Des PNN signant le sepsis : un autographe s'il vous plait !

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Two new neutrophil subsets define a discriminating sepsis signature.
Meghraoui-Kheddar A, Chousterman BG, Guillou N, Barone SM, Granjeaud S, Vallet H, et al.
Am J Respir Crit Care Med 2022;205:46–59.

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Question évaluée

Identifier des populations de neutrophiles spécifiques du sepsis.

Type d’étude

Étude observationnelle de recherche translationnelle.

Population étudiée

Les neutrophiles circulants étaient étudiés sur sang total dans deux cohortes :

  • Cohorte de dérivation (n=40) : 17 patients septiques (J1 et J7 post-admission en réanimation), 12 contrôles inflammatoires non septiques (J1 et J7 post-chirurgie cardiaque) et 11 sujets sains ;

  • Cohorte de validation (n=42) : 24 patients septiques (J1) et 18 contrôles inflammatoires non septiques (J1).

En outre, les neutrophiles résidents de la moelle osseuse étaient étudiés dans des biopsies ostéo-médullaires collectées chez 5 patients de chirurgie orthopédique.

Méthodes

Pour mettre en évidence des populations de neutrophiles spécifiques du sepsis, ce travail a utilisé la cytométrie de masse à 42 cibles. Cette technique d’analyse et de comptage des populations cellulaires repose sur le marquage d’antigènes membranaires par des anticorps monoclonaux couplés à des isotopes de métaux lourds, dont la quantification se fait en spectrométrie de masse.

En second temps, pour valider la signature neutrophile observée, ce travail a utilisé la cytométrie de flux, technique d’accessibilité supérieure mais limitée à un nombre restreint d’antigènes, ici 7 cibles.

Enfin, des tests ex vivo de phagocytose et d’activation des neutrophiles ont été réalisés, utilisant des microbilles porteuses de Zymosan ou de Staphylococcus aureus.

Résultats

Dans un premier temps, ont été mises en évidence en cytométrie de masse deux populations neutrophiles présentes chez les patients septiques à J1 mais absentes (<1%) chez les contrôles inflammatoires non septiques. La première exprimait PD-L1 et représentait 18% du stock de neutrophiles, la deuxième exprimait CD123 et représentait 10% du stock de neutrophiles. Cette dernière population, dite immature, était aussi identifiée en proportion importante (37%) dans les prélèvements de biopsie ostéo-médullaire, ce qui suggérait un processus de myélopoïèse d’urgence à la phase précoce du sepsis. Dans le sang collecté à J7, on identifiait chez les patients septiques une proportion importante (50%) de neutrophiles phénotypiquement similaires à ceux des sujets sains, suggérant un processus de résolution de l’inflammation. Ces résultats étaient confirmés en cytométrie de flux, renforçant ainsi leur applicabilité en routine clinique, compte tenu de la disponibilité supérieure de cette technique.

Les auteurs ont ensuite montré que la proportion de neutrophiles immatures CD123 était un biomarqueur performant pour discriminer à J1 les patients septiques des contrôles inflammatoires non septiques. Ainsi un seuil fixé à 0,38% permettait d’exclure le sepsis, avec une sensibilité de 81% et une sensibilité de 92% (aire sous la courbe ROC= 0,91), soit des performances supérieures à celles du score SOFA et du SAPS II. Ces résultats étaient confirmés en cytométrie de flux dans la cohorte de validation. En outre, les auteurs ont montré chez les patients septiques à J1 une corrélation positive entre la proportion de neutrophiles immatures CD123 d’une part et le SAPS II (Spearman r=0.62, p=0.0192) et le score SOFA (Spearman r=0.55, p=0.0437) d’autre part.

Enfin, les auteurs ont exploré ex vivo les fonctions intrinsèques des neutrophiles. Ils ont observé chez les patients septiques à J1, en comparaison aux sujets sains, un défaut d’activation et une altération de la capacité de phagocytose, en particulier de Staphylococcus aureus, d’autant plus marquée que les proportions de neutrophiles PD-L1 et CD123 étaient élevées.

Résultats essentiels
  • Identification en cytométrie de masse, confirmée en cytométrie de flux, de deux populations neutrophiles (CD123, PD-L1) spécifiques du sepsis à sa phase précoce ;

  • Mise en évidence chez les patients septiques d’une association statistique entre la proportion de neutrophiles immatures CD123 et les marqueurs cliniques de sévérité usuels (SAPS II, score SOFA) ;

  • Démonstration d’un défaut d’activation et d’une altération de la capacité de phagocytose des neutrophiles chez les patients septiques à J1, d’autant plus marqués que les proportions de neutrophiles spécifiques (PD-L1 et CD123) sont élevées.

Commentaires

On notait dans la cohorte de dérivation une majorité de sepsis à bacilles gram négatif, alors que la documentation prédominante dans la cohorte de validation était à Cocci gram positif. En dépit de cette épidémiologie bactérienne dissemblable, les résultats quantitatifs et qualitatifs étaient reproductibles d’une cohorte à l’autre, ce qui renforçait la validité des résultats obtenus.

Les données cliniques relatives aux éventuels facteurs d’immunodépression acquise étaient absentes, alors qu’elles auraient été attendues dans un travail explorant la réponse immune innée au cours du sepsis.

Points forts
  • Cohortes de dérivation et de validation ;

  • Détection et quantification des populations neutrophiles par cytométrie de flux, technique d’accessibilité élevée ;

  • Cohérence des données quantitatives (proportions de cellules) et qualitatives (anomalies fonctionnelles ex vivo) ;

  • Reproductibilité dans résultats dans des cohortes avec épidémiologie bactérienne dissemblable.

Points faibles
  • Peu de données sur les caractéristiques cliniques des patients septiques, en particulier sur les éventuels facteurs d’immunodépression acquise, ce qui peut limiter l’applicabilité clinique des résultats ;

  • Faibles effectifs de patients.

Conclusion

Cette étude de recherche translationnelle a identifié deux populations neutrophiles (CD123 et PD-L1) spécifiques du sepsis à sa phase précoce. Les auteurs ont montré que leurs proportions étaient associées à une altération des fonctions intrinsèques des neutrophiles sur le plan fonctionnel, et à une mortalité majorée sur le plan pronostique.  Ces résultats, qui ouvrent la voie à l’utilisation de biomarqueurs de la réponse immune innée au cours du sepsis, mériteraient d’être confirmés dans une cohorte de plus grand effectif.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Camille Urien-Maisonnave et Guillaume Voiriot, au nom de la Commission de Recherche Translationnelle de la SRLF.

Les auteures déclarent n'avoir aucun lien d'intérêt.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions à l'auteur (guillaume.voiriot@aphp.fr) et/ou à la CERC.

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CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
S. BOURCIER
M. Arnaud BRUYNEEL
C. DUPUIS
S. GENDREAU
S. GOURSAUD
G. FOSSAT
N. HIMER
T. KAMEL
G. LABRO
O. LESIEUR
A. ROUZÉ
V. ZINZONI