PRINCESS : l’hypothermie pointe encore le bout de son nez !

02/01/2020
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Article JAMA
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Effect of Trans-Nasal Evaporative Intra-arrest Cooling on Functional Neurologic Outcome in Out-of-Hospital Cardiac Arrest. The PRINCESS Randomized Clinical Trial.
Per Nordberg, Fabio Silvio Taccone, Anatolij Truhlar, Sune Forsberg, Jacob Hollenberg, Martin Jonsson, Jerome Cuny, Patrick Goldstein, Nick Vermeersch, Adeline Higuet, Francisco Carmona Jiménes, Fernando Rosell Ortiz, Julia Williams, Didier Desruelles, Jacques Creteur, Emelie Dillenbeck, Caroline Busche, Hans-J.rg Busch, Mattias Ringh, David Konrad, Johan Peterson, Jean-Louis Vincent, Leif Svensson.
JAMA. 2019;321(17):1677-1685

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Question évaluée

L’application précoce d’un contrôle ciblé de la température en hypothermie (CCT) à l’aide d’un dispositif trans-nasal (DTN), dès la réanimation cardio-pulmonaire (RCP), permet-elle d’améliorer le pronostic vital et fonctionnel à 90 jours après un arrêt cardio-respiratoire (ACR) extra hospitalier.

Type d’étude

Etude européenne multicentrique, internationale menée dans 11 services d’urgence pré hospitaliers de 7 pays européens, prospective et interventionnelle de supériorité.

Population étudiée

Adultes présentant un ACR extra hospitalier devant témoin, à l’exception des patients âgés de plus de 80 ans, des arrêts cardiaques de cause traumatique, ou après overdose, noyade, inhalation de fumée, électrocution, accident vasculaire cérébral ou pendaison. Les autres critères de non inclusion étaient un délai de prise en charge de plus de 15 minutes après l’ACR, l’existence d’une hémorragie sévère, d’une hypothermie, d’un trouble de l’hémostase préalable à l’ACR, ou encore d’une contre-indication anatomique. Les patients non réanimatoires et la grossesse étaient également des critères d’exclusion.

Méthode

Les patients inclus étaient randomisés avec un ratio 1:1, par bloc de 4 sans stratification, pour recevoir ou non un refroidissement par évaporation trans-nasale lors de la RCP après gestion des voies aériennes par intubation oro-trachéale ou par masque laryngé. Le cathéter nasal était laissé en place durant le transport jusqu’en réanimation. Les patients des deux groupes recevaient ensuite un CCT standard entre 32 et 34°C pendant 24 heures après leur admission à l’hôpital, sous couvert de sédation et curarisation.

Le critère de jugement principal était l’évolution neurologique favorable à 90 jours de l’ACR, définie par un score Cerebral Performance Category (CPC) de 1 ou 2 (évaluation en aveugle). Le calcul d’effectif était basé sur une amélioration de 16% du taux d’évolution neurologique favorable dans le groupe interventionnel, requérant 650 patients à inclure afin de pouvoir évaluer 150 patients vivants à l’admission dans chaque groupe.

Les critères de jugement secondaires étaient la survie à J90 des patients randomisés, l’efficacité du refroidissement et le délai du refroidissement à 34°C après l’ACR. La tolérance du dispositif était testée dans les 24h de l’admission.

Des analyses en sous groupe étaient prédéfinies chez les patients ayant un rythme cardiaque initial choquable ou pris en charge moins de 10 minutes après l’ACR.

Résultats essentiels

Entre 2010 et 2018, 677 patients ont été randomisés, 343 dans le groupe interventionnel et 334 dans le groupe contrôle, dont 43 % étaient vivants à leur arrivée en réanimation.

Les patients du groupe interventionnel présentaient une température médiane à 34,6°C contre 35,8 °C dans le groupe contrôle (p<0,001), obtenues dans un délai de 105 min et 182 min (p <0,001), respectivement.

Une évolution neurologique favorable était retrouvée chez 16,6% des patients du groupe interventionnel et 13,5% dans le groupe contrôle (p = 0,25). La survie à J90 n’était pas significativement différente (p = 0,44) entre le groupe avec ou sans CCT par DTN (17,8% et 15,6% respectivement). Les analyses en sous-groupe ne retrouvaient pas d’interaction selon le type de rythme cardiaque initial ou le délai d’intervention de RCP initial.

Concernant les analyses post hoc, la seule différence significative concerne le sous groupe de patient ayant un rythme choquable et qui présente une récupération neurologique complète CPC 1 à J90, 32,6% dans le groupe interventionnel contre 20% dans le groupe contrôle (p=0,002).

En outre, il n’y avait pas de différence importante entre les groupes pour la plupart des événements indésirables à l’exception de l’épistaxis présentée par 13% des patients du groupe interventionnel.

Commentaires

Le contrôle ciblé de la température après ACR, notamment extra hospitalier sur rythme choquable, reste l’intervention de neuroprotection la plus prometteuse pour réduire les lésions cérébrales après un ACR. Dans ce contexte précis, le CCT en hypothermie a été associé à une augmentation de la survie avec bonne évolution neurologique (1). La précocité de l’hypothermie semble être un facteur important. En effet, l’hypothermie diminue les lésions cérébrales primaires si elle est induite pendant l’ischémie dans les 15 premières minutes de reperfusion et l’hypothermie induite après le RACS améliore le pronostic neurologique sur des modèles animaux lorsqu’elle est initiée moins de 4 à 8 heures après le RACS et maintenue pendant au moins 24 heure, permettant ainsi de contrôler les lésions cérébrales secondaires aux phénomènes d’ischémie-reperfusion (2,3). Récemment réévaluée, le CCT en hypothermie se heurte à la problématique de son délai d’implémentation en pratique clinique (4,5). Paradoxalement, des études préalables visant à instaurer une hypothermie pré-hospitalière utilisant des remplissage de solutés froids ont mis en évidence une augmentation d’effets indésirables tels une récidive d’arrêt et un moindre taux de RACS (6).

L’hypothermie trans-nasale permet un refroidissement rapide et précoce, avec pour avantage de ne pas apporter de fluide, d’être non invasive, utilisable simplement en pré-hospitalier sans être associée à des effets secondaires majeurs. Son principe est celui  de l’administration d’un mélange liquide réfrigérant constitué de perfluorocarbone pulvérisé dans la cavité nasale, s’évaporant rapidement au contact de l’oxygène, entraînant un refroidissement important des voies nasales richement vascularisées et par conséquent du cerveau. Des études antérieures essentiellement expérimentales ont démontrées sont efficacité sur l’induction de l’hypothermie (7). Cette étude visait donc à confirmer un potentiel bénéfice de cette technique sur un critère dur et centré sur le patient, le devenir neurologique à J90.

Points forts

Il est important de relever le caractère novateur de la technique évaluée par les investigateurs, ainsi que le timing d’intérêt focalisant sur l’induction rapide de l’hypothermie thérapeutique dès la RCP.

Points faibles

Comme souvent dans les études sur l’ACR, la population d’inclusion est très hétérogène, du point de vue des temps de réanimation initiale mais aussi de la cause de l’ACR lui-même, conduisant à une variabilité des complications neurologiques. L’inclusion de patients indifférenciés dans les essais cliniques peut favoriser un résultat neutre.

Par ailleurs, les auteurs n’apportent pas de diagramme de flux informatif ne permettant pas d’évaluer d’éventuels biais de sélection de la population de patients inclus après un ACR.

Les équipes prenant en charge les patients et notamment en charge de la neuro-pronostication n’étaient pas en aveugle du traitement. De plus les causes de décès ne sont pas détaillées dans le travail, ce qui est pourtant nécessaire lorsque le critère de jugement principal est le devenir neurologique sachant que l’arrêt des soins pour encéphalopathie post-anoxique est la principale cause de décès en post ACR (8).

Enfin, il ne peut pas être exclu un manque de puissance expliquant les résultats négatifs, l’essai précédent PRINCE, travail préliminaire à l’essai PRINCESS incluant 193 patients, avait rapporté une augmentation non significative de patients avec un score CPC 1-2 de 16% de ceux recevant une hypothermie précoce (7).

Implications et conclusions

L’étude PRINCESS a permis d’évaluer une nouvelle méthode plus rapide et potentiellement plus sûre de mise en place de l’hypothermie pendant la RCP, tout en évitant une administration excessive de fluides intravasculaires. Les résultats principaux sur le devenir neurologique sont négatifs statistiquement, ne suggérant pas que ce type de refroidissement devrait être adopté dans la pratique courante pré-hospitalière.

Bien que non significatifs, ces résultats sont encourageants et pourraient soutenir de nouveaux travaux de confirmation ou exploratoires dans des populations de patients plus homogènes.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par les Dr. Marine Paul et Stéphane Legriel, Réanimation polyvalente, Centre Hospitalier de Versailles – Site André Mignot ,177 Rue de Versailles, 78150 Le Chesnay, France.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.
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LIENS UTILES

  1. Bernard SA, Gray TW, Buist MD, Jones BM, Silvester W, Gutteridge G, et al. Treatment of comatose survivors of out-of-hospital cardiac arrest with induced hypothermia. N Engl J Med. 2002 Feb 21;346(8):557–63.
  2. Kuboyama K, Safar P, Radovsky A, Tisherman SA, Stezoski SW, Alexander H. Delay in cooling negates the beneficial effect of mild resuscitative cerebral hypothermia after cardiac arrest in dogs: a prospective, randomized study. Crit Care Med. 1993 Sep;21(9):1348–58.
  3. Che D, Li L, Kopil CM, Liu Z, Guo W, Neumar RW. Impact of therapeutic hypothermia onset and duration on survival, neurologic function, and neurodegeneration after cardiac arrest. Crit Care Med. 2011 Jun;39(6):1423–30.
  4. Calabró L, Bougouin W, Cariou A, De Fazio C, Skrifvars M, Soreide E, et al. Effect of different methods of cooling for targeted temperature management on outcome after cardiac arrest: a systematic review and meta-analysis. Crit Care Lond Engl. 2019 Aug 23;23(1):285.
  5. Nielsen N, Wetterslev J, Cronberg T, Erlinge D, Gasche Y, Hassager C, et al. Targeted temperature management at 33°C versus 36°C after cardiac arrest. N Engl J Med. 2013 Dec 5;369(23):2197–206.
  6. Kim F, Nichol G, Maynard C, Hallstrom A, Kudenchuk PJ, Rea T, et al. Effect of prehospital induction of mild hypothermia on survival and neurological status among adults with cardiac arrest: a randomized clinical trial. JAMA. 2014 Jan 1;311(1):45–52.
  7. Castrén M, Nordberg P, Svensson L, Taccone F, Vincent J-L, Desruelles D, et al. Intra-arrest transnasal evaporative cooling: a randomized, prehospital, multicenter study (PRINCE: Pre-ROSC IntraNasal Cooling Effectiveness). Circulation. 2010 Aug 17;122(7):729–36.
  8. Witten L, Gardner R, Holmberg MJ, Wiberg S, Moskowitz A, Mehta S, et al. Reasons for death in patients successfully resuscitated from out-of-hospital and in-hospital cardiac arrest. Resuscitation. 2019 Mar 1;136:93–9.
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CERC

JB. LASCARROU (Secrétaire)
SD. BARBAR
F. BOISSIER
G. DECORMEILLE
N. HEMING
B. HERMANN
S. HRAIECH
G. JACQ
JF. LLIJTOS
L. OUANES-BESBES
G. PITON
L. POIROUX