VNI prophylactique en post-extubation : une recommandation toujours plus forte chez les patients à haut risque.

20/10/2023
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Effect of postextubation noninvasive ventilation with active humidification vs high‑flow nasal cannula on reintubation in patients at very high risk for extubation failure: a randomized trial
Gonzalo Hernández, Irene Paredes, Francisco Moran, Marcos Buj, Laura Colinas, María Luisa Rodríguez, Alfonso Velasco, Patricia Rodríguez, María José Pérez‑Pedrero, Fernando Suarez-Sipmann, Alfonso Canabal, Rafael Cuena, Lluis Blanch, and Oriol Roca.
Intensive Care Medicine 2022 Dec; 48(12):1751-1759. doi: 10.1007/s00134-022-06919-3. PMID: 36400984

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Question évaluée

A l’heure actuelle, il est plutôt recommandé d’utiliser la ventilation non-invasive (VNI) après l’extubation des patients à haut risque de ré-intubation en réanimation (1). Cette VNI dite prophylactique, est initiée immédiatement après l’extubation et poursuivie à « haute dose » pendant 24-48h, avec pour objectif de réduire le risque d’insuffisance respiratoire et de ré-intubation. L’échec d’extubation, définit par la nécessité de ré-intubation, survient dans 10 à 15% des cas en réanimation, mais ce risque peut dépasser 20% chez les patients considérés à haut risque (2). La définition des patients à haut risque est variable d’une étude à l’autre mais inclut généralement les patients âgés (> 65 ans), ceux ayant une maladie cardiaque ou respiratoire chronique sous-jacente, les patients hypercapniques, ou ceux avec une durée de ventilation prolongée ou qui présentent un risque d’encombrement bronchique important (3, 4). Une étude multicentrique Espagnole avait montré que l’oxygène à haut débit nasal (OHD) pourrait être aussi efficace que la VNI chez les patients à haut risque (3). Dans cette nouvelle étude, les mêmes auteurs font l’hypothèse que la VNI pourrait être plus efficace que l’OHD avec une réduction du risque de réintubation chez les patients cumulant plusieurs facteurs de risque, c’est-à-dire les patients considérés à très haut risque d’échec d’extubation (5).

Type d’étude

Étude clinique bi-centrique (2 réanimations en Espagne) ouverte randomisée contrôlée comparant la VNI et l’OHD en post-extubation.

Population étudiée

182 patients considérés à très haut risque d’échec d’extubation ont été inclus, c’est à dire cumulant au moins 4 facteurs de risque parmi les suivants : 1) Age > 65 ans, 2) Obésité, 3) Broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO modérée ou sévère), 4) Intubation pour insuffisance cardiaque, 5) Au moins 2 comorbidités, 6) Ventilation invasive prolongée avant extubation (plus de 7 jours), 7) Sevrage difficile ou prolongé (échec d’au moins une épreuve de sevrage), 8) Hypercapnie (PaCO2 > 45 mm Hg) en fin d’épreuve de sevrage, 9) Score de gravité APACHE II > 12 le jour de l’extubation, 10) Risque d’encombrement bronchique important (toux inefficace ou sécrétions abondantes) ou 11) Risque d’obstruction des voies aériennes supérieures.

Méthodes

Les patients ont été randomisés après la réussite d’une épreuve de sevrage réalisée avec une aide inspiratoire de 7 cm H2O sans pression expiratoire positive (AI 7 - PEP 0) pendant 30 minutes. Après l’extubation, 92 patients ont été traités par VNI prophylactique et 90 par OHD, pour une durée minimale de 48h. La VNI était réalisée avec un ventilateur dédié type Respironics V60 (Philips), un humidificateur chauffant et un masque facial. Le critère de jugement principal était la proportion de patients réintubés dans les 7 jours suivant l’extubation.

Résultats essentiels

Malgré la randomisation, les 2 groupes étaient déséquilibrés avec une plus forte proportion de patients hypercapniques (51% vs. 30%), BPCO (30% vs. 16%), ou insuffisants cardiaques (27% vs. 7%) dans le groupe VNI. Le taux de réintubation à J7 était significativement plus faible dans le groupe VNI que dans le groupe OHD : 23% (21/92) vs. 39% (35/90), p=0.02. Le délai entre l’extubation et la réintubation était identique dans les 2 groupes (27h en médiane). La durée de séjour en réanimation était également plus courte dans le groupe VNI. La mortalité n’était pas significativement différente. La dose de VNI était particulièrement élevée : 22 heures en médiane (interquartile 19-24) dans les premières 24 heures, et 18 heures le deuxième jour. Les réglages ventilatoires utilisés en VNI n’ont pas été précisés. Les patients traités par VNI présentaient plus souvent une intolérance au traitement (21% vs. 9%, p=0.026), un inconfort nasal et des ulcères de la face aux points d’appui du masque.

Points forts

Essai randomisé contrôlé dans une population bien ciblée.

Points faibles
  • Population à très haut risque difficile à identifier (nombreux facteurs de risque et scores à prendre en compte).
  • Etude « seulement » bicentrique.
  • Effectif modéré (n=182) avec une différence de répartition entre les 2 groupes (plus de patients BPCO, hypercapniques ou cardiaques dans le groupe VNI), ce qui est un biais notable. En effet, alors que ces patients sont plus à risque, ils peuvent aussi mieux répondre à la VNI.
  • Taux de réintubation beaucoup plus élevé que dans les réanimations Françaises, ce qui interroge sur la validité externe et l’applicabilité de l’étude. En effet, le taux de réintubation globale à 7 jours était de 31% (56/182) dans cette étude alors qu’il était seulement de 15% (95/641) dans une étude Française multicentrique incluant une population assez proche en termes de risque et une stratégie de ventilation comparable (4).
Commentaires

Cette étude renforce encore les effets bénéfiques de la VNI prophylactique en post-extubation, qui ont été évalués pour la première fois il y a près de 20 ans (6). Alors que les premières études avaient comparé la VNI et l’oxygène standard, les études plus récentes ont comparé la VNI et l’OHD comme groupe contrôle (3, 4). Une étude Espagnole précédente n’avait pas montré de différence entre VNI et OHD chez les patients considérés à haut risque, mais les patients hypercapniques avaient été exclus et la VNI était stoppée à 24h quel que soit le statut respiratoire du patient (3). Cette fois-ci, l’étude porte sur les patients à très haut risque (plusieurs facteurs de risque), plus de 40% des patients étaient hypercapniques, et la VNI appliquée pour au moins 48h. C’est la 2ème étude qui montre une réduction du risque de réintubation comparé à l’OHD chez des patients à haut risque. Une grande étude Française réalisée dans 30 centres avait déjà montré une réduction significative du taux de réintubation avec la VNI (4). Cependant, le groupe interventionnel était traité de la VNI alternant avec de l’OHD. Il est important de souligner que les taux de réintubation de l’étude Française étaient nettement plus faibles que dans l’étude Espagnole : respectivement 18% vs. 39% dans le groupe OHD, et 12% vs. 23% dans le groupe VNI. Pourtant, la population à risque semble à peu près comparable en termes d’âge, de maladie cardiaque ou respiratoire sous-jacente, et de durée de ventilation mécanique avant extubation. La seule différence notable est que la proportion de patients hypercapniques était bien plus élevée dans l’étude Espagnole (41% vs. 17%). La fréquence respiratoire en fin d’épreuve de sevrage était nettement plus basse dans l’étude Espagnole (16 cycles par minutes versus 23 dans l’étude française), ce qui n’est pas en faveur d’un sevrage plus précoce. Enfin, la « dose » de VNI dans les premières 24 heures était particulièrement élevée dans l’étude espagnole (22h en médiane versus 13h en moyenne dans l’étude Française qui utilisait l’OHD entre les sessions de VNI).

Implication clinique et conclusions

C’est une nouvelle étude qui montre une réduction du risque de réintubation chez les patients à haut risque d’échec d’extubation traités par VNI prophylactique comparé à l’OHD. Alors que plusieurs études ont montré une réduction du risque de réintubation avec l’OHD comparé à l’oxygène standard (7, 8), cette étude renforce la VNI comme traitement de référence en première intention chez les patients considérés à haut risque d’échec d’extubation, et renforce encore les dernières recommandations qui préconisaient déjà la VNI plutôt que l’OHD chez ces patients (1).

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CONFLIT D'INTÉRÊTS

Article commenté par Arnaud W. Thille, Médecine Intensive Réanimation, CHU de Poitiers, 2 rue La Milétrie, 86000 Poitiers, France.

L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêt.

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CERC

B. HERMANN (Secrétaire)
A. BRUYNEEL
G. FOSSAT
S. GOURSAUD
N. HEMING
T. KAMEL
G. LABRO
JF. LLITJOS
L. OUANES-BESBES
L. POIROUX
A. ROUZÉ
V. ZINZONI

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Références

  1. Oczkowski S, Ergan B, Bos L, Chatwin M, Ferrer M, Gregoretti C, et al. ERS clinical practice guidelines: high-flow nasal cannula in acute respiratory failure. The European respiratory journal. 2022 Apr;59(4). PubMed PMID: 34649974. Epub 2021/10/16. eng.

  2. Thille AW, Richard JC, Brochard L. The decision to extubate in the intensive care unit. American journal of respiratory and critical care medicine. 2013 Jun 15;187(12):1294-302. PubMed PMID: 23641924. Epub 2013/05/07. eng.

  3. Hernandez G, Vaquero C, Colinas L, Cuena R, Gonzalez P, Canabal A, et al. Effect of Postextubation High-Flow Nasal Cannula vs Noninvasive Ventilation on Reintubation and Postextubation Respiratory Failure in High-Risk Patients: A Randomized Clinical Trial. Jama. 2016 Oct 18;316(15):1565-74. PubMed PMID: 27706464.

  4. Thille AW, Muller G, Gacouin A, Coudroy R, Decavèle M, Sonneville R, et al. Effect of Postextubation High-Flow Nasal Oxygen With Noninvasive Ventilation vs High-Flow Nasal Oxygen Alone on Reintubation Among Patients at High Risk of Extubation Failure: A Randomized Clinical Trial. Jama. 2019 Oct 15;322(15):1465-75. PubMed PMID: 31577036.

  5. Hernández G, Paredes I, Moran F, Buj M, Colinas L, Rodríguez ML, et al. Effect of postextubation noninvasive ventilation with active humidification vs high-flow nasal cannula on reintubation in patients at very high risk for extubation failure: a randomized trial. Intensive care medicine. 2022 Dec;48(12):1751-9. PubMed PMID: 36400984. Pubmed Central PMCID: PMC9676812. Epub 2022/11/19. eng.

  6. Nava S, Gregoretti C, Fanfulla F, Squadrone E, Grassi M, Carlucci A, et al. Noninvasive ventilation to prevent respiratory failure after extubation in high-risk patients. Critical care medicine. 2005 Nov;33(11):2465-70. PubMed PMID: 16276167. Epub 2005/11/09. eng.

  7. Hernandez G, Vaquero C, Gonzalez P, Subira C, Frutos-Vivar F, Rialp G, et al. Effect of Postextubation High-Flow Nasal Cannula vs Conventional Oxygen Therapy on Reintubation in Low-Risk Patients: A Randomized Clinical Trial. Jama. 2016 Apr 5;315(13):1354-61. PubMed PMID: 26975498.

  8. Maggiore SM, Idone FA, Vaschetto R, Festa R, Cataldo A, Antonicelli F, et al. Nasal high-flow versus Venturi mask oxygen therapy after extubation. Effects on oxygenation, comfort, and clinical outcome. American journal of respiratory and critical care medicine. 2014 Aug 1;190(3):282-8. PubMed PMID: 25003980.