Un coup de pression avec moins de stress

22/04/2025
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Texte

Mauri T, Grieco DL, Spinelli E, Leali M, Perez J, Chiavieri V, Rosà T, Ferrara P, Scaramuzzo G, Antonelli M, Spadaro S, Grasselli G. Personalized positive end-expiratory pressure in spontaneously breathing patients with acute respiratory distress syndrome by simultaneous electrical impedance tomography and transpulmonary pressure monitoring: a randomized crossover trial. Intensive Care Med. 2024 Dec;50(12):2125-2137. doi: 10.1007/s00134-024-07695-y.

PMID: 39527121; PMCID: PMC11588931.

Texte
Question évaluée :

Les auteurs posent la question du bénéfice physiologique du réglage de la pression expiratoire positive, chez des patients en ventilation spontanée avec aide inspiratoire (VSAI) ayant un SDRA, selon une nouvelle méthode de titration associant la pression œsophagienne et la tomographie par impédance électrique (EIT).

Type d’étude : 

Etude physiologique prospective, multicentrique (3 réanimations en Italie), randomisée, en cross over.

Population étudiée :

Patients adultes avec un SDRA ventilés en ventilation spontanée avec aide inspiratoire, ayant un RASS entre -2 et 0.

Exclusion des patients BPCO, ayant des besoins en oxygène importants (FiO2> 80%), instables hémodynamiquement, ou ayant des contre-indications à la pose d’une ceinture d’EIT ou une sonde œsophagienne.

Méthode :

Comparaison de deux niveaux de pression expiratoire positive (PEP) :

  • Réglée selon le bras bas de la classique table PEP/FiO2 (ARDSnet) : PEEP TABLE
  • Réglée selon le meilleur compromis entre surdistension et collapsus : PEEP EIT-∆PL :

Pour la déterminer, les patients étaient équipés d’une sonde de pression œsophagienne et d’une ceinture d’EIT. Puis on réalisait une titration décrémentielle de PEP entre 18 et 4 cmH2O par paliers de 2 cmH2O. A chaque palier la P0.1 et la ΔPocc (variation de pression lors de l’occlusion télé-expiratoire) étaient recueillies. Toutes ces étapes étaient enregistrées pour être analysées à postériori.

Pour chaque niveau de PEP, le pourcentage de collapsus et de surdistension était calculé selon le même principe que lors d’une titration de PEP en ventilation contrôlée, mais en remplaçant, dans les calculs de compliance, la pression motrice du système respiratoire (habituellement utilisée) par la pression transpulmonaire dynamique (∆PLdyn), afin de prendre en compte la pression générée par les muscles respiratoires.

∆PLdyn = pression transpulmonaire inspiratoire maximale – pression transpulmonaire expiratoire

Protocole :

Les patients étaient ventilés à chaque niveau de PEP ainsi déterminé dans un ordre aléatoire et les critères de jugement étaient mesurés au bout de 20 minutes.

Critères de jugement :

  • Mécanique respiratoire : Volume courant (Vt), Fréquence respiratoire (FR), Ventilation minute (Vm), ΔPLdyn, VT / ΔPLdyn, PL End-EXP
  • Quantification de l’effort et du drive respiratoire : Pression inspiratoire maximale (Pmus), Produit Temps Pression des muscles inspiratoire (PTPmus), P0.1, ΔPocc
  • Mesures EIT : % de collapse et surdistension, % de pixels recrutés par rapport à la PEP la plus basse (4cmH2O), Pendelluft régional, compliance dynamique régionale, recrutabilité
  • Gaz du sang
  • Constantes
Résultats essentiels :
  1. patients ont été inclus.
  • Aucun patient n’avait la même PEP selon les deux méthodes. La PEEP EIT-∆PL était significativement plus élevée que la PEEP TABLE : 10 [8–12] cmH2O versus 8 [5–10] cmH2O PEEP/FiO2 (p=0.021). Toutefois la PEEP EIT-∆PL était inférieure à la PEEP TABLE chez 11 (37%) patients.
  • La PEEP EIT-∆PL était associée à moins de stress dynamique (∆PLdyn) (−1.7 [ −2.64 ; −0.73] cmH2O; p < 0.001) et à une diminution du travail respiratoire (PTPmus : −35.2 [95% CI: −50.7 to −19.7] cmH2O·s/ min; p< 0.001). Ces diminutions étaient expliquées par une diminution du drive et de l’effort respiratoire, en lien avec l’amélioration de la mécanique respiratoire (amélioration de la compliance régionale dynamique du poumon avec un effet plus marqué en antérieur). Les patients qui bénéficiaient le plus de cette stratégie de réglage de la PEP étaient ceux avec la plus grande recrutabilité.
  • Régler la PEP avec la stratégie PEEP EIT-∆PL permettait un recrutement supérieur (+ 4.1 [−0.02 to + 8.6] %; p = 0.06) menant à significativement moins de collapsus (−8.5 [ −14.4 to −2.5] %; p = 0.007), sans augmenter la surdistension alvéolaire.
  • Il n’y avait pas d’effet significatif de l’une ou l’autre des stratégies sur les échanges gazeux, la fréquence respiratoire et l’hémodynamique.
  • L’IMC des patients n’entrainait pas de réponse différente aux 2 stratégies.
Commentaires :

Dans cette étude portant sur des patients atteints d’un SDRA ventilés en VSAI, régler la PEP selon le meilleur compromis entre collapsus et surdistension diminuait le stress, l’effort respiratoire, et augmentait le recrutement alvéolaire sans augmenter la surdistension.

Points forts :
  • Méthode innovante, déjà validée dans une étude précédente (1) et qui utilise le principe de titration déjà bien connu à l’aide de l’EIT. Elle permet de comparer le collapsus et la surdistension entre les 2 niveaux de PEP chez des patients en VSAI.
  • Résultats cohérents avec ceux déjà décrits dans la littérature.
  • Etude originale, avec une analyse physiologique extensive permettant d’expliquer les résultats observés.
  • Etude multicentrique.
Points faibles :
  • Cette méthode de calcul des compliances dynamiques régionales ne tient pas compte du gradient de pression pleurale entre les zones dépendantes et non dépendantes. La pression motrice transpulmonaire dynamique peut donc ne pas être un bon reflet du lung stress.
  • Ces résultats ne sont pas extrapolables à tous les patients : emphysémateux, BPCO, asthmatiques décompensés.

Chaque étape est assez courte : 20 minutes, il serait intéressant de savoir si cet effet est toujours présent à plus long terme.

  • Petit effectif de 30 patients.
  • L’EIT fournit une image limitée à une section transverse du parenchyme pulmonaire, ce qui ne permet pas d’appréhender l’ensemble de l’hétérogénéité régionale du poumon.
  • Peu pragmatique. Cette méthode, bien que très intéressante sur le plan physiologique, ne peut pas être effectuée dans tous les centres car elle nécessite du matériel coûteux (EIT) et une expertise (EIT et sonde œsophagienne).
  • Dans l’optique de simplifier la procédure, et puisque les deux critères mis en avant par les auteurs (PTPmus et ∆PLdyn) sont accessibles sans EIT, il aurait été intéressant d’évaluer si une titration de PEEP ciblant une minimisation de ces paramètres permettait d’aboutir à une PEEP similaire à la PEEP EIT-∆PL.
  • Cette étude ne permet pas de déterminer s’il existe un bénéfice cliniquement pertinent à cette stratégie.
Implications et conclusions :

Chez les patients ayant un SDRA en VSAI optimiser la PEP avec une méthode basée sur le compromis entre collapsus et surdistension, a un impact sur la mécanique respiratoire, notamment sur le lung stress pouvant les préserver du VILI/P-SILI.

Des travaux sont à réaliser pour identifier des moyens plus pragmatiques permettant d’optimiser la PEP sans avoir recours à des techniques peu accessibles.


Références cités dans les commentaires:

  1. Slobod and al, Integrating electrical impedance tomography and transpulmonary pressuremonitoring to personalize PEEP in hypoxemic patients undergoing pressure support ventilation. Crit Care 2022

CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article Commenté par Pascale Labedade, réanimation médicale, CHU Henri Mondor,Créteil.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

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CERC

G. LABRO (Secrétaire)
S. BOURCIER
A. BRUYNEEL
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S. GOURSAUD
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