Survivre au purpura fulminans c’est possible, ne pas être amputé c’est plus compliqué

24/01/2019
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reactu-Ssurvivre purpura fulminans
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Clinical spectrum and short-term outcome of adult patients with purpura fulminans: a French multicenter retrospective cohort study.
Contou D, Sonneville R, Canoui-Poitrine F, et al. pour le Hopeful Study Group
Intensive Care Med. 2018 Sep;44(9):1502-1511

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Question évaluée

Evaluer le taux d’amputation de membres et la mortalité à la phase précoce du purpura fulminans, et identifier des facteurs prédictifs de ces complications.

Type d’étude

Observationnelle, rétrospective (de 2000 à 2016), multicentrique (55 réanimations françaises).

Population étudiée

Patients majeurs admis en réanimation présentant un purpura fulminans infectieux avec défaillance hémodynamique nécessitant l’introduction d’un support vasopresseur.

Les patients présentant un purpura fulminans d’étiologie non infectieuse ou dans un contexte d’endocardite infectieuse étaient exclus.

Méthode

Les données ont été collectées par les investigateurs de chaque centre, anonymisées et envoyées à l’investigateur principal. Les informations recueillies étaient des données démographiques, les comorbidités, l’examen clinique, les résultats biologiques et microbiologiques, les mesures thérapeutiques et les scores de gravité (SAPS II et SOFA).

Critère de jugement principal : la mortalité hospitalière et le nombre d’amputations durant la période de suivi.

Résultats essentiels

Au total, 306 patients ont été inclus dans cette étude, soit 0,3 patient par année et par centre durant la période de l’étude.

Il s’agissait de patients jeunes (âge moyen de 34 ans) et en bonne santé (69% n’avaient aucune comorbidité connue). Seuls 20% des patients présentaient une raideur méningée.

Les deux principaux microorganismes étaient Neisseria meningitidis (63,7%) et Streptococcus pneumoniae (21,9%).

La mortalité hospitalière s’élevait à 41,2%. Les facteurs associés à la mortalité étaient le score SAPS II, une thrombopénie, une leucopénie et la lactatémie artérielle, tandis que la raideur méningée était protectrice.

Parmi les survivants, 28,3% ont subi au moins une amputation durant leur hospitalisation ou dans les 30 jours suivant leur retour à domicile, avec une médiane de 3 membres amputés par patient. Les facteurs associés à un risque accru d’amputation étaient une température plus élevée, une infection à S. pneumoniae et l’hyperlactatémie artérielle.

Commentaires

Cette étude porte sur les patients présentant un purpura fulminans associé à un état de choc septique. Les patients présentant uniquement une méningite à méningocoque avec purpura sans défaillance hémodynamique étaient exclus. La mortalité retrouvée dans cette étude est de fait élevée (41%) et concorde avec les résultats d’autres études de plus faibles effectifs (1). Le purpura fulminans reste une pathologie particulièrement grave, notamment dans une population jeune et sans antécédent notable.

La symptomatologie neurologique n’est pas systématique. Seuls 20% des patients présentaient une raideur méningée. Cinquante-cinq pour cent des patients ont eu une ponction lombaire (45% de méningites confirmées). L’absence de symptômes neurologiques ne doit donc pas faire éliminer le diagnostic de purpura fulminans. Par ailleurs, la présence d’un tel « tableau neurologique » semble être un facteur favorisant la survie (2). Ceci est peut-être lié au fait que la raideur méningée est interprétée par le clinicien comme un signe de gravité et incite probablement à une prise en charge plus rapide.

Comme établi pour le choc septique, l’administration précoce de bêta-lactamines (avant l’admission en réanimation) est un facteur associé à une moindre mortalité en analyse univariée (3).  L’hyperlactatémie et la profondeur de la thrombopénie (traduisant la sévérité de la CIVD) constituent des marqueurs pronostiques.

Neisseria meningitidis est le microorganisme le plus fréquemment mis en évidence dans le purpura fulminans (63%), qu’il s’agisse du sérotype B (39%) ou C (34%). S. pneumoniae est associé à un risque plus élevé d’amputations de membres. A ce jour, il n’est pas établi si ce risque est lié au pathogène en lui-même ou à la population différente (âge moyen de 49 ans pour S. pneumoniae vs. 24 ans pour N. meningitidis). S. pneumoniae est retrouvé préférentiellement chez les patients aspléniques et constitue une cause fréquente de choc septique dans cette population (4).

Points forts
  • Etude épidémiologique multicentrique sur une longue période pour une pathologie rare.
  • Grand nombre de patients.
Points faibles
  • Etude rétrospective.
  • Longue période d’inclusion donc hétérogénéité de prise en charge au cours des années.
  • Pas de données concernant les doses de vasopresseurs utilisées et les agents ayant pu impacter la formation de microthromboses (antiagrégants plaquettaires, prostanoides, etc…).
  • Pas de données concernant l’antibiothérapie (dose, type).
  • Pas de données concernant la profondeur de la CIVD.
  • Pas de précision concernant l’amputation de membre (nombre, côté, type, reprises) et conséquences fonctionnelles.
Implications et conclusions

Cette étude souligne la particulière gravité du purpura fulminans avec une mortalité dans presque la moitié des cas et des séquelles fonctionnelles importantes chez les survivants. Le tableau neurologique n’est présent que chez un patient sur 5.

Au vu d’un tel pronostic, la recherche d’un purpura chez les patients fébriles semble être une priorité afin de poser un diagnostic précoce et de débuter une prise en charge adaptée. Comme pour tout choc septique, l’antibiothérapie est une urgence.

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Conflit d'intérêts

Article commenté par le Dr C. Poussardin et le Dr J. Helms, Réanimation médicale NHC, CHRU de Strasbourg, France.

Le Dr C. Poussardin et le Dr J. Helms déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt.
Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions l’auteur (julie.helms@chru-strasbourg.fr ) ou à la CERC.

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Liens utiles

1. Lerolle N, Carlotti A, Melican K, Aubey F, Pierrot M, Diehl J-L, et al. Assessment of the Interplay between Blood and Skin Vascular Abnormalities in Adult Purpura Fulminans. Am J Respir Crit Care Med. 7 août 2013;188(6):684-92.
2. Hazelzet JA. Diagnosing meningococcemia as a cause of sepsis. Pediatr Crit Care Med. 1 mai 2005
3. Sørensen HT, Nielsen GL, Schønheyder HC, Steffensen FH, Hansen I, Sabroe S, et al. Outcome of Pre-hospital Antibiotic Treatment of Meningococcal Disease. J Clin Epidemiol. 1 sept 1998;51(9):717-21.
4. Theilacker C, Ludewig K, Serr A, Schimpf J, Held J, Bögelein M, et al. Overwhelming Postsplenectomy Infection: A Prospective Multicenter Cohort Study. Clin Infect Dis. 1 avr 2016;62(7):871-8.

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CERC

JB. LASCARROU (Secrétaire)
SD. BARBAR
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