniae infection. Front Microbiol. 2021;12:750662.
  2. Zhao Y, Zhang X, Torres VVL, Liu H, Rocker A, Zhang Y, et al. An outbreak of carbapenem-resistant and hypervirulent Klebsiella pneumoniae in an intensive care unit of a major teaching hospital in Wenzhou, China. Front Public Health. 2019;7:229.
  3. Su S, Zhang J, Zhao Y, Yu L, Wang Y, Wang Y, et al. Outbreak of KPC-2 carbapenem-resistant Klebsiella pneumoniae ST76 and carbapenem-resistant K2 hypervirulent Klebsiella pneumoniae ST375 strains in Northeast China: molecular and virulent characteristics. BMC Infect Dis. 2020;20:472.
  4. Huang Y-H, Chou S-H, Liang S-W, Ni C-E, Lin Y-T, Huang Y-W, et al. Emergence of an XDR and carbapenemase-producing hypervirulent Klebsiella pneumoniae strain in Taiwan. J Antimicrob Chemother. 2018;73:2039–46.

CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article Commenté par Michaël THY, Médecine intensive-Réanimation médicale et infectieuse, CHU Bichat-Claude Bernard, AP-HP, Université Paris Cité, France.

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