Score prédictif de retour à une activité cardiaque spontanée stable en préhospitalier : pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

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Caputo ML, Baldi E, Burkart R et al. Validation of Utstein-Based score to predict return of spontaneous circulation (UB-ROSC) in patients with out-of-hospital cardiac arrest. Resuscitation 2024; 197: 110113.

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 Question évaluée

Validation de l’ « Utstein-Based score to predict return of spontaneous circulation » (UB-ROSC), score multiparamétrique précédemment décrit par les mêmes auteurs, évaluant la probabilité d’un retour à une activité cardiaque spontanée (RACS) et de la survie à l’admission à l’hôpital des patients victimes d’un arrêt cardiaque extra hospitalier (ACEH). Ce score repose  uniquement sur des données préhospitalière simples collectées selon les recommandations d’Utstein (sexe, âge, étiologie suspectée de l’ACEH, lieu de survenue de l’ACEH, présence d’un témoin, massage cardiaque par le témoin, rythme initial choquable ou non, délai entre la survenue de l’ACEH et l’arrivée des premiers secours).

(Le calcul du score est accessible sur https://www.sanmatteo.org/site/home/ub-rosc-score.html)

Type d’étude

Étude de validation, rétrospective observationnelle multicentrique.

Population étudiée

Inclusion des patients adultes inscrits dans deux registres prospectifs (SWISSRECA, Suisse ; Lombardia CARe, Italie) d’ACEH survenus entre janvier 2019 et décembre 2021. Étaient exclus de l’analyse les patients déclarés décédés avant l’arrivée des secours, ceux pour lesquels une tentative de réanimation cardiopulmonaire (RCP) n’avait pas été engagée par les secouristes à l’arrivée de l’équipe médicale, et ceux ayant exprimé une opposition à être réanimés.

Méthode

Les variables immédiatement accessibles aux équipes de secours utilisées pour calculer le score UB-ROSC ont été récupérées dans les deux registres afin de déterminer le score de chaque patient inclus. Trois groupes de patients ont été définis en fonction de leur score UB-ROSC déterminant une probabilité de RACS stable à l’admission à l’hôpital faible (score £ -19), moyenne (score entre -18 et 12), ou haute (³ 13).

L’ensemble des données étaient comparées entre groupes de patients (comparaison entre les deux registres, et comparaison par groupes de probabilité de RACS stable à l’admission). Cette dernière variable a ensuite été intégrée comme une variable indépendante pour calculer sa spécificité et sa sensibilité en la comparant au devenir réel des patients.

Résultats essentiels

Parmi les 22794 patients inclus dans les deux registres durant la période analysée, le score UB-ROSC a pu être calculé chez 11904 patients (52%). Les patients du registre suisse en comparaison du registre italien étaient plus jeunes (âge médian 70 [58–79] Vs 78 [66–86] ans, p<0,001), avec un ACEH survenant plus fréquemment dans un lieu public (37 Vs 17%, p<0,001), et avec plus de rythmes initiaux choquables (31 Vs 14%, p<0,001). Un RACS est survenu chez 2719 patients (22%) et le taux de RACS observé était plus élevé en Suisse qu’en Italie (31 Vs 14%, p<0,001).

Le score UB-ROSC avait un pouvoir de discrimination similaire dans les deux registres (AUROC Suisse 0,67 ; IC95 [0,65–0,68] Vs AUROC Italie 0,71 ; IC95 [0,69–0,73]). Dans l’ensemble, le score UB-ROSC montrait une bonne discrimination (AUROC 0,71 ; IC95 [0,70–0,72]. La sensibilité et la spécificité du modèle de prédiction d’un RACS stable étaient de 10% et 99% respectivement. Les valeurs prédictives positive et négative étaient de 85 et 78%, respectivement.

Pour des valeurs de score UB-ROSC £ -19, seuls 10% des patients présentaient un RACS, augmentant à 36% pour un score entre -18 et 12 (OR 5,0 ; IC95 [2,9–8,6], p<0,001), et à 85% pour un score ³ 13 (OR 49,4 ; IC95 [14,3–170,6], p<0,001).

Les patients avec les scores UB-ROSC les plus faibles (£ -19) étaient significativement plus âgés (âge médian 80 [68–87] ans), 52% ont présenté un ACEH sans témoin, 83% sont survenus dans un lieu privé, et 99% d’entre eux ont présenté un rythme initial non choquable. En comparaison, les patients aves les scores UB-ROSC les plus élevés (³ 13) étaient plus jeunes (âge médian 62 [53–71] ans), 58% avaient présenté un ACEH survenu dans un lieu public, et 99% en présence d’un témoin et ayant bénéficié d’un choc électrique externe.

Commentaires

Les auteurs soulignent que l’UB-ROSC est un score opérationnel pour évaluer la probabilité de RACS après un ACEH. Il a été conçu en utilisant des variables simples, basées sur les recommandations d’Utstein, permettant ainsi un calcul très facile du score et de la probabilité correspondante de RACS. L’étude montre, dans une large cohorte d’ACEH, que ce score a une excellente capacité de discrimination et peut être potentiellement utilisé sur le terrain pour soutenir la poursuite de la RCP. Ces connaissances sont importantes pour les ambulanciers paramédicaux, les équipes préhospitalières, mais également les familles des victimes d’ACEH. D’autres scores ont été proposés comme l’ACLS, aidant à stratifier la probabilité de survie pendant la RCP en cours et utilisant des variables similaires (1). Mais sa performance n’est pas comparable, car le score ACLS prédit la survie à la sortie de l’hôpital, tandis que le modèle UB-ROSC prédit un RACS persistant à l’admission hospitalière. Parmi les autres modèles prédictifs de RACS décrits, le RACA développé à l’aide d’un registre allemand, est l’un des scores les plus fréquemment utilisé (2). Mais les auteurs soulignent que contrairement à l’UB-ROSC, le RACA n’a pas été conçu comme un outil de prédiction pour faciliter les décisions de RCP en préhospitalier. Le RACA permet de comparer les études menées dans différentes communautés et cohortes, servant “d’indicateur de qualité” des différents systèmes de secours médicaux d’urgence. En utilisant des variables basées sur les données simples à récupérer, l’UB-ROSC surmonte deux limitations majeures du score RACA : 1) la nécessité de reclasser les variables incluses dans les registres Utstein avant de calculer le score ; 2) le biais potentiel résultant de la surestimation d’un RACS stable en incluant les patients présentant un RACS transitoire.

Points forts
  • Étude de validation du score UB-ROSC réalisée sur un échantillon de population conséquent, à partir de deux registres de deux organisations de secours différentes, montrant ainsi son potentiel de reproductibilité.
  • Score facilement calculable, utilisant des paramètres simples et récupérables par tout intervenant.
Points faibles
  • On peut regretter que les auteurs aient utilisés les mêmes registres ayant servi pour créer le score même s’ils n’ont pas inclus les patients précédemment sélectionnés.
  • S’agissant d’un score prédictif de RACS, il serait probablement intéressant d’inclure la prise en compte des GASP, dont on connait la valeur pronostic positive (3).
Implications et conclusions

L’UB-ROSC est un score simple à calculer, permettant d’estimer la probabilité d’un RACS stable. Il ne doit cependant pas être considéré comme un score de limitation de la réanimation d’un arrêt cardiaque.  

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RÉFÉRENCES

  1. Eisenberg M., Hallstrom A., The B.L., ACLS score. : Predicting survival from out-of-hospital cardiac arrest. JAMA 1981; 246: pp. 50-52.
  2. Gräsner J.T., Meybohm P., Lefering R., et. al.: German Resuscitation Registry Study Group. ROSC after cardiac arrest–the RACA score to predict outcome after out-of-hospital cardiac arrest. Eur Heart J 2011; 32: pp. 1649-1656.
  3. Zhao L, Li C, Liu B, Wang M, et al. The association of gasping and outcome, in out of hospital cardiac arrest: A systematic review and meta-analysis. Resuscitation 2015; 97:7-12
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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Commenté par Dr Marc Fournier (SAMU 83 / Urgences adultes), Dr Jonathan Chelly (Réanimation Polyvalente – DRCI du GHT 83), Centre Hospitalier Intercommunal Toulon La Seyne sur mer.

L'auteur ne déclare pas de conflit d'intérêt en lien avec cet article.

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