Oxygénothérapie : faut-il opter pour le haut débit ?

27/01/2021
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Texte

Des recommandations pour la pratique clinique concernant la place de l’oxygénothérapie nasale à haut débit dans la stratégie ventilatoire de l’adulte proposées par un groupe d’expert de l’ESICM ont été publiées dans Intensive Care Medicine.

Texte

The role for high flow nasal cannula as a respiratory support strategy in adults:
a clinical practice guideline

Rochwerg et al. Intensive Care Med 2020

 

Rôle de l’oxygénothérapie nasale à haut débit sans la stratégie du support ventilatoire de l’adulte :
recommandations pour la pratique Clinique

Domaines traités

  • Oxygénothérapie nasale à haut débit (OHD) dans quatre situations :
    • insuffisance respiratoire aiguë hypoxémique
    • période péri-intubation
    • période post-extubation
    • période post-opératoire

Sociétés concernées

  • Groupe PLUG (Pleural Pressure Working Group) de la société européenne de Médecine Intensive Réanimation (European Society of Intensive Care Medicine, ESICM)

Méthodologie

  • Méthode GRADE classique conduisant à deux niveaux de recommandation :
    • Recommandation forte : « We recommend »
    • Recommandation conditionnelle : « We suggest »
  • Groupe d’experts constitué de Médecins Intensivistes Réanimateurs, de pneumologues et de 5 méthodologistes cliniciens
  • Revue systématique de la littérature
    • réalisée par les méthodologistes avec l’aide d’un bibliothécaire
    • incluant des articles publiés en anglais entre le 01/01/2007 et le 01/11/2019
      • essais contrôlés randomisés comparant l’OHD à l’oxygénothérapie conventionnelle ou à la CPAP ou à la VNI
      • méta-analyses de qualité acceptable
      • études observationnelles (uniquement pour les questions narratives)
    • « outcomes » classés selon leur pertinence clinique
  • Identification des essais en cours sur les registres clinicaltrials.gov, controlled-trials.com, anzctr.org.au, and who.int/ictrp

Financement

Aucun

Conflits d’intérêt

Comité de gestion des conflits d’intérêt présidé par trois experts. Les experts ayant des COI financiers importants (≥ 5000 $) pouvaient participer à la discussion mais étaient exclus du vote et de l’élaboration des recommandations 

Points forts

  • La méthodologie est clairement décrite.
  • Les experts ont été exclus de l’élaboration des recommandations et du vote lorsqu’ils avaient des conflits d’intérêt financiers importants.
  • Les argumentaires sont très clairs. Les experts ont pris en compte les données concernant
    • Des « outcomes » cliniquement pertinents : mortalité, intubation, ré-intubation, majoration du support ventilatoire, durée de séjour en réanimation et à l’hôpital, dyspnée et confort du patient
    • Les effets secondaires potentiels de l’OHD
    • Les résultats des analyses coût-efficacité
  • Les tableaux GRADE sont  disponibles en supplément.
  • Les forest plots résultant des méta-analyses comparant OHD aux autres stratégies de ventilation en période post-extubation et post-opératoires sont disponibles en supplément.
  • Les questions n’ayant pas pu faire l’objet d’une recommandation faute de preuve dans la littérature sont rapportées dans le texte.
  • Des perspectives de recherche prioritaires sont décrites pour chacune des quatre situations évaluées.
  • Une revue narrative de la littérature est disponible en supplément et décrit :
    • les effets physiologiques de l’OHD
    • l’utilisation de l’OHD : 
      • au cours de procédures : fibroscopie bronchique, échocardiographie trans-oesophagienne, encho-endoscopie trans-oesophagienne et endoscopie digestive
      • aux urgences, en cas d’insuffisance respiratoire aiguë, d’inhalation de monoxyde de carbone, d’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique et d’insuffisance cardiaque,  l’utilisation de l’OHD
      • au cours de l’insuffisance respiratoire hypercapnique
      • au cours de l’insuffisance cardiaque congestive/OAP cardiogénique
      • dans le cadre d’une prise en charge palliative
      • dans les pays ayant des ressources limitées.

Points faibles

  • La force des recommandations n’est pas toujours corrélée au niveau de preuve. Néanmoins, les argumentaires explicitent clairement le processus décisionnel ayant conduit au choix de la force de chacune des recommandations.
  • L’insuffisance respiratoire aiguë hypoxémique n’est pas définie.

RECOMMANDATIONS

Insuffisance respiratoire aiguë hypoxémique

Les experts recommandent d’utiliser l’OHD plutôt que l’oxygénothérapie conventionnelle chez les patients présentant une insuffisance respiratoire aiguë hypoxémique (recommandation forte, niveau de preuve modéré).

Insuffisance respiratoire post-extubation

Les experts suggèrent d’utiliser l’OHD plutôt que l’oxygénothérapie conventionnelle après l’extubation pour les patients intubés depuis plus de 24 heures et à haut risque* (recommandation conditionnelle, niveau de preuve modéré).

Pour les patients qui recevraient habituellement de la VNI après l’extubation, les experts suggèrent de continuer à utiliser la VNI plutôt que l’OHD (recommandation conditionnelle, niveau de preuve faible).

* définition des patients à haut risque variable selon les études mais le plus souvent ≥ 1 facteur parmi les suivants : âge > 65 ans, insuffisance cardiaque congestive, BPCO modérée ou sévère, score APACHE 2 > 12, IMC > 30, problèmes de perméabilité des voies aériennes ou sécrétions importantes, sevrage ventilatoire difficile, ≥ 2 comorbidités, durée de ventilation mécanique > 7 jours.  

Période péri-intubation

Les experts ne font aucune recommandation concernant l’utilisation de l’OHD dans la période péri-intubation. Pour les patients recevant déjà de l’OHD, ils suggèrent de poursuivre l’OHD pendant l’intubation (recommandation conditionnelle, niveau de preuve modérée).

Période post-opératoire

Chez les patients à haut risque et/ou obèses subissant une chirurgie cardiaque ou thoracique, les experts suggèrent d’utiliser l’OHD plutôt que l’oxygénothérapie conventionnelle pour éviter l’insuffisance respiratoire aiguë dans la période post-opératoire immédiate (recommandation conditionnelle, niveau de preuve modérée).

Les experts suggèrent de ne pas utiliser d’OHD prophylactique pour éviter l’insuffisance respiratoire aiguë post-opératoire chez les autres patients (recommandation conditionnelle, niveau de preuve très faible).

* définition des patients à haut risque variable selon les études : score ARISCAT ≥ 26, obésité, antécédent cardiaque ou respiratoire