Pneumothorax spontané primitif complet : TO DRAIN OR NOT TO DRAIN ?

21/01/2021
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Article New England
Texte

Conservative versus Interventional Treatment for Spontaneous Pneumothorax.
Brown et al.
NEJM 2020 - doi: 10.1056/NEJMoa1910775 [1]

Texte

Question évaluée

Une prise en charge conservatrice d’un premier épisode de pneumothorax spontané primitif complet est-elle une option thérapeutique aussi efficace et acceptable que la mise en place d’un drain thoracique ?

Type d'étude

L’étude PSP (Primary Spontaneous Pneumothorax) est un essai randomisé, prospectif, en ouvert, de non infériorité, multicentrique, réalisé sur 39 hôpitaux (Nouvelle-Zélande et Australie) entre juillet 2011 et mars 2017.

Population étudiée
Critères d’inclusion
  • Âge 14 - 50 ans
  • PSP unilatéral
  • 32% à la radiographie de thorax (Méthode de Collins [2]) 
Critères de non-inclusion
  • Antécédent de PSP homolatéral
  • Pneumothorax secondaire
  • Hémothorax associé
  • Pneumothorax bilatéral
  • Pneumothorax « sous-tension » (choc)
  • Grossesse
  • Suivi impossible à la sortie
  • Voyage en avion planifié dans les 12 semaines
Méthode

Etude randomisée en groupes parallèles. Tous les patients recevaient un traitement antalgique à la demande et une oxygénothérapie en cas de désaturation avec SpO2 < 92% en air ambiant.

Groupe interventionnel

Drainage thoracique (calibre 12 Fr) selon la méthode de Seldinger, sans aspiration initiale.

Radiographie de thorax à H+1 :

  • En l’absence de ré-expansion pulmonaire à H1, mise en aspiration du système de drainage et hospitalisation
  • En cas de ré-expansion pulmonaire et sans bullage du système de drainage, clampage du drain (fermeture du robinet) et réévaluation radiographique à H+4.

À H4, si le poumon est accolé à la paroi et le patient stable, retrait du drain et retour à domicile ; si le poumon est non ré-expandu, mise en aspiration du système et hospitalisation.

Groupe conservateur

Pas de drainage initial, surveillance clinique et radiographie de contrôle à H4 :

  1. Pneumothorax stable à H4 sans oxygénothérapie et déambulation confortable sans douleur intense, retour à domicile avec une prescription d’antalgique et des instructions spécifiques.
  2. Majoration du pneumothorax à la radiographie à H4 ou apparition d’une instabilité hémodynamique, d’une dégradation respiratoire, d’une dyspnée ou d’une douleur à la mobilisation, d’une analgésie incomplète ou du refus du patient d’une prise en charge conservatrice, décision d’une hospitalisation associée éventuellement à un drainage thoracique (à l’appréciation du clinicien).

Dans les 2 groupes, suivi rapproché clinique et radiographique à H24, H72, S2, S4 et S8 pour une évaluation des symptômes, de l’analgésie, de la satisfaction de la prise en charge (questionnaires) et de l’évolution du pneumothorax et/ou des rechutes

Ensuite, évaluation des récidives à M6 et M12 par suivi téléphonique et sur recherche de dossiers médicaux.

Le critère de jugement principal était la résolution radiologique complète à S8 (médecin clinicien).

Les critères de jugements secondaires étaient : la ré-expansion pulmonaire totale (2 radiologues indépendants), le délai de résolution des symptômes, les récidives de pneumothorax, les évènements indésirables, la durée de séjour hospitalier pendant les 8 premières semaines, le nombre de procédures invasives, de radiographie et de fuites persistantes, la durée des arrêts de travail et la satisfaction du patient de la prise en charge (1 question).

Dans l’hypothèse d’une marge absolue de non-infériorité de 9%, de 20% de cross over et/ou de perdus de vue, 342 patients devaient être inclus (risque alpha à 5% et une puissance à 95%).

Résultats essentiels

316 patients ont été randomisés sur 2637 patients screenés, 154 dans le groupe interventionnel et 162 dans le groupe conservateur.

Les caractéristiques démographiques et cliniques des patients étaient similaires entre les deux groupes. La taille moyenne des PSP (selon Collins) était d’environ 65% dans les 2 groupes.

Parmi les 154 patients du groupe interventionnel, 6,5% n’ont pas eu de drainage thoracique (refus du patient).

Parmi les 162 patients du groupe conservateur, 15,4% ont eu un drainage thoracique en raison de l’intensité des symptômes (dyspnée ou douleurs), d’un hémothorax, d’une anxiété ou d’un délai de résolution jugé trop long. 

La résolution radiologique à S8 (critère de jugement principal) a été observée pour 98,5% des patients du groupe interventionnel vs 94,4% dans le groupe conservateur (différence de risque -4.1%, IC95% [-8.6-0.5] ; p=0.02 pour la non-infériorité) ; les données rattrapées à S9 été similaires. Cependant, en tenant compte des données manquantes à S8, les résultats n’étaient plus en faveur du traitement conservateur pour le critère de jugement principal par rapport au groupe interventionnel (82.5% vs 93.5% respectivement).  

Concernant les critères de jugement secondaires, il n’y avait pas de différence significative sur la résolution des symptômes à S8 dans le groupe conservateur (94.6%, médiane 14 jours) vs groupe interventionnel (93.4%, médiane 15.5 jours). La durée moyenne d’hospitalisation était de 1.6 jours et la durée d’arrêt de travail de 6 jours dans le groupe conservateur (vs 6.1 et 10.9 jours respectivement dans le groupe interventionnel).

La récidive à 1 an était plus fréquente dans le groupe interventionnel (16,8%) que dans le groupe conservateur (8,8%).

Les effets secondaires étaient plus fréquents dans le groupe interventionnel (26.6% vs 8%, RR 3.32, IC95% [1.85-5.95], essentiellement lié à la pose du drain (hémothorax, infections, instabilité hémodynamique ou respiratoire lors de la pose).

Commentaires

Il s’agit d’une première étude randomisée pour une pathologie fréquente et pour laquelle la prise en charge reste très hétérogène. La question du drainage est un point central et il existe peu d’études concernant le seuil de décollement indiquant un drainage et la pertinence de ce geste invasif.

Les recommandations américaines anciennes [3] préconisent la réalisation d’un drainage thoracique en cas de pneumothorax > 3 cm (de l’apex à la base) chez un patient stable cliniquement, avec si possible la mise en place d’une valve de Heimlich. Si le pneumothorax n’est pas rapidement ré-expandu, l’aspiration est préconisée.

Les recommandations britanniques de 2010 [4] proposent une approche plus conservatrice. En cas de pneumothorax > 2 cm) et/ou associée à une dyspnée, une exsufflation à l’aiguille est proposée, puis un retour à domicile en cas succès (décollement < 2cm et amélioration respiratoire) avec une réévaluation clinique dans les 2 à 4 semaines.

Ces recommandations et d’autres données démontrent l’hétérogénéité des pratiques [5], mais laissent toutefois une place libre aux choix du clinicien et du patient à condition qu’une surveillance puisse être appliquée. Une approche alternative est de réaliser un drainage uniquement en cas de retentissement clinique significatif. Il existe des données physiologiques et des données anciennes (cohorte historique) suggérant qu’un traitement conservateur pourrait être envisagé [6, 7]. Les résultats de l’étude de Brown et al. semblent aller dans ce sens.

Dans cette étude, le traitement conservateur a permis d’éviter 85% de drainage et ainsi une hospitalisation, des complications liées à la pose du drain, des interventions chirurgicales. On observait également moins de récidives de pneumothorax à distance dans ce même groupe sans que les facteurs associés aux récidives soient ici discutés (tabagisme). (3)

Les résultats de cette étude montrent qu’une prise en charge moins voire non invasive peut être discutée pour un PSP complet avec un résultat non-inférieur au drainage. L’analyse de la démarche thérapeutique du groupe interventionnel est également intéressante car la prise en charge est plus courte que les pratiques habituelles observées puisqu’une ablation du drain était possible dès H4 [8]. 

Points fort
  • Thématique : pathologie fréquente
  • Randomisation en 1:1 stratifiée sur le centre
  • Multicentrique, prospective
  • Effectifs des 2 groupes
  • Apporte des arguments supplémentaires pour une prise en charge moins voire non invasive
Points faibles
  • Preuve statistiquement fragile
  • Biais d’évaluation : en ouvert, évaluation par les cliniciens
  • Biais de suivi : délai de survenue d’une récidive
  • Biais de recueil : seuil de symptômes différent pour consulter entre les deux groupes
  • Violation de protocole : gestion des données manquantes non prévue dans le protocole, le plan d’analyse statistique ne spécifiait pas la fenêtre pour la visite de S8
Implications et conclusions

Aucune étude randomisée n’avait comparé ces deux types de stratégies thérapeutiques. Les recommandations et la pratique clinique nous ont fait envisager la stratégie invasive comme étant la seule possible dès lors que le décollement pulmonaire était modéré à large. Cette étude nous suggère qu’une stratégie moins ou non invasive peut être envisagée en cas de PSP.

Des recommandations françaises sur cette thématique sont en cours d’élaboration et devraient nous éclairer.

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Commenté par Myriam Lamamri (Interne 5ème semestre DES-AR) et le Dr. Alexis FERRE (Service de Réanimation médico-chirurgicale et Unité de Surveillance Continue, CH de Versailles, Le Chesnay, France)

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cette REACTU.

Le contenu des fiches REACTU traduit la position de leurs auteurs, mais n’engage ni la CERC ni la SRLF.
Envoyez vos commentaires/réactions à l’auteur (aferre@ch-versailles.fr) ou à la CERC.

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LIENS UTILES

 

  1. Brown SGA, Ball EL, Perrin K, et al (2020) Conservative versus Interventional Treatment for Spontaneous Pneumothorax. N Engl J Med 382:405–415. https://doi.org/10.1056/NEJMoa1910775
  2. Collins CD, Lopez A, Mathie A, et al (1995) Quantification of pneumothorax size on chest radiographs using interpleural distances: regression analysis based on volume measurements from helical CT. AJR Am J Roentgenol 165:1127–1130. https://doi.org/10.2214/ajr.165.5.7572489
  3. Baumann MH, Strange C, Heffner JE, et al (2001) Management of spontaneous pneumothorax: an American College of Chest Physicians Delphi consensus statement. Chest 119:590–602. https://doi.org/10.1378/chest.119.2.590
  4. MacDuff A, Arnold A, Harvey J, BTS Pleural Disease Guideline Group (2010) Management of spontaneous pneumothorax: British Thoracic Society Pleural Disease Guideline 2010. Thorax 65 Suppl 2:ii18-31. https://doi.org/10.1136/thx.2010.136986
  5. Bintcliffe OJ, Hallifax RJ, Edey A, et al (2015) Spontaneous pneumothorax: time to rethink management? Lancet Respir Med 3:578–588. https://doi.org/10.1016/S2213-2600(15)00220-9
  6. Simpson G (2010) Spontaneous pneumothorax: time for some fresh air. Intern Med J 40:231–234. https://doi.org/10.1111/j.1445-5994.2009.02155.x
  7. Stradling P, Poole G (1966) Conservative management of spontaneous pneumothorax. Thorax 21:145–149. https://doi.org/10.1136/thx.21.2.145
  8. Broaddus VC (2020) Clearing the Air - A Conservative Option for Spontaneous Pneumothorax. N Engl J Med 382:469–470. https://doi.org/10.1056/NEJMe1916844
Texte

CERC

JB. LASCARROU (Secrétaire)
K. BACHOUMAS
SD. BARBAR
G. DECORMEILLE
N. HEMING
B. HERMANN
G. JACQ
T. KAMEL
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
G. PITON
L. POIROUX