Peut-on arrêter immédiatement la VNI dès la normalisation du pH au décours d’une exacerbation hypercapnique de BPCO ?

29/03/2018
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Texte

Discontinuing noninvasive ventilation in severe chronic obstructive pulmonary disease exacerbations: a randomized controlled trial.
J. Sellares, M. Ferrer, A. Anton, et al.
Eur Respir J 2017;50:1601448

Texte

Question évaluée

Modalité de sevrage de la VNI au décours d’une exacerbation aiguë hypercapnique de BPCO (EAH-BPCO) nécessitant une admission en réanimation.

Type d’étude

Étude multicentrique, randomisée, comparant un sevrage immédiat de la VNI après normalisation du pH et un sevrage plus progressif avec poursuite initiale d’une VNI nocturne.

Population étudiée

Patients admis en Unité de Soins Intensifs Respiratoires (USIR) pour une EAH-BPCO ayant évoluée favorablement sous VNI.

Critères d’inclusion

EAH-BPCO définie par

  • Dyspnée modérée à sévère associée à polypnée (FR ≥ 25/mn) ou présence de signes de lutte ;

ET

  • pH < 7,35 ET PaCO2 > 45mmHg après instauration d’un traitement médical.
Évolution favorable définie par
  • Contrôle du facteur de décompensation ;
  • Absence d’insuffisance respiratoire aiguë mais persistance d’une hypercapnie (PaCO2>45mmHg) sans acidose après une séance de 4h d’arrêt de VNI.
Critères de non inclusion
  • Patients ayant une VNI à domicile ;
  • Incapacité de comprendre le protocole ;
  • Contre-indication habituelle de la VNI.
Méthodes

Les patients étaient éligibles si sous VNI le matin les GDS ne trouvaient pas d’acidose respiratoire et que l’investigateur considérait que le patient était stabilisé.

En cas de bonne tolérance de 4h sans VNI et une hypercapnie persistante sans acidose, les patients étaient randomisés en 2 bras 1:1 (sevrage immédiat de la VNI ou poursuite initiale d’une VNI nocturne).

Dans le bras poursuite d’une VNI nocturne :

  • Absence de VNI la journée avec oxygénothérapie simple ;
  • VNI nocturne en continue si possible pendant 3 nuits consécutives ;
  • Arrêt de la VNI nocturne après 3 jours.

Dans les 2 bras, l’instauration de VNI était autorisée en cas de survenue d’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique (IRAH).

Le critère de jugement principal était le taux d’IRAH à J8 de la randomisation.

Résultats essentiels

Sur 2 périodes, entre décembre 2007 et juillet 2009 puis entre décembre 2013 et décembre 2014, 120 patients ont été randomisés ; 59 dans le bras arrêt immédiat de la VNI et 61 dans le bras poursuite d’une VNI nocturne.

Les patients inclus étaient bien équilibrés dans les 2 bras de randomisation avec un âge médian de 71 ans et un VEMS médian entre 35 et 40% de la théorique.

À l’admission, le pH médian était identique dans les 2 bras (7,29) et la capnie médiane d’environ 70 mmHg avec une réserve alcaline de 33 mmol/L.

La durée médiane de VNI avant la randomisation était 2 jours dans les 2 bras.

À la randomisation, la capnie médiane était de 58mmHg dans le bras arrêt immédiat et de 55mmHg dans le bras VNI nocturne.

La principale cause d’exacerbation était une infection (50%).

Critère de jugement principal

La survenue d’une IRAH à J8 était identique dans le bras arrêt immédiat de la VNI et dans le bras VNI nocturne (17% vs 13%, P= 0,5).

Critères de jugements secondaires

La durée médiane de séjour en USIR état significativement plus courte dans le bras arrêt immédiat de la VNI (4j vs 5j P=0,036). En revanche, les durées d’hospitalisation, la mortalité hospitalière, le taux de ré-hospitalisation à 6 mois étaient comparables dans les 2 bras.

Commentaires

Dans cette étude multicentrique, les auteurs s’intéressent aux modalités de sevrage de la VNI au décours d’EAH-BPCO. Contrairement au sevrage de la ventilation invasive, peu d’études ont étudié le sevrage de la VNI et certaines recommandations préconisent un sevrage progressif en privilégiant la poursuite initiale de la VNI nocturne sans niveau de preuve élevé (1).

Dans cette étude, la poursuite initiale d’une VNI nocturne n’a pas d’incidence sur la survenue d’une récidive à J8 d’IRAH par rapport à un sevrage immédiat. Ce résultat intéressant est néanmoins à confronter à plusieurs réserves concernant cette étude :

  • Le déroulement de l’étude sur 2 périodes à 4 ans d’intervalle est plutôt inhabituel et il aurait été légitime de justifier les raisons de ce design ;
  • La définition du critère principal de jugement est étonnante dans le texte puisque l’hypercapnie ne semble pas indispensable à ce qui est intitulé « récidive de l’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique à J8 » ;
  • L’incidence du critère principal de jugement est nettement inférieure dans le groupe sevrage immédiat de la VNI à celui prédit dans le calcul d’effectif (17% VS 23%) conférant un défaut de puissance statistique aux résultats observés ;
  • Il est regrettable que les auteurs n’aient pas détaillé les modalités de VNI dans les 2 bras avant la randomisation (dose journalière de VNI, niveau de Pression inspiratoire et de PEEP).

Les auteurs concluent ainsi que la VNI peut être directement arrêtée dès qu’une stabilisation clinique et une normalisation du pH sont obtenues. Cette attitude semble en effet ne pas avoir de conséquence à court terme et permettre de raccourcir les durées de séjours en réanimation ou USIR. Il convient de rester plus prudent sur l’impact sur le plus long terme de la poursuite de la VNI chez les patients BPCO demeurant hypercapniques à distance d’une exacerbation. Une étude récente trouve ainsi que l’instauration d’une VNI à domicile chez ces patients diminuent le critère composite ré-hospitalisation ou décès à 6 mois (2).

Points forts
  • Étude randomisée multicentrique ;
  • Question pertinente et pratique.
Points faibles
  • Taux d’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique inférieur au taux prédit ;
  • Dose de VNI avant sevrage et précision du traitement médical associé non précisé dans chaque bras de randomisation.
Implications et conclusions

Cette étude multicentrique montre que la poursuite de VNI pendant 3 nuits après stabilisation clinique et normalisation du pH d’une EAH-BPCO ne diminue pas la survenue de récidive d’IRAH à J8 et rallonge la durée d’hospitalisation en USIR.

La place précise de la VNI chez les patients demeurant hypercapniques à distance de l’EA-BPCO reste néanmoins à déterminer ; plusieurs études récentes montrent ainsi un bénéfice à l’instauration chez ces patients d’une VNI de domicile (2,3).

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Conflit d'intérêts

Article commenté par le Dr Benjamin Zuber, Réanimation Médico-Chirurgicale, CH de Versailles, France. 

L’ auteur ne déclare aucun conflit d’intérêt. Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.

Envoyez vos commentaires/réactions à l’auteur (bzuber@ch-versailles.fr) ou à la CERC.

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Liens utiles

  1. British Thoracic Society Standards of Care Comitte. Non-invasive ventilation in acute respiratory failure Thorax 2002; 57:192-211.
  2. Murphy PB, Rehal S, Arbane G et al. Effect of home non-invasive ventilation with oxygen therapy vs oxygen therapy alone on hospital readmission or death after an acute COPD exacerbation. JAMA 2017; 317(21): 2177-2186.
  3. Kohnlein T, Windisch W, Kohler D et al. Non-invasive positive pressure ventilation for the treatment of severe stable chronic obstructive pulmonary disease: a prospective, multicenter, randomized, controlled clinical trial. Lancet Respir Med 2014; 2: 698-705.
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CERC

G. MULLER (Secrétaire)
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