Recommandations internationales sur la prise en charge du sepsis et du choc septique : du neuf en 2016

08/07/2017
Auteur(s)
Texte

Domaines traités :

Prise en charge du sepsis et du choc septique

Sociétés concernées :

Society of Critical Care Medicine (SCCM) et European Society of Intensive Care Medicine (ESICM)

Méthodologie :

Méthode GRADE classique
59 experts des 2 sociétés
Recherche bibliographique « assistée par des bibliothécaires professionnels »
Mise à jour des questions PICO des recommandations 2012 et formulation de nouvelles questions propres à la version 2016
82 questions PICO pour 93 recommandations :

  • Si niveau d’évidence évaluable selon GRADE (présence de données dans la littérature) = recommandation forte (n=32) ou faible (n=39)
    • selon critères GRADE (degré de preuve, balance bénéfice/risque, accord experts, coût de la mesure)
    • si >75% de votants et plus de 80% d’accord
  • Si absence d’accord : absence de recommandation formalisée dans le texte (n=4)
  • Si pas de littérature suffisante pour GRADE = recommandation de bonne pratique (« Best practice statement ») (n=18)

Points forts :

  • méthodologie solide et très bien explicitée,
  • tableaux GRADE disponibles dans le supplementary material,
  • les questions n’ayant pas pu faire l’objet d’un accord sont reprises dans le texte,
  • remise en cause profonde et sérieuse des recommandations 2012 après revue de la littérature récente. Un tableau synthétique permet de comparer les recommandations historiques de 2012 aux nouvelles recommandations de 2016 (Appendix 2).

Limites :

  • les recommandations n’ont pas pu prendre en compte la nouvelle définition du sepsis.

 Recommandations :

Compte tenu du nombre très important de recommandations, nous détaillerons uniquement les recommandations spécifiques au sepsis/choc septique à sa phase aiguë.

RÉANIMATION INITIALE : Les recommandations concernant la réanimation initiale des patients en sepsis et en choc septique ont toutes été modifiées. L’Early-Goal-Directed-Therapy est abandonnée au profit des recommandations suivantes :

  1. Le sepsis et le choc septique sont des urgences médicales et les experts suggèrent que le traitement et la réanimation soient débutés immédiatement (recommandation de bonne pratique).
  2. Il faut administrer une expansion volémique d’au moins 30 mL/kg de cristalloïdes dans les 3 premières heures (recommandation forte, niveau de preuve faible).
  3. Les experts suggèrent après l’expansion volémique initiale que la poursuite de l’expansion volémique soit guidée par une réévaluation fréquente du statut hémodynamique (recommandation de bonne pratique).

Cette réévaluation inclut l’examen clinique et l’évaluation de paramètres physiologiques (fréquence cardiaque, pression artérielle, saturation artérielle en oxygène, fréquence respiratoire, température, diurèse, autres), mais aussi une surveillance non invasive ou invasive selon les disponibilités.

Il est intéressant de noter que la nature de ces derniers paramètres de surveillance invasive ou non invasive n’est pas précisée dans les recommandations.

  1. Les experts suggèrent une évaluation supplémentaire de l’état hémodynamique, en particulier de la fonction cardiaque, pour déterminer le type de choc si l’examen clinique ne permet pas un diagnostic clair (recommandation de bonne pratique).
  2. Il faut probablement utiliser des paramètres dynamiques plutôt que statiques pour évaluer la réponse à l’expansion volémique (recommandation faible, niveau de preuve faible).
  3. Il faut fixer un objectif initial de pression artérielle moyenne à 65 mmHg lorsque les vasopresseurs sont nécessaires (recommandation forte, niveau de preuve modéré).
  4. Il faut probablement conduire la réanimation afin de normaliser le lactate chez les patients ayant une hyperlactatémie, témoignant d’une hypoperfusion tissulaire (recommandation faible, niveau de preuve faible).

TRAITEMENT ANTIMICROBIEN

  1. Il faut initier un traitement antimicrobien intraveineux au plus vite, dans la première heure suivant le diagnostic de sepsis ou choc septique (recommandation forte, niveau de preuve modéré).
  2. Il faut utiliser un traitement empirique à large spectre comportant un ou plusieurs antimicrobiens couvrant l’ensemble des pathogènes suspectés (bactéries et potentiellement champignons et virus) (recommandation forte, niveau de preuve modéré).
  3. Les experts suggèrent que la posologie des antimicrobiens soit optimisée et basée sur leurs propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques (recommandation de bonne pratique).

 CONTRÔLE DE LA PORTE D’ENTRÉE

  1. Les experts suggèrent que la nécessité d’un contrôle urgent de la porte d’entrée infectieuse soit identifiée ou exclue le plus rapidement possible chez les patients en sepsis ou choc septique, et qu’une intervention permettant le contrôle de la porte d’entrée infectieuse soit mise en œuvre du point de vue médical et logistique le plus rapidement possible après le diagnostic (recommandation de bonne pratique).
  2. Les experts suggèrent le retrait rapide des dispositifs intra-vasculaires qui représentent une porte d’entrée possible d’un sepsis ou d’un choc septique après qu’un autre accès vasculaire a été mis en place (recommandation de bonne pratique).

EXPANSION VOLÉMIQUE

  1. Les experts suggèrent qu’une épreuve de remplissage vasculaire soit appliquée lorsque l’expansion volémique est poursuivie tant que les facteurs hémodynamiques s’améliorent (recommandation de bonne pratique).
  2. Il faut utiliser les cristalloïdes comme soluté de choix pour la réanimation initiale et l’expansion volémique ultérieure chez les patients en sepsis et en choc septique (recommandation forte, niveau de preuve modéré).
  3. Il faut probablement utiliser les cristalloïdes balancés ou du sérum salé pour l’expansion volémique des patients en sepsis ou choc septique (recommandation faible, niveau de preuve faible).
  4. Il faut probablement utiliser l’albumine en association aux cristalloïdes pour la réanimation initiale et l’expansion volémique ultérieure chez les patients en sepsis et en choc septique, lorsque les patients nécessitent un volume important de cristalloïdes (recommandation faible, niveau de preuve faible).
  5. Il ne faut pas utiliser les hydroxyéthylamidons pour l’expansion volémique des patients en sepsis ou en choc septique (recommandation forte, niveau de preuve élevé).
  6. Il faut probablement utiliser des cristalloïdes plutôt que des gélatines pour la réanimation des patients en sepsis ou choc septique (recommandation faible, niveau de preuve faible).

 TRAITEMENTS VASOACTIFS

  1. Il faut utiliser la noradrénaline comme vasopresseur de première intention (recommandation forte, niveau de preuve modéré).
  2. Il faut probablement ajouter soit la vasopressine (jusqu’à 0,03 U/min) (recommandation faible, niveau de preuve modéré) soit l’adrénaline (recommandation faible, niveau de preuve modéré) pour diminuer la posologie de noradrénaline.
  3. Il faut probablement n’utiliser la dopamine comme vasopresseur alternatif à la noradrénaline que chez des patients très sélectionnés (par exemple, les patients ayant un faible risque de tachyarythmie et une bradycardie relative ou absolue) (recommandation faible, niveau de preuve faible).
  4. Il ne faut pas utiliser de faible dose de dopamine pour la protection rénale (recommandation forte, niveau de preuve élevé).
  5. Il faut probablement utiliser la dobutamine chez les patients qui présentent des signes d’hypoperfusion persistants malgré une expansion volémique adéquate et l’utilisation de vasopresseurs (recommandation faible, niveau de preuve faible).

Remarque : si elle est initiée, la posologie doit être titrée selon un objectif reflétant la perfusion et doit être réduite ou arrêtée en cas d’aggravation de l’hypotension ou d’arythmies.

  1. Il faut probablement qu’un cathéter artériel soit inséré dès que possible chez tous les patients nécessitant des vasopresseurs (recommandation faible, niveau de preuve faible).

CORTICOTHÉRAPIE

Il ne faut probablement pas utiliser l’hydrocortisone IV au cours du choc septique si l’expansion volémique et les vasopresseurs permettent de restaurer une stabilité hémodynamique. Si celle-ci n’est pas atteinte, il faut probablement utiliser l’hydrocortisone IV à 200 mg/j (recommandation faible, niveau de preuve faible).

ANTICOAGULANTS

Il ne faut pas utiliser l’antithrombine dans le traitement du sepsis et du choc septique (recommandation forte, niveau de preuve modéré).