Meilleure gestion des cathéters veineux périphériques : restons CLEAN !?

17/09/2021
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Chlorhexidine plus alcohol versus povidone iodine plus alcohol, combined or not with innovative devices, for prevention of short-term peripheral venous catheter infection and failure (CLEAN 3 study): an investigator-initiated, open-label, single centre, randomised-controlled, two-by-two factorial trial
J. Guenezan,N. Marjanovic, B. Drugeon, R. O Neill, E. Liuu, F. Roblot, et al.
The Lancet, VOLUME 21, ISSUE 7, P1038-1048, JULY 01, 2021

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Questions évaluées

En cohérence avec le plan factoriel, deux questions ont été évaluées dans le même essai :

La chlorhexidine alcoolique à 2% (ChloraPrep®) est-elle supérieure à la povidone iodée alcoolique (Bétadine alcoolique) dans la prévention des infections ?

La combinaison de nouveaux dispositifs innovants (cathéter Nexiva® avec système clos, valve bi-directionnelle MaxZero®, bouchon désinfectant PureHub®) prolonge-t-elle la durée du cathéterisme sans complication comparée à des dispositifs standards (cathéter Insyte Autoguard BC®, connexion par un robinet 3 voies, désinfection par compresses imbibées d’antiseptique alcoolique) ?

Type d’étude

Il s’agissait d’une étude randomisée en groupes parallèles monocentrique, ouverte, de supériorité avec un plan factoriel 2X2.

Population étudiée

Adultes nécessitant la pose aux urgences d’une voie veineuse périphérique pour au moins 48 heures et devant être hospitalisés dans un service de médecine.

Méthode

Chaque patient randomisé individuellement était suivi jusqu’au retrait du cathéter veineux périphérique et les 48h suivantes. Le critère principal de jugement était différent selon la question étudiée et composite dans les 2 cas :

Concernant l’intervention portant sur l’antisepsie, il s’agissait de l’incidence des complications infectieuses associant : infection locale, colonisation du cathéter, bactériémie liée au cathéter et bactériémie toutes causes confondues

Concernant l’intervention portant sur les cathéters et connexions, il s’agissait de l’incidence des complications non-infectieuses associant : infiltration, occlusion, migration et phlébite

L’analyse statistique a été conduite en intention de traiter modifiée excluant les retraits de consentement et les échecs de pose. La comparaison a utilisé un modèle de survie à risque proportionnel prenant en compte le risque compétitif d’un retrait du cathéter sans complication. La comparaison pour une intervention était ajustée sur l’autre intervention. Une analyse de sensibilité en intention de traiter pure avec biais maximal a permis de vérifier la robustesse des résultats.

Résultats essentiels

Au total, 1000 patients ont été randomisés et 989 (98,9%) analysés dans l’analyse principale (498 dans le groupe chlorhexidine alcoolique versus 493 dans le groupe povidone iodée alcoolique ; 494 dans le groupe dispositifs innovants versus 495 dans le groupe dispositifs standards). Les caractéristiques initiales des groupes comparés étaient similaires. Comparée à la povidone iodée alcoolique, la chlorhexidine alcoolique réduisait très fortement l’incidence des complications infectieuses (Risque relatif : 0,08 avec un intervalle de confiance à 95% [0,02 à 0,18] ; p<0,0001). Ce résultat est très influencé par un des composants du critère composite : la colonisation du cathéter. Aucune bactériémie liée au cathéter n’a été observée. Comparés aux dispositifs standards, les dispositifs innovants réduisaient de moitié l’incidence des complications non-infectieuses (Risque relatif : 0,52 avec un intervalle de confiance à 95% [0,35 à 0,72] ; p<0,0001). Ce résultat est assez homogène selon les différents critères composites.

Commentaires

Les auteurs méritent d’être félicités pour avoir conduit un travail aussi original et bien construit, incluant l’analyse de l’efficience (plutôt que l’efficacité), de la tolérance mais aussi des « patients reported outcomes » tels que la douleur, la gêne liée au cathéter et la satisfaction sur presque 1000 malades.

La bataille du choix du meilleur produit pour l’antisepsie de la peau n’est pas nouvelle(1). Elle a été déclinée en fonction du type de solution (alcoolique versus aqueuses(2)), des composants antiseptiques(3–5), de leurs concentrations(6) et du type de geste invasif. C’est dans cette « saga » que s’intègrent les études CLEAN coordonnées par le Prof. Olivier Mimoz, promues par le CHU de Poitiers et soutenues financièrement par Becton Dickinson. Finalement, en retenant uniquement les bactériémies liées au cathéters veineux périphériques, la povidone iodée a été aussi efficace que la chlorhexidine alcoolique à 2%. Cet élément, pourtant majeur dans l’interprétation des résultats est absent du résumé de l’article. En revanche, ce point de discussion est développé par les auteurs qui expliquent l’absence de différence (0 versus 0) par la très faible incidence des bactériémies liées aux cathéters veineux périphériques.

La prévention des complications non-infectieuses par l’utilisation de dispositifs innovants plutôt que standards est convaincante. A noter que l’effet opère entre la 24ème heure de pose et la 48ème heure alors que le choix du type de dispositif se fait au moment de la pose mais que l’effet est continu pendant la durée du cathérérisme. On aurait pu penser que l’écart entre les groupes (courbes d’incidence cumulée) augmenterait avec la durée du cathétérisme. D’un autre côté le nombre de patients à risque au-delà de 4 jours est faible.

Points forts

Peu d’études de cette taille et de cette qualité se sont intéressées aux cathéters veineux périphériques, alors qu’il s’agit du geste invasif le plus fréquent. La validité interne est excellente, avec des résultats très significatifs et un design élégant limitant au maximum les biais malgré l’absence d’un double-aveugle techniquement impossible. La validité externe dans son versant cohérence avec la littérature est également excellente et vient confirmer la puissance antiseptique supérieure de la chlorhexidine alcoolique comparée à la povidone iodée alcoolique avant un geste invasif(7). L’effet des dispositifs innovants sur les complications non-infectieuses, avec un collectif de patients importants issus de la vraie vie, est très original et important. En diminuant le nombre de complications non-infectieuses, les dispositifs innovants pourraient bien prolonger l’utilisation de la même voie veineuse périphérique et diminuer le nombre de dispositifs utilisés par patient, tout en améliorant leur confort en évitant de nouvelles poses.

Points faibles

La validité externe dans son versant applicabilité est un peu limitée par le caractère monocentrique de l’étude et par l’utilisation d’un antiseptique (ChloraPrep®) à usage unique plutôt qu’un flacon et des compresses. Le critère principal de jugement « complication infectieuses » comprend des éléments ayant des conséquences cliniques très différentes (colonisation et bactériémie liée au cathéter, par exemple). L’inclusion des infections locales renforce sa relevance clinique, mais ce critère est subjectif, l’étude est en ouvert et la différence entre les groupes, à peine significative. Il manque une analyse médico-économique précisant le rapport coût-efficacité des dispositifs innovants comparé aux dispositifs standards, mais ce type d’analyse semble être prévue.

Implications et conclusions

Sauf cas particuliers, les antiseptiques non alcoolisés ne devraient plus être utilisés pour l’antisepsie de la peau avant un geste invasif, puisqu’ils ne sont plus considérés dans les groupes contrôles des essais modernes(7,8). La supériorité de la chlorhexidine alcoolique à 2% sur la povidone iodée alcoolique s’applique probablement à la prévention des infections liées aux cathéters veineux périphériques. Si le taux de bactériémies liées aux cathéters veineux périphériques posés aux urgences avec la povidone iodée alcoolique est élevé dans votre hôpital, il est sans doute possible de réduire ce type de complications en optant pour la chlorhexidine alcoolique. L’utilisation de dispositifs innovants semble être prometteuse pour les patients à risque de complications non-infectieuses.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Jean-Jacques Parienti, Service des maladies infectieuses, CHRU de Caen, France

L'auteur déclare ne pas avoir de lien d'intérêt en relation avec ce commentaire d'article.

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Références

  1. Maki DG, Ringer M, Alvarado CJ. Prospective randomised trial of povidone-iodine, alcohol, and chlorhexidine for prevention of infection associated with central venous and arterial catheters. Lancet 1991; 338: 339–43.
  2. Parienti J-J, du Cheyron D, Ramakers M, et al. Alcoholic povidone-iodine to prevent central venous catheter colonization: A randomized unit-crossover study. Crit Care Med 2004; 32: 708–13.
  3. Mimoz O, Pieroni L, Lawrence C, et al. Prospective, randomized trial of two antiseptic solutions for prevention of central venous or arterial catheter colonization and infection in intensive care unit patients. Crit Care Med 1996; 24: 1818–23.
  4. Mimoz O, Villeminey S, Ragot S, et al. Chlorhexidine-based antiseptic solution vs alcohol-based povidone-iodine for central venous catheter care. Arch Intern Med 2007; 167: 2066–72.
  5. Maiwald M, Chan ESY. The forgotten role of alcohol: a systematic review and meta-analysis of the clinical efficacy and perceived role of chlorhexidine in skin antisepsis. PLoS One 2012; 7: e44277.
  6. Masuyama T, Yasuda H, Sanui M, Lefor AK. Effect of skin antiseptic solutions on the incidence of catheter-related bloodstream infection: a systematic review and network meta-analysis. J Hosp Infect 2021; 110: 156–64.
  7. Mimoz O, Lucet J-C, Kerforne T, et al. Skin antisepsis with chlorhexidine-alcohol versus povidone iodine-alcohol, with and without skin scrubbing, for prevention of intravascular-catheter-related infection (CLEAN): an open-label, multicentre, randomised, controlled, two-by-two factorial trial. Lancet 2015; 386: 2069–77.
  8. Guenezan J, Marjanovic N, Drugeon B, et al. Chlorhexidine plus alcohol versus povidone iodine plus alcohol, combined or not with innovative devices, for prevention of short-term peripheral venous catheter infection and failure (CLEAN 3 study): an investigator-initiated, open-label, single centre, randomised-controlled, two-by-two factorial trial. Lancet Infect Dis 2021; published online Feb 1. DOI