Après une épreuve de ventilation spontanée : 1 heure pour tout récupérer !

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Rémi Coudroy, & Col, Physiological Effects of Reconnection to the Ventilator for 1 Hour Following a Successful Spontaneous Breathing Trial, Chest 2024 Jan 29:S0012-3692(24)00130-2.

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 Question évaluée :

Pour réduire le risque d’échec d’extubation en réanimation, la réalisation d’une épreuve de ventilation spontanée (EVS) préalable est recommandée

Type d’étude :

Il s’agit d’une étude ancillaire physiologique monocentrique de l’essai contrôlé randomisé TIP-EX.

Population étudiée :

La population étudiée était les patients de réanimation ventilés plus de 24h, à haut risque d’échec d’extubation (âge > 65 ans et/ou pathologie respiratoire ou cardiaque chronique sous-jacente), ayant réussi une EVS et ayant été extubés après 1 heure de reconnexion au ventilateur dans le cadre de l’étude TIP-EX.

Méthode :

Les patients présentant des critères de sevrabilité étaient inclus dans l’étude TIP-EX et randomisés en 2 groupes avant la réalisation de la première EVS :

  • EVS en ventilation spontanée avec faible niveau d’aide inspiratoire et absence de PEP (ZEEP)
  • Pièce en T

Les patients étaient extubés le plus précocement possible après leur premier succès d’EVS et après avoir été systématiquement reconnectés au ventilateur pendant 1 heure avec les mêmes paramètres que ceux réglés par le clinicien avant l’EVS.

Les patients inclus dans le centre de Poitiers étaient inclus dans l’étude physiologique ancillaire. Toutes les mesures étaient réalisées dès la première EVS suivant l’inclusion et répétées si nécessaire à chaque EVS jusqu’au premier succès.

Le volume pulmonaire de fin d’expiration (EELV) était mesuré par la technique modifiée du lavage de l’azote (Nitrogen washout/washin (5)) et moyenné sur 3 mesures avant l’EVS, à la fin de l’EVS et après 10min et 1h de reconnexion au ventilateur.

Un enregistrement de tomographie par impédance électrique (EIT) était également réalisé pendant toute la durée de l’étude physiologique (de 10min avant l’EVS jusqu’à 1h après la reconnexion) pour permettre une analyse régionale des changements d’impédance pulmonaire de fin d’expiration (EELI).

L’objectif principal était de comparer l’EELV à la fin d’une EVS réussie avec l’EELV 1h après la reconnexion au ventilateur chez tous les patients et selon le type d’EVS réalisée.

Résultats essentiels :

25 patients ayant réussi une EVS ont été inclus dans l’étude physiologique, 11 dans le bras pièce en T (75% de succès à la première EVS) et 14 dans le bras ZEEP (94% de succès à la première EVS). Les patients étaient représentatifs de l’étude TIP-EX avec un âge médian de 71 ans [67-75 ans], de sexe masculin et intubés pour insuffisance respiratoire aiguë dans la majorité des cas. Ils étaient ventilés en médiane depuis 8 jours [4-13 jours] avant l’enregistrement physiologique. A noter que la durée de l’EVS était plus longue dans le groupe ZEEP que dans le groupe pièce en T (65 min [61-70 min] vs 60 min [60-62 min]; p = 0.011).

L’EELV médian était de 1938 mL [1370-2514 mL] avant l’EVS, sans différence entre les 2 groupes. A la fin de l’EVS, le dérecrutement était évalué à 1305 mL [1074-1703 mL], avec une réduction plus importante dans le groupe pièce en T que dans le groupe ZEEP (–43% [95% CI, –51 to –35] vs – 20% [95% CI, –26 to –13]; p < 0.001).

Après 1h de reconnexion au ventilateur, la quasi-totalité de volume dérecruté pendant l’EVS était récupérée avec un EELV à 96% [95% CI, 92-101] de sa valeur pré-EVS, sans différence selon le type d’EVS réalisée.

En revanche, la récupération était plus rapide après une ZEEP puisqu’après 10 min de reconnexion, l’EELV était de 89% [95% CI, 82-96] de sa valeur pré-EVS dans le groupe pièce en T versus 100% [95% CI, 94-107] dans le groupe ZEEP (p=0.023).

L’analyse régionale par l’EIT montrait par ailleurs une meilleure homogénéisation de la répartition de l’EELI après 1h de reconnexion dans le groupe ZEEP par rapport au groupe pièce en T.

Commentaires :
Points forts :

Il s’agit d’une étude physiologique bien construite, avec l’utilisation d’une méthode validée pour l’évaluation du volume pulmonaire de fin d’expiration (5). Elle apporte une explication crédible et renforce la probabilité d’un bénéfice clinique (3,4) de la reconnexion au ventilateur avant l’extubation après une EVS réussie chez les patients à haut risque d’échec d’extubation. En effet, cette étude met en évidence pour la première fois le dérecrutement induit par l’EVS et sa compensation par la reconnexion au ventilateur.

Points faibles :

Il s’agit d’une étude physiologique, monocentrique, avec un petit effectif, n’ayant pas pour objectif de mettre en évidence un bénéfice clinique de la reconnexion au ventilateur.

Il est dommage que l’EIT n’ait pas été utilisée pour évaluer le dérecrutement induit par l’extubation. Il n’est pas certain que la diminution du taux d’échec d’extubation avec 1h de reconnexion observée dans certaines études cliniques (3) soit exclusivement expliquée par la correction du dérecrutement induit par l’EVS. En effet, on peut imaginer que l’extubation en elle-même va rapidement s’accompagner d’une diminution de l’EELV, à moins que celle-ci soit compensée par l’utilisation de la VNI prophylactique en post-extubation.

Cette étude ne concerne que les patients à haut risque d’échec d’extubation avec une durée de ventilation préalable de 8 jours en médiane. Il est possible que les effets physiologiques (et l’intérêt clinique (4)) soient différents chez des patients à faible risque ventilés moins longtemps ou en cas de réalisation d’une EVS avec maintien d’une PEP.

Implications et conclusions :

En conclusion, une EVS sans PEP s’accompagne systématiquement d’une diminution significative du volume pulmonaire de fin d’expiration (dérecrutement) mais qui est totalement récupéré après 1h de reconnexion au ventilateur, voir un peu plus rapidement après une ZEEP.

Comme pour toute étude physiologique, les implications cliniques directes sont limitées. Néanmoins, cette étude vient renforcer le bénéfice clinique de la reconnexion post-EVS démontré dans une étude (3) mais débattu du fait de la négativité d’une étude ultérieure (4), au moins chez les patients à haut risque d’échec. Ce d’autant plus qu’il s’agit finalement d’une pratique non coûteuse, sans risque a priori pour le patient et compatible avec l’organisation d’une extubation dans la « vraie vie » (le temps de réunir le matériel et le personnel nécessaire à l’extubation, il se passe rarement moins d’une heure entre l’EVS et l’extubation !).  

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 Références cités dans les commentaires:

  1. Burns KEA, Rizvi L, Cook DJ, Lebovic G, Dodek P, Villar J, et al. Ventilator Weaning and Discontinuation Practices for Critically Ill Patients. JAMA. 2021;325(12):1173‑84.
  2. Thille AW, Gacouin A, Coudroy R, Ehrmann S, Quenot JP, Nay MA, et al. Spontaneous-Breathing Trials with Pressure-Support Ventilation or a T-Piece. N Engl J Med. 2022;387(20):184354.
  3. Fernandez MM, González-Castro A, Magret M, Bouza MT, Ibañez M, García C, et al. Reconnection to mechanical ventilation for 1 h after a successful spontaneous breathing trial reduces reintubation in critically ill patients: a multicenter randomized controlled trial. Intensive Care Med. 2017;43(11):16607.
  4. Dadam MM, Gonçalves ARR, Mortari GL, Klamt AP, Hippler A, Lago JU, et al. The Effect of Reconnection to Mechanical Ventilation for 1 Hour After Spontaneous Breathing Trial on Reintubation Among Patients Ventilated for More Than 12 Hours: A Randomized Clinical Trial. Chest. 2021;160(1):14856.
  5. Chiumello D, Cressoni M, Chierichetti M, Tallarini F, Botticelli M, Berto V, et al. Nitrogen washout/washin, helium dilution and computed tomography in the assessment of end expiratory lung volume. Crit Care Lond Engl. 2008;12(6):R150.
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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Commenté par Anne-Fleur Haudebourg, Médecine Intensive Réanimation, CHU Henri Mondor, Créteil.

L'auteur ne déclare pas de conflit d'intérêt en lien avec cet article.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position des auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

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CERC

G. LABRO (Secrétaire)
S. BOURCIER
A. BRUYNEEL
C. DUPUIS
S. GENDREAU
S. GOURSAUD
G. FOSSAT
N. HIMER
T. KAMEL
O. LESIEUR
A. ROUZÉ
V. ZINZONI