Les enfants et les écrans… c’est plutôt mieux pour l’intubation !

30/09/2021
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A propos de l’usage de vidéolaryngoscopes pour l’intubation
des enfants de moins de 1 an au bloc opératoire.

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Article Lancet
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First-attempt success rate of video laryngoscopy in small infants (VISI): a multicentre, randomised controlled trial.
Annery G Garcia-Marcinkiewicz, Pete G Kovatsis, Agnes I Hunyady, Patrick N Olomu, Bingqing Zhang, Madhankumar Sathyamoorthy, et al.
The Lancet, 2020.

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Question évaluée

L’usage d’un vidéolaryngoscope au bloc opératoire réduit-il le taux d’échec d’intubation au premier essai et les complications associées à l’intubation chez l’enfant de moins de un an sans élément prédictif d’une intubation difficile ?

Type d’étude

Essai randomisé ouvert en blocs, avec stratification par site (4 hôpitaux aux US et 1 en Australie), et par degré d’expérience de l’anesthésiste (sénior, fellow, résident).

Population étudiée

Enfant de moins de 1 an, sans antécédent ou facteur prédictif d’intubation difficile. Chirurgie programmée non-cardiaque.

Méthode

Les conditions d’anesthésie sont précisées, notamment les patients recevaient tous un curare à l’induction. Les complications recueilles étaient dichotomisées en complications mineures (échec d’intubation, hypoxémie modérée >80%, bronchospasme, laryngospasme, trauma mineur des voies aériennes supérieures), ou sévères (désaturation <80%, intubation œsophagienne,  arrêt cardiaque, saignement laryngé). L’effectif de l’échantillon était choisi afin d’être en mesure de démontrer un bénéfice du vidéolaryngoscope de 10% supplémentaires de succès au premier essai d’intubation (critère de jugement principal), sur la base d’un taux de succès au premier essai par laryngoscopie estimé à 84%, soit 270 patients par groupe. Le modèle d’analyse (analyse de risque) était ajustée pour les variables inhérentes au patient (âge gestationnel, poids, classe ASA..) et au praticien (institution, expérience, et nombre de patients pris en charge dans la cadre de l’étude).

Résultats essentiels

282 patients par groupe ont été inclus. Au total, 90% des patients étaient intubés au premier essai, 88% dans le groupe laryngoscopie et 93% dans le groupe vidéolaryngoscopie (p=0.024). Il n’était pas mis en évidence de différences en termes de complications mineures, mais une différence en terme de complications majeures, portant uniquement sur l’incidence d’une intubation oesophagienne (3% contre moins de 1%, p=0.028). Par ailleurs, le nombre de repositionnements du matériel était plus fréquent dans le groupe vidéolaryngoscope (37% vs 45% P =0.042). Enfin la nécessité d’une application de pression cricoïdienne pour faciliter l’exposition était moins fréquemment utilisée dans le groupe vidéolaryngoscopie (16% vs 31%, p=0.008). L’analyse de sous-groupe ne retrouvait pas de différence parmi les praticiens (résident, fellow, sénior), mais retrouvait un intérêt particulier à l’usage du vidéolaryngoscope chez les patients de petit poids (moins de 6.5 kg).

Commentaires

L’étude démontre de façon extrêmement rigoureuse l’intérêt de l’usage du vidéolaryngoscope en première intention chez le petit enfant. Cette étude vient confirmer l’intérêt de ce type de laryngoscope en première intention en pédiatrie, comme cela avait été rapporté en néonatologie1. L’intérêt est d’ailleurs d’autant plus important pour les plus petits des nourrissons inclus de cette étude. En plus de l’intérêt pédagogique déjà bien décrit2, l’usage du vidéolaryngoscope améliore le taux de succès au premier essai et semble diminuer l’incidence d’intubation œsophagienne.

Points forts

essai randomisé construit afin de démontrer un bénéfice significatif en faveur du vidéolaryngoscope, même si cette différence n’est que de 5% en terme de taux d’intubation au premier essai. Cet avantage ne s’accompagne pas d’une réduction évidente du taux de complication lié à l’intubation, en dehors de l’intubation œsophagienne. Il semble que les cliniciens en phase d’apprentissage (fellow) bénéficient encore plus de la technique (analyse post hoc), ce qui confirme encore l’intérêt pédagogique de ce type de dispositif.

Points faibles
  1. L’intubation œsophagienne est ici classée comme une complication majeure, pour la potentielle gravité qu’elle fait encourir, mais sans préciser si, par exemple, une désaturation y était associée (permettant de définir une complication mineure ou sévère par ailleurs).
  2. La généralisation des résultats pour des patients à risque de complications liées à l’intubation ne semble pas évidente : les patients non curarisés, les patients présentant des critères d’intubation difficile, des patients intubés dans un contexte de soins intensifs, pour lesquels on sait que le taux d’intubation au premier essai est plus faible et les complications plus fréquentes3,4. Une analyse de coût serait intéressante, considérant l’emploi de matériel à usage unique volontiers plus onéreux pour le moment.
  3. Evaluation des complications n’est pas réalisé directement par les investigateurs mais plutôt par les assistants de recherche
Implications et conclusions

Malgré les quelques limites évoquées, cette étude vient apporter des arguments pour une utilisation des techniques de vidéolaryngoscopie en première intention chez l’enfant, d’autant plus qu’il s’agisse d’un patient de petit poids et que l’opérateur est inexpérimenté. La généralisation à un contexte de réanimation pédiatrique va nécessiter de nouvelles études, même si cette évolution  est déjà en marche5.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par le Pierre Bourgoin, anesthésie et réanimation pédiatrique, CHU Nantes.

L'auteur déclare ne pas avoir de lien d'intérêt.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.
Envoyez vos commentaires/réactions à l'auteur (pierre.bourgoin@chu-nantes.fr) ou à la CERC.

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Références

  1. A randomized controlled trial: does coaching using video during direct laryngoscopy improve residents’ success in neonatal intubations?
    Volz S, Stevens TP, Dadiz R.
    J Perinatol. 2018;38(8):1074-1080. doi:10.1038/s41372-018-0134-7
  2. Learning endotracheal intubation using a novel videolaryngoscope improves intubation skills of medical students.
    Herbstreit F, Fassbender P, Haberl H, Kehren C, Peters J
    Anesth Analg. 2011;113(3):586-590. doi:10.1213/ANE.0b013e3182222a66
  3. Incidence and associated factors of difficult tracheal intubations in pediatric ICUs: a report from National Emergency Airway Registry for Children: NEAR4KIDS.
    Graciano AL, Tamburro R, Thompson AE, Fiadjoe J, Nadkarni VM, Nishisaki A.
    Intensive Care Med. 2014;40(11):1659-1669. doi:10.1007/s00134-014-3407-4
  4. Routine videolaryngoscopy is likely to improve skills needed to use a videolaryngoscope when laryngoscopy is difficult.
    Kelly FE, Cook TM.
    Br J Anaesth. 2017;119(4):842-843. doi:10.1093/bja/aex309
  5. Experts’ guidelines of intubation and extubation of the ICU patient of French Society of Anaesthesia and Intensive Care Medicine (SFAR) and French-speaking Intensive Care Society (SRLF) : In collaboration with the pediatric Association of French-speaking Anaesthetists and Intensivists (ADARPEF), French-speaking Group of Intensive Care and Paediatric emergencies (GFRUP) and Intensive Care physiotherapy society (SKR).
    Quintard H, l’Her E, Pottecher J, et al.
    Ann Intensive Care. 2019;9(1):13. doi:10.1186/s13613-019-0483-1