Quel intérêt pour l’ECPR en préhospitalier ?

05/04/2018
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A Pre-Hospital Extracorporeal Cardio Pulmonary Resuscitation (ECPR) strategy for treatment of refractory out hospital cardiac arrest: An observational study and propensity analysis.
Lamhaut L, Hutin A, Puymirat E, Jouan J, Raphalen JH, Jouffroy R, Jaffry M, Dagron C, An K, Dumas F, Marijon E, Bougouin W, Tourtier JP, Baud F, Jouven X, Danchin N, Spaulding C and Carli P.  Resuscitation. 2017;117:109-117

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Question évaluée

Évaluation d’une stratégie d’implémentation de l’assistance circulatoire en préhospitalier (Extracorporeal Cardio-pulmonary resuscitation ECPR) utilisant des critères d’inclusion révisés.

Type d’étude

Étude observationnelle prospective.

Population étudiée

Tous les patients ayant bénéficié d’une ECPR entre novembre 2011 et décembre 2014 (période 1) et de janvier à décembre 2015 (période 2).

Méthode

Les auteurs ont comparé une période durant laquelle le choix de la stratégie était libre (ECPR préhospitalière ou mise en place à l’hôpital) à une période pendant laquelle l’ECPR préhospitalière est devenue le traitement standard avec des critères d’inclusion révisés. La période 1 suivait les recommandations françaises[1], alors que durant la période 2 une équipe dédiée à la mise en place d’ECPR en préhospitalier avait un objectif de mise en route de l’assistance à moins de 60 minutes après l’arrêt cardiaque (AC). La dose d’adrénaline maximale était limitée à 5 mg pour la période 2. Il n’y avait pas de modification de la prise en charge hospitalière entre les 2 périodes (angiographie, contrôle ciblé de la température).
Un score de propension a été réalisé pour comparer les 2 périodes.

Résultats essentiels

Au total, 156 patients ayant reçu une ECPR ont été inclus, 114 pour la période 1 (dont 46 (41%) en préhospitalier) et 42 pour la période 2 (dont 27 (64%) en préhospitalier). La durée moyenne de low-flow était de 93±27 minutes vs. 71±20 minutes (p<0.001) entre les périodes 1 et 2. La survie avec bon pronostic neurologique (CPC 1 ou 2) était de 9/114 (8%) vs. 12/42 (29%), p<0.001 entre les périodes 1 et 2, respectivement. La période 2, que l’ECPR soit mise en place en préhospitalier ou en intrahospitalier, était associée à une meilleure survie par rapport à la période 1.
Ces résultats étaient confirmés par l’analyse multivariée et l’analyse par score de propension.

Commentaires

Les résultats de cette étude montrent qu’une stratégie agressive avec pour objectif principal une diminution du temps de low-flow en préhospitalier pour les patients présentant un AC réfractaire est associée à une amélioration de la survie. Il n’y avait pas dans cette étude de différence significative entre les ECPR mises en place en préhospitalier ou en hospitalier pendant la période 2. La période 2 étant associée à un objectif de low-flow plus court, ce résultat n’est pas surprenant et confirme l’importance de la durée de low-flow comme facteur pronostic. La période 2 n’était également pas associée à un plus grand nombre de complications (transfusion ou sepsis). Les facteurs principaux mis en évidence et associés à la survie étaient la diminution de la durée de low-flow, l’âge <60 ans, la présence de signes de vie pendant la réanimation cardio-pulmonaire, le sexe masculin, et une dose d’adrénaline <5mg. L’étude confirme l’importance de la durée de low-flow avant mise en place de l’ECPR, ce facteur est retrouvé dans la plupart des études évaluant l’ECPR [2]. Ces résultats ont été confirmés récemment par une étude nord-américaine qui mettait en évidence une survie de 45% avec une sélection similaire des patients et une durée de low-flow de 68 min en moyenne [3]. La géographie urbaine, les conditions de circulations et les facilités de brancardage dans les villes américaines rendent difficile l’obtention de tels délais identiques de low-flow pour la majorité des AC réfractaires en France.

Points forts

Il s’agit de l’une des plus importantes séries de patients ayant bénéficié d’ECPR pour arrêt cardiaque extra-hospitalier décrite.
Les critères de sélection et la stratégie de sélection des patients mis en place sont bien décrits et applicables dans notre système de soins.

Points faibles

S’agissant d’une étude observationnelle de type avant-après, les résultats sont à analyser avec les limites de ce type d’étude. La stratégie invasive en particulier pour la pose préhospitalière nécessite une équipe dédiée, entrainée à cette stratégie et est donc difficilement transposable dans l’ensemble des centres français utilisant l’ECPR pour les patients présents un AC réfractaire. Les critères de sélection restrictifs des patients pouvant bénéficier de cette thérapeutique posent également le problème de la logistique, du maintien de compétence et de la disponibilité pour des centres avec une activité et un nombre de patients moins important que Paris. Le bénéfice par rapport à une organisation locale permettant un transport rapide vers un centre hospitalier reste à démontrer [4].

Implications et conclusions

Cette étude confirme l’importance d’une durée de low-flow ciblant les 60 min ainsi que la présence de signe de vie (notamment gasps) pour implémentation d’une ECPR pour les patients en AC réfractaire en préhospitalier.

L’étude démontre la faisabilité de la mise en place dès la phase préhospitalière d’une ECPR ouvrant la possibilité de bénéficier de cette thérapeutique à un plus grand nombre de patients qui ne pourraient être admis dans les délais requis pour une pose hospitalière. Une étude européenne multicentrique est en cours pour évaluer l’intérêt de cette stratégie par rapport à une pose intrahospitalière (NCT02527031).

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Conflit d'intérêts

Article commenté par le Dr Guillaume Debaty, SAMU 38 – Pôle Urgences Médecine Aiguë, CHU de Grenoble, France

L’ auteur ne déclare aucun conflit d’intérêt. Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions à l’auteur (gdebaty@chu-grenobler.fr) ou à la CERC.

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Liens utiles

  1. Guidelines for indications for the use of extracorporeal life support in refractory cardiac arrest. French Ministry of Health. Ann Fr Anesth Reanim. 2009;28:182-90.
  2. Debaty G, Babaz V, Durand M, Gaide-Chevronnay L, Fournel E, Blancher M, et al. Prognostic factors for extracorporeal cardiopulmonary resuscitation recipients following out-of-hospital refractory cardiac arrest. A systematic review and meta-analysis. Resuscitation. 2017;112:1-10.
  3. Yannopoulos D, Bartos JA, Raveendran G, Conterato M, Frascone RJ, Trembley A, et al. Coronary Artery Disease in Patients With Out-of-Hospital Refractory Ventricular Fibrillation Cardiac Arrest. Journal of the American College of Cardiology. 2017;70:1109-17.
  4. Chouihed T, Kimmoun A, Lauvray A, Laithier FX, Jaeger D, Lemoine S, et al. Improving Patient Selection for Refractory out of Hospital Cardiac Arrest Treated with Extracorporeal Life Support. Shock (Augusta, Ga). 2017.
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CERC

G. MULLER (Secrétaire)
N. AISSAOUI
SD. BARBAR
F. BOISSIER
G. DECORMEILLE
D. GRIMALDI
S. HRAIECH
G. JACQ
JB. LASCARROU
P. MICHEL
G. PITON
A. YOUSSOUFA