Endo A, Yamakawa K, Tagami T, Umemura Y, Wada T, Yamamoto R, Nagasawa H, Takayama W, Yagi M, Takahashi K, Kojima M, Narita C, Kazuma S, Takahashi J, Shiraishi A, Todani M, Nakane M, Nagata T, Tanaka S, Yokokawa Y, Takahashi K, Ishikita H, Hisamune R, Sasaki J, Muramatsu KI, Sonobe H, Minami K, Hoshi H, Otomo Y; OPTPRESS trial investigators. Efficacy of targeting high mean arterial pressure for older patients with septic shock (OPTPRESS): a multicentre, pragmatic, open-label, randomised controlled trial. Intensive Care Med. 2025 May;51(5):883-892. doi: 10.1007/s00134-025-07910-4. Epub 2025 May 13. PMID: 40358717; PMCID: PMC12130109.
Question évaluée :
Les recommandations actuelles suggèrent un objectif de pression artérielle moyenne (PAM) ≥ 65 mmHg chez les patients en choc septique, indépendamment de leurs caractéristiques cliniques ou physiologiques (recommandation forte, preuve de qualité modérée) (1).
L’étude OPTPRESS visait à déterminer si, chez les patients âgés (≥ 65 ans) en choc septique, une cible de PAM élevée (80–85 mmHg) améliorait le pronostic par rapport à une cible standard (65–70 mmHg).
Type d’étude :
Etude multicentrique, ouverte, randomisée et contrôlée.
Population étudiée :
Patients ≥ 65 ans en choc septique (selon SEPSIS-3 (2)), hospitalisés en réanimation dans 29 hôpitaux japonais.
Étaient exclus : les patients recevant des vasopresseurs depuis plus de 3 heures, ceux ayant présenté un arrêt cardio-respiratoire avant l’inclusion, ayant un diagnostic de COVID-19, une forte probabilité de transfert dans un autre hôpital dans les 3 jours, ainsi que les autres critères d’exclusion habituels des essais randomisés.
Méthode :
Les patients étaient randomisés en 1:1 selon 2 groupes : un groupe PAM « élevée » (80 – 85 mmHg) et un groupe PAM « standard » (65 – 70 mmHg). La stratification reposait sur deux critères : un antécédent d’hypertension artérielle et l’âge (< ou ≥ 80 ans).
Au cours de l’étude, chez les patients recevant une posologie de noradrénaline ≥ 0,1 µg/kg/min, la vasopressine était introduite puis augmentée jusqu’à 0.04 UI/min. L’intervention était maintenue pendant 72 heures ou jusqu’à l’arrêt des vasopresseurs.
Le critère de jugement principal était la mortalité toutes causes confondues à J90.
Résultats essentiels :
L’étude a été interrompue précocement en raison d’un effet délétère dans le groupe « PAM élevée » après une analyse intermédiaire.
Description de la population
Parmi les 518 patients inclus, 258 ont été randomisés dans le bras « PAM élevée » et 260 dans le bras « PAM standard ». Le plan statistique prévoyait 376 patients par bras. L’inclusion était très précoce (60 [20-120] minutes dans le bras « PAM élevée » et 60 [15 – 107] minutes dans le bras « PAM standard »).
Les caractéristiques démographiques et de gravité à l’inclusion étaient similaires entre les deux groupes. L’âge médian était de 78 (73–85) ans et 53 % des patients avaient un antécédent d’hypertension artérielle. L’origine de l’infection était principalement abdominale (30%), puis urinaire (26%) et pulmonaire (25%).
Dans le groupe « PAM élevée », la pression artérielle était significativement plus élevée que dans le groupe « PAM standard », mais la PAM médiane observée dans le bras « PAM standard » dépassait fréquemment 70 mmHg (31 % des patients encore sous vasopresseur avait une PAM ≥ 80 mmHg à 12 heures de l’inclusion).
Critère de jugement principal
La mortalité à J90 était significativement plus élevée dans le groupe PAM « élevée » comparé au groupe « PAM standard » (39,3 % vs 28,6 %, p = 0,012).
Critères de jugements secondaires
Le groupe « PAM élevée » présentait une durée plus longue de recours à l’épuration extra rénale (EER) (nombre de jours sans EER à J28 : 18 vs 20, p = 0.024), une exposition prolongée aux catécholamines (jours sans catécholamines à J28 : 16 vs 19 j, p value = 0.012) et des doses cumulées plus importantes de vasopressine au cours des 3 premiers jours (34 UI vs 11,8 UI).
Il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes concernant les effets indésirables (ischémiques, arythmiques ou hémorragiques).
Aucun bénéfice (mortalité, recours à l’EER) n’était observé dans le dans le sous-groupe de patients avec un antécédent d’hypertension artérielle (interaction p = 0.27).
Commentaires :
OPTPRESS est la première étude à tester une augmentation de l’objectif de PAM, tout en associant une stratégie d’épargne en catécholamines grâce à l’introduction précoce de vasopressine, chez une population de patient âgés en choc septique.
Résultats concernant la mortalité
Les précédentes études comparant différents objectif de PAM au cours du choc septique (65-70 mmHg vs 80 – 85 mmHg (3) ; 60-65 mmHg vs 75-80 mmHg (4)) chez des patients indépendamment de leur âge n’avaient pas mis en évidence de différence de mortalité selon l’objectif de PAM.
Les résultats de OPTPRESS corroborent ceux d’une méta-analyse sur données individuelles regroupant ces deux essais (SEPSISPAM (3) et OVATION (4)), suggérant qu’une augmentation de la cible de la PAM était associée à une tendance non significative vers une mortalité plus élevée avec l’avancée en âge (5). Ils sont également cohérents avec les résultats post-hoc de l’étude OVATION qui suggéraient une mortalité accrue chez les patients de plus de 75 ans exposés à un objectif de PAM élevée (4).
A la suite de cette dernière étude, l’étude 65, menée chez 2463 patients ≥ 65 ans en choc vasoplégique (dont 78 % en sepsis) n’a pas montré de différence entre une stratégie d’hypotension permissive et la stratégie usuelle (66.7 [64.5-69.8] mmHg vs 72.6 [69.4-76.5] mmHg), ni en termes de mortalité, ni en termes de complications (6).
Résultats concernant les antécédents d’hypertension artérielle
Contrairement à SEPSISPAM, OPTPRESS ne retrouve pas d’impact dans le sous-groupe de patients ayant un antécédent d’hypertension artérielle (3). Plusieurs éléments peuvent expliquer cette divergence : une stratégie différente (introduction précoce de vasopressine), des critères d’inclusions distincts (SEPSIS 2 (7) vs SEPSIS 3), des différence de phénotypes (patient caucasien versus japonais), ou encore un écart plus faible entre les PAM réellement obtenues dans OPTRESS. Il convient toutefois de rappeler que la différence observée dans le sous-groupe « hypertendus » de SEPSISPAM n’a jamais été confirmé par une étude dédiée.
Points forts :
Étude multicentrique, pragmatique, conduite dans une population âgée et fréquemment hypertendue, donc particulièrement pertinente cliniquement compte tenu du vieillissement des patients admis en réanimation.
Protocole innovant incluant l’introduction précoce de la vasopressine.
Points faibles :
L’étude a été arrêtée précocement pour un effet délétère dans le groupe « PAM élevée ». La diminution de la puissance statistique impose une interprétation prudente des critères de jugement secondaires et des analyses en sous-groupe.
La différence de PAM réelle entre les deux groupes était inférieure à celle prévue. Bien que particulièrement marquée dans cette étude, ce biais est retrouvé dans l’ensemble des essais s’intéressant à la cible de PAM dans le choc septique (3,4,6) .
Absence de données sur la fonction cardiaque et/ou du débit cardiaque à l’inclusion et au cours du suivi. C’est un point important car la vasopressine, étant un vasopresseur pur, son utilisation précoce (et donc plus fréquente) diminue les doses de noradrénaline et donc l’effet beta-inotrope des catécholamines (8).
Généralisation limitée des résultats : population exclusivement japonaise, durée d’administration des vasopresseurs plus longue dans les deux bras, comparativement aux études précédentes sur le sujet, et cause d’infection majoritairement abdominale.
La mortalité est faible dans le bras PAM standard (28,6% à J90) et dans l’ensemble de la population de l’étude (33,7%), alors que l’on attend environ 40 % dans une population de patient en choc septique selon SEPSIS 3.
Implications et conclusions :
Chez les patients ≥ 65 ans en choc septique, une stratégie visant une PAM élevée (80 – 85 mmHg) associée à l’introduction précoce de vasopressine (dès 0,1 µg/kg/min de noradrénaline) augmente la mortalité à J90 par rapport à une stratégie de vasopressine précoce associée à un objectif de PAM standard (65-70 mmHg).
Un objectif élevé de PAM ne semble pas recommandé en association à une stratégie de vasopressine précoce chez les patients de plus de 65 ans en choc septique.
Avec le recul de la littérature, une approche centrée sur un objectif unique de PAM ne semble plus pertinente. L’étude d’une individualisation des cibles, fondée sur des critères centrés sur le patient, apparait désormais plus appropriée.
Références cités dans les commentaires :
- Evans L, Rhodes A, Alhazzani W, Antonelli M, Coopersmith CM, French C, et al. Surviving sepsis campaign: international guidelines for management of sepsis and septic shock 2021. Intensive Care Med. 1 nov 2021;47(11):1181‑247.
- Singer M, Deutschman CS, Seymour CW, Shankar-Hari M, Annane D, Bauer M, et al. The Third International Consensus Definitions for Sepsis and Septic Shock (Sepsis-3). JAMA. 23 févr 2016;315(8):801‑10.
- Asfar P, Meziani F, Hamel JF, Grelon F, Megarbane B, Anguel N, et al. High versus Low Blood-Pressure Target in Patients with Septic Shock. N Engl J Med. 24 avr 2014;370(17):1583‑93.
- Lamontagne F, Meade MO, Hébert PC, Asfar P, Lauzier F, Seely AJE, et al. Higher versus lower blood pressure targets for vasopressor therapy in shock: a multicentre pilot randomized controlled trial. Intensive Care Med. avr 2016;42(4):542‑50.
- Lamontagne F, Day AG, Meade MO, Cook DJ, Guyatt GH, Hylands M, et al. Pooled analysis of higher versus lower blood pressure targets for vasopressor therapy septic and vasodilatory shock. Intensive Care Med. janv 2018;44(1):12‑21.
- Lamontagne F, Richards-Belle A, Thomas K, Harrison DA, Sadique MZ, Grieve RD, et al. Effect of Reduced Exposure to Vasopressors on 90-Day Mortality in Older Critically Ill Patients With Vasodilatory Hypotension: A Randomized Clinical Trial. JAMA. 10 mars 2020;323(10):938‑49.
- Levy MM, Fink MP, Marshall JC, Abraham E, Angus D, Cook D, et al. 2001 SCCM/ESICM/ACCP/ATS/SIS International Sepsis Definitions Conference. Crit Care Med. avr 2003;31(4):1250‑6.
- Gordon AC, Wang N, Walley KR, Ashby D, Russell JA. The cardiopulmonary effects of vasopressin compared with norepinephrine in septic shock. Chest. sept 2012;142(3):593‑605.
CONFLIT D'INTÉRÊTS
Commenté par Nicolas Fage et Pierre Asfar, Département de Médecine Intensive Réanimation, Médecine Hyperbare, CHU Angers, Angers, France.
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