Vasopresseurs dans le choc post arrêt cardiaque : une pharmacie pleine de Noradrénaline

02/12/2022
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Article ICM
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Epinephrine versus norepinephrine in cardiac arrest patients with post-resuscitation shock.
Bougouin, W., Slimani, K., Renaudier, M. et al. 
Intensive Care Med 48, 300–310 (2022). https://doi.org/10.1007/s00134-021-06608-7

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Question évaluée

Existe-t-il une molécule à privilégier entre la Noradrénaline et l’Adrénaline en cas de choc post-arrêt cardiaque nécessitant une administration continue de vasopresseurs ?

Type d’étude

Analyse rétrospective d’une cohorte multicentrique prospective

Population étudiée

Patients de plus de 18 ans admis vivant en réanimation après la survenue d’un arrêt cardiaque extrahospitalier de cause cardiaque et présentant un choc post-arrêt cardiaque défini par la nécessité d’administration de vasopresseurs pendant plus de 6 heures malgré une volémie optimisée.

Méthode

Après exclusion des patients en arrêt cardiaque réfractaire, sous ECMO et/ou recevant les deux vasopresseurs en même temps, analyse de l’association entre le type de vasopresseur reçu (Noradrénaline ou Adrénaline) et d’une part la mortalité hospitalière (critère de jugement principal) et d’autre part le pronostic fonctionnel à la sortie de l’hôpital (selon le score Cerebral Performance Category – CPC – dichotomisé entre bon (1-2) et mauvais (3-5) pronostic). Ajustement par régression logistique, et réalisation d’un score de propension.

Résultats essentiels

De mai 2011 à mai 2018, 766 patients ont été inclus dans 5 centres français, 481 (63%) traités par Noradrénaline et 285 (37%) par Adrénaline. Le groupe recevant la Noradrénaline présentaient des caractéristiques significativement favorable (durée de réanimation jusqu’à la récupération d’une activité cardiaque spontanée, proportion de rythme choquable, pH, interventions hospitalières - coronarographie, contrôle ciblé de la température,…). L’administration d’Adrénaline était associée à une mortalité hospitalière supérieure (OR=3.1[2.2-4.4]) y compris après ajustement sur les facteurs connus pour influencer le devenir patients avec arrêt cardiaque extra-hospitalier (aOR=2.6 [1.4-4.7]), ainsi qu’à un pronostic fonctionnel défavorable à la sortie de l’hôpital (CPC 3-5, aOR=3[1.6-5.7]). La surmortalité était confirmée dans les différentes analyses de sensibilité, après ajustement par un score de propension ainsi que dans toutes les analyses en sous-groupe. Cette surmortalité semblait liée à une majoration des récurrences d’arrêt cardiaque (7% vs 2%, P<0.001) ainsi qu’à la mortalité de cause cardiovasculaire.

Commentaires

Alors qu’il existe de larges études randomisées multicentriques ayant évalué cette question dans le cadre du choc septique comme souligné par les auteurs, il n’existait jusqu’à présent que des données parcellaires pour le choc post-arrêt cardiaque bien qu’il s’agisse d’un évènement fréquent (jusqu’à 50% des patients admis vivant dans les séries françaises (1,2)). Les résultats de cette nouvelle analyse du registre du Centre d’Expertise Mort Subite sont claires et renforcent la recommandation actuelle d’éviter l’Adrénaline (3). Le signal observé sur la mortalité de cause cardiovasculaire est similaire au signal observé dans OPTIMA-CC (4).  Néanmoins, il est important de souligner que l’objectif de pression artérielle moyenne visé est également en cours d’investigation : alors que le seuil visé dans l’étude était de 65 mmHg, ce seuil fait actuellement l’objet d’un débat et plusieurs études randomisées sont en cours sur le sujet. Ainsi, il est possible (mais peu probable) que les conclusions puissent être différentes avec un seuil différent (par exemple 80 mmHg) (5). Le choix d’un objectif minimal pour tous les patients est encore éloigné de la médecine personnalisée promue actuellement. La détermination du seuil d’autorégulation cérébrale étant probablement un objectif intermédiaire important dans cette population de patients neurolésés (6). L’interaction entre le seuil de PAM visé et les molécules utilisées pour l’atteindre nécessiterait d’être étudié à grande échelle.

Points forts
  • Cohorte prospective avec recueil de données exhaustif et rigoureux
  • Multiples analyses de sensibilité confirmant le résultat principal
Points faibles
  • Critère de jugement précoce (sortie d’hôpital) en regard des recommandations actuelles (1 mois à minima)
  • Absence de données sur l’utilisation de Dobutamine notamment dans le groupe Noradrénaline ainsi que de données sur l’évaluation du débit cardiaque au cours du temps (action inotrope positive de l’Adrénaline)
  • Absence de randomisation
  • Absence d’évaluation des autres vasopresseurs actuellement disponible (vasopressine (NCT04591990), angiotensine 2)
Implications et conclusions

Après arrêt cardiaque, si un patient nécessite l’administration de vasopresseurs, il faut privilégier la Noradrénaline en premier choix.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Jean-Baptiste Lascarrou, Service de Médecine Intensive Réanimation, CHU de Nantes, France.

L'auteur déclare les liens suivants : 

  • Rémunération pour des conférences, incluant des services techniques de secrétariat : BD ; ZOLL
  • Frais de déplacement / d'hébergement / de réunion sans rapport avec les activités : BD ; ZOLL

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions à l'auteur (Jeanbaptiste.lascarrou@chu-nantes.fr) et/ou à la CERC.

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Références

  • Temporal trends in the use of targeted temperature management after cardiac arrest and association with outcome: insights from the Paris Sudden Death Expertise Centre.
    Lascarrou JB, Dumas F, Bougouin W, Chocron R, Beganton F, Legriel S, et al.
    Crit Care. 2019 Dec 3;23(1):391.
  • Targeted Temperature Management for Cardiac Arrest with Nonshockable Rhythm.
    Lascarrou JB, Merdji H, Le Gouge A, Colin G, Grillet G, Girardie P, et al.
    N Engl J Med. 2019 Dec 12;381(24):2327–37.
  • European Resuscitation Council and European Society of Intensive Care Medicine guidelines 2021: post-resuscitation care.
    Nolan JP, Sandroni C, Böttiger BW, Cariou A, Cronberg T, Friberg H, et al.
    Intensive Care Med. 2021 Apr 1;47(4):369–421.
  • Epinephrine Versus Norepinephrine for Cardiogenic Shock After Acute Myocardial Infarction.
    Levy B, Clere-Jehl R, Legras A, Morichau-Beauchant T, Leone M, Frederique G, et al.
    J Am Coll Cardiol. 2018 Jul 10;72(2):173–82.
  • Neurofilament light as an outcome predictor after cardiac arrest: a post hoc analysis of the COMACARE trial.
    Wihersaari L, Ashton NJ, Reinikainen M, Jakkula P, Pettilä V, Hästbacka J, et al.
    Intensive Care Med. 2020 Aug 27.
  • Association of deranged cerebrovascular reactivity with brain injury following cardiac arrest: a post-hoc analysis of the COMACARE trial.
    Laurikkala J, Aneman A, Peng A, Reinikainen M, Pham P, Jakkula P, et al.
    Crit Care Lond Engl. 2021 Sep 28;25(1):350.
Texte

CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
G. FOSSAT
S. GOURSAUD
N. HEMING
T. KAMEL
G. LABRO
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
L. POIROUX
A. ROUZÉ
V. ZINZONI