
Leon M, Marco DN, Cubedo M, Gonzalez C, Guirao A, Canueto MC, et al. Comparing arterial catheterisation by palpation or ultrasound guidance by novice nurses in an adult intensive care unit: A prospective cohort study. Australian Critical Care (2024). doi:10.1016/j.aucc.2024.101135.
Question évaluée :
L'objectif de cette étude était d'évaluer les performances et les complications associées à deux techniques de cathétérisme de l’artère radiale utilisées par des infirmiers de soins intensifs : palpation (PP) et échoguidée (US) après formation.
Type d’étude :
Étude de cohorte prospective observationnelle, monocentrique.
Population étudiée :
- Patients inclus : 175 patients adultes admis dans une unité de soins intensifs de 13 lits d’un hôpital universitaire à Barcelone de mai 2018 à septembre 2020.
- Âge moyen : 67,5 ans.
- Sexe : 66 % d’hommes.
- Critères d’inclusion : Patients nécessitant une cathétérisation artérielle radiale.
- Critères d’exclusion : Test d’Allen anormal ou antécédents documentés de difficultés d’accès radial.
- Opérateurs : 41 infirmiers expérimentés en soins critiques (1 à 20 ans d’expérience), experts en technique de palpation mais novices en échographie.
Méthode :
L’étude s’est déroulée en 3 phases consécutives :
- Technique de palpation (7 mois) : les cathéters ont été insérés avec la méthode par palpation (inclusion de 89 patients)
- Enseignement de la technique échoguidée (3 mois) :
- Cours théorique de 3 heures sur l’utilisation de l’échographe.
- Une partie pratique sur des bras fantômes.
- Supervision en situation réelle avec validation après au moins 2 succès de pose avec échographie.
- Le nombre de succès de cathétérisme pour chaque opérateur a été noté avant la phase 3.
- Technique échoguidée (6 mois) :
- Cathétérisme réalisé avec échographe par les infirmiers formés (86 patients inclus).
L’artère radiale était choisie initialement pour la ponction après le test d’Allen. Si elle ne paraissait pas cathétérisable, l’artère fémorale était envisagée puis l’artère humérale.
Une anesthésie locale a été réalisée avec de la mepivacaïne pour les 2 groupes. La technique Seldinger a été utilisée pour les 2 groupes.
Dans le groupe palpation : le cathéter Vygon 18G a été utilisé. Dans le groupe échoguidée : Le rapport entre le diamètre du cathéter et la lumière du vaisseau devait rester inférieur à 44%.
Le temps de procédure a été défini par l’intervalle entre le moment où l’aiguille touche la peau du patient jusqu’à la connexion à la tête de pression avec visualisation de la courbe artérielle.
Critère de jugement principal : Taux de succès à la première tentative.
Critères d’évaluation secondaires : Durée de la procédure, nombre de tentatives, les taux de complications (hématome, infection, dysfonction du cathéter) et durabilité du cathéter.
Résultats essentiels :
175 patients ont été inclus : 89 dans le groupe palpation, 86 dans celui du guidage par échographie.
Le taux de succès à la première tentative, le temps de pose et le taux d’echec à la première ponction ne sont pas significativement différents entre les groupes :
- Taux de succès à la première tentative : 50,6 % (palpation) vs. 58 % (échographie) ; p = 0,39.
- Durée médiane de la procédure : 284 s (palpation) vs. 350 s (échographie) ; p = 0,44.
- Taux d’échec à la première ponction: 21,3 % (palpation) vs. 14 % (échographie) ; p = 0,28.
L’expérience des opérateurs différait considérablement entre les groupes (86% des opérateurs ayant plus de 10 insertions par palpation versus 65% des opérateurs ayant plus de 10 insertions échoguidées, p<0.001).
Il n’y a pas de différence significative concernant les complications de la pose ou la durabilité du cathéter :
-
- Hématome : 20,5 % (palpation) vs. 12 % (échographie), p = 0,21.
- Dysfonction du cathéter : 32 % (palpation) vs. 28 % (échographie), p = 0,37.
- Durabilité du cathéter : 8,3 jours (palpation) vs. 8,1 jours (échographie), p = 0,89.
- Accès brachial plus fréquent en échographie : 14,9 % vs. 2,9 %, p = 0,02.
Commentaires :
Cette étude met en évidence la faisabilité de l’échoguidage par des infirmiers en réanimation, mais elle ne permet pas de conclure à un bénéfice clair par rapport à la palpation.
Plusieurs limites méthodologiques, notamment un temps de formation trop court, le manque de puissance statistique, l'absence de randomisation et le design monocentrique, réduisent la portée des résultats.
L’augmentation de l’utilisation de l’échographie dans cette unité suggère un intérêt pour cette technique, mais son efficacité réelle reste à démontrer avec des études mieux structurées.
Points forts :
- Première étude ciblant les infirmiers en réanimation pour comparer ces deux techniques.
- Méthodologie rigoureuse, formation bien documentée.
- Suivi des complications précoces et tardives.
- Contexte réel de soins intensifs, augmentant la pertinence clinique.
Points faibles :
- Manque de puissance statistique, empêchant une réelle conclusion sur l’avantage de l’échographie.
- Différences d’expérience entre techniques (palpation vs échographie).
- Formation insuffisante, comparée à d’autres études préconisant 15 à 25 procédures avant validation.
- Absence de randomisation, augmentant le risque de biais.
Implications et conclusions :
L’étude met en évidence l’évolution des pratiques infirmières en Espagne avec l’introduction de l’échographie. Cependant, elle ne prouve pas un bénéfice clair du guidage échographique sur la palpation en termes de taux de succès ou de complications.
Perspectives pour les études futures :
- Renforcement de la formation : validation après un plus grand nombre de poses (idéalement 15 à 25 selon la littérature).
- Essais multicentriques randomisés pour minimiser les biais et améliorer la généralisation des résultats.
- Comparaison avec des opérateurs plus expérimentés en échographie pour mesurer l’impact de l’apprentissage.
- Évaluation du rapport coût-bénéfice, notamment en termes de temps de procédure et de complications.
L’échographie pour la pose de cathéters artériels en réanimation est prometteuse, mais son intégration dans la pratique infirmière nécessite des ajustements pour optimiser son efficacité.
CONFLIT D'INTÉRÊTS
Article commenté par Amélie BRUANT, Infirmière Coordinatrice en médecine intensive, GHSIF Melun, France.
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CERC
G. LABRO (Secrétaire)
S. BOURCIER
A. BRUYNEEL
C. DUPUIS
S. GENDREAU
S. GOURSAUD
G. FOSSAT
N. HIMER
T. KAMEL
O. LESIEUR
A. ROUZÉ
V. ZINZON