Impact d’un pop-up pharmaceutique lors des prescriptions médicamenteuses en unités de soins intensifs

12/09/2024
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The effect of computerised decision support alerts tailored to intensive care on the administration of high-risk drug combinations, and their monitoring: a cluster randomised stepped-wedge trial.

Tinka Bakker*, Joanna E Klopotowska*, Dave A Dongelmans, Saeid Eslami, Wytze J Vermeijden, Stefaan Hendriks, Julia ten Cate, Attila Karakus, Ilse M Purmer, Sjoerd H W van Bree, Peter E Spronk, Martijn Hoeksema, Evert de Jonge, Nicolette F de Keizer, Ameen Abu-Hanna, on behalf of the SIMPLIFY study group. Lancet. 2024 Feb 3;403(10425):439-449.

doi: 10.1016/S0140-6736(23)02465-0. Epub 2024 Jan 20. PMID: 38262430.

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Question évaluée

Effet d’une alerte pharmaceutique ciblée en unité de soins intensifs / réanimation, sur la fréquence d’administration de combinaison de médicaments considérés comme à haut risque d’interaction.

Type d’étude

Etude prospective multicentrique

Population étudiée

Patients de plus de 18 ans,

Admis au sein unités de soins intensifs médicale et chirurgicale,

Dont la prescription se compose d’au moins deux thérapeutiques.

Méthode

Etude prospective multicentrique randomisée en cluster réalisée du 1er septembre 2018 au 1er septembre 2019 au sein de 9 unités de soins intensifs médicales et chirurgicales aux Pays Bas. Tous les services inclueurs devaient être équipés du même logiciel informatique (METAVISION ICU).

Deux phases : une phase contrôle où les prescriptions se déroulaient selon les habitudes du service, une seconde phase interventionnelle au cours de laquelle les prescripteurs recevaient des alertes pharmaceutiques informatisées « pop-up » jugées pertinentes pour les patients de réanimation.

Les alertes pharmaceutiques étaient générées par le système informatique MIM+ (Module interaction médicamenteuses) connectés à METAVISION.

MiM+ est un module d’analyse pharmaceutique composé d’un catalogue de 86 interactions médicamenteuses à haut risque. L’interaction médicamenteuse à haut risque était définie par la co-prescription de médicaments dont l’association augmente ou diminue l’effet thérapeutique ou provoque une toxicité ou un échec thérapeutique. L’analyse de la pertinence de l’alerte a fait l’objet d’une étude préliminaire.  

MiM+ étudiaient tous les médicaments administrés par voie systémique aux patients pendant la période de l’étude. Une alerte informatique étaient émise aux prescripteurs lorsqu’une interaction médicamenteuse était identifiée uniquement si le délai d’administration entre les molécules était inférieur ou égal à 24h.

Le critère de jugement principal était le nombre d’interactions médicamenteuses à haut risques identifiées pour 1000 médicaments administrés par patient au cours de la phase contrôle et interventionnelle.

Les critères de jugement secondaires étaient la durée moyenne de séjour en unité de soins intensifs et le nombre d’interactions médicamenteuses détectées ayant conduit à un monitorage adapté au risque identifié au cours des deux phases de l’étude.

L’analyse était réalisée en intention de traitée.

Résultats essentiels

9887 patients inclus et analysés. Dans le groupe interventionnel, les admissions de causes médicales et les patients ayant une BPCO étaient significativement plus nombreux que dans le groupe contrôle.

199 148 médicaments ont été prescrits, le nombre médian d’administrations de médicaments par patient était de 15 (IQR 10-24).

En moyenne, 34,9% des patients étaient exposés à au moins une combinaison de médicament à haut risque.

Les principales associations médicamenteuses à haut risque identifiées étaient :

  • Une combinaison de deux agents allongeant l'intervalle QT.
  • Une combinaison exposant au risque d’hémorragie gastro-intestinale : anti-inflammatoires stéroïdiens (AINS) et corticostéroïdes, AINS et agents sérotoninergiques, ou AINS et acide salicylique.

Le nombre moyen de co-prescriptions de médicaments à haut risque pour 1000 médicaments administrés par patients étaient de 35.6 (SD 65.0) dans le bras contrôle et de 26.2 (SD 53.4) dans le bras interventionnel. MiM+ a conduit à une réduction de 12% (IC 95%, 6 – 19%, p=0.0004) du nombre de combinaisons de médicaments à haut risque pour 1 000 médicaments administrés par patient (modèle non ajusté).

Ajusté sur   la comorbidité BPCO et le motif d’admission, l'intervention MiM+ a conduit à une réduction de 14% (8–20% ; p<0·0001) du nombre de combinaisons à haut risque pour 1 000 administrations par patient.

Ajusté sur l'âge, le sexe, le motif d’admission (maladies cardiovasculaires, immunodéficience) et le score APACHE, MiM+ a conduit à une réduction de 12% (5 – 18% p=0.0008) du nombre de combinaisons de médicaments à haut risque pour 1 000 administrations par patient

L’intervention MiM+ a entraîné une diminution de 6 à 10% de la durée du séjour en unité de soins intensifs, et une augmentation de 9 % du nombre de patients bénéficiant d’un monitorage adapté au risque d’interactions médicamenteuses.

Points forts

Il s’agit d‘une étude multicentrique randomisée en cluster au sein de 9 unités de soins intensifs.

Elle met en lumière les interactions médicamenteuses chez des patients fragilisés et amène à se questionner sur la iatrogénie découlant des prescriptions. Son originalité repose sur l’analyse de l’impact clinique d’une alerte informatisée ciblée pour sécuriser la prescription et améliorer la qualité des soins.

Points faibles

Mais elle ne permet pas de répondre intégralement à la question de l’impact clinique induit par l’alerte car il n’y a pas d’évaluation du nombre de co-administrations abandonnés après l’alerte pharmaceutique, ni d’analyse ou de quantification des effets secondaires médicamenteux observés au cours de l’étude.

Cette étude a été financée par le fournisseur du MIM+, la sélection des unités de soins intensifs dépendait d’une connexion au préalable au système METAVISION.

Implications et conclusions

En conclusion, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins en unité de soins intensifs passe par une vigilance accrue sur les interactions médicamenteuses lors de prescriptions. Ce système d’alerte informatisée semble perfectible. L’alerte informatique lors de la prescription peut être ignorée par le prescripteur (fermeture de la fenêtre) toutefois le pop-up assure une alerte 24h sur 24h et 7 jours sur 7 (1). L’optimisation de la qualité des soins en unité de soins intensifs tend vers une work team interprofessionnelle composée notamment d’un pharmacien clinicien qui assure une alerte pharmaceutique adaptée au tableau clinique du patient et questionne sur la pertinence de la prescription (2-3).

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RÉFÉRENCES

 

  1. Wantin Sribenjalux, et al. Insertion of a Clinical Pathway Pop-Up Window into a Computer-Based Prescription System: A Method to Promote Antibiotic Stewardship in Upper Respiratory Tract Infection. Antibiotics. 2021 Dec; 10(12): 1479.
  2. Li-Huei Chiang MSet al. Clinical pharmacy interventions in intensive care unit patients. Journal of clinical pharmacy and therapeutic. Aout 2020
  3. Eyup Can Polat  et al. The role of the clinical pharmacist in the prevention of drug-induced acute kidney injury in the intensive care unit Antibiotics (Basel). 2021 Dec; 10(12): 1479.
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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Commenté par Armelle Mathonnet, Médecine Intensive Réanimation, CHRU de Orléans France.

L'auteure ne déclare :

  • Subventions versées à l'institution par Aerogen Ltd, Fisher & Paykel, Open AI
  • Frais ou honoraires de consultation versés par l'institution par Aerogen Ltd, Fisher & Paykel,
  • Frais de déplacement pour assister à des réunions portant sur l'étude ou à d'autres fins versés par l'institution par Aerogen Ltd, Fisher & Paykel

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CERC

G. LABRO (Secrétaire)
S. BOURCIER
A. BRUYNEEL
C. DUPUIS
S. GENDREAU
S. GOURSAUD
G. FOSSAT
N. HIMER
T. KAMEL
O. LESIEUR
A. ROUZÉ
V. ZINZONI