Fonctionnement des cathéters de dialyse en réanimation : quand la configuration des lumières est au cœur du débat

24/10/2025
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Zhou Z, Liu C, Li P, Yang Y, Wang F, Xu Q, Jin L, Zhang L, Fu P. A randomized controlled trial of catheters with different tips and lengths for patients requiring continuous renal replacement therapy in intensive care unit. Crit Care. 2025 Apr 11;29(1):148. doi: 10.1186/s13054-025-05389-5. PMID: 40217330; PMCID: PMC11987356.

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Question évaluée : 

Cette étude compare le fonctionnement des cathéters de dialyse double lumière de courte durée (CD) en réanimation chez les patients sous hémodiafiltration veino-veineuse continue (CVVHDF), selon la configuration et la longueur de leurs lumières.

Type d’étude : 

Étude prospective randomisée, ouverte, à 3 bras, réalisée en réanimation au West China Hospital (Université du Sichuan).

Population étudiée :

Adultes de 18 à 80 ans admis en réanimation et traités par CVVHDF. Étaient exclus les patients avec coagulopathie, anticoagulation systémique ou contre-indication à un abord fémoral.

Méthode :

Les patients randomisés selon un ratio 1:1:1 recevaient l’un des trois CD en polyuréthane à lumières de type double D dont la section était en forme de « rein » suivants :

– Groupe A : CD à orifices latéraux (side-hole), 11 Fr, 200 mm (GDHK‑1120 ; Baxter Inc) ;

– Groupe B : CD à extrémités décalées (step-tip), 13 Fr, 200 mm (GDHK‑1320 ; Baxter Inc) ;

– Groupe C : CD à extrémités décalées, 13 Fr, 250 mm (GDHK‑1325 ; Baxter Inc).

Les CD étaient posés en fémoral sous échoguidage selon une procédure standardisée, rincés avec du NaCl 0,9 % et verrouillés au citrate 4 % ou au sérum hépariné, selon le choix du médecin.

La CVVHDF était réalisée à une posologie de 25–35 mL/kg/h, avec un débit sanguin de 130 à 150 mL/min en cas d’anticoagulation régionale par citrate et de 200 mL/min en cas d’anticoagulation par héparine de bas poids moléculaire ou en l’absence d’anticoagulant. Le type d’anticoagulation et le retrait des CD relevaient du jugement médical. Les retraits des CD étaient motivés lorsqu’ils n’étaient plus nécessaires (reprise de fonction, arrêt du traitement ou décès) ou présentaient une complication (dysfonction, bactériémie ou thrombose).

L’étude comportait deux critères de jugement principaux : 

  • La survie (délai entre pose et retrait du CD) ; et 

  • La dysfonction de CD définie par un des événements suivants : incapacité de maintenir le débit sanguin prévu, pression inférieure à -200 mmHg sur la ligne artérielle ou supérieure à 200 mmHg sur la ligne veineuse, survenue de plus de 3 alarmes de pression en une heure et impossibilité d’aspirer du sang sur la voie artérielle selon une procédure standardisée. 

Résultats essentiels :

Sur 378 patients randomisés, 351 sont inclus et analysés : 116 dans le groupe A (143 CD), 117 dans le B (124 CD) et 118 dans le C (147 CD). Les CD à orifices latéraux du groupe A présentaient plus souvent des dysfonctions (35,7%) que ceux à extrémités décalées du groupe B (17,7%) ou C (15,6%) (P = 0,001) ; sans différence entre les groupes B et C (P = 0,744). Des résultats similaires étaient observés lorsque l’analyse était effectuée sur le premier CD de chaque patient, ou dans la période de 3 jours ou de 7 jours suivant son insertion.

Les CD du groupe C avaient une médiane de survie plus longue (6,4 jours) que celle des groupes A (5,5 jours) ou B (5 jours) (P=0,019). La médiane de survie du premier CD inséré n’était pas différente entre les 3 groupes. Des tendances similaires étaient observées entre les 3 groupes lorsque l’analyse était effectuée sur le sous-groupe de CD avec dysfonctions.  

En analyse multivariée (modèle de Cox), comparativement aux CD à orifices latéraux, le risque de dysfonction était réduit de 47,5 % avec les CD à extrémités décalées de 20 cm (p = 0,027) et de 74,8 % avec ceux de 25 cm (p < 0,001).

Les dysfonctions de CD étaient associées à l’IMC (HR = 1,05 ; p = 0,036). Pour un IMC < 24,2 (tercile inférieur), les CD à orifices latéraux présentaient une survie sans dysfonction plus courte que ceux à extrémités décalées de 20 cm (p = 0,006) ou 25 cm (p = 0,001). À l’inverse, pour un IMC > 28,42 (tercile supérieur), les CD de 25 cm à extrémités décalées offraient une meilleure survie sans dysfonction que ceux de 20 cm, qu’ils soient à orifices latéraux ou à extrémités décalées (p = 0,015).

Commentaires :

Le choix du CD en réanimation est un élément majeur de ses qualités fonctionnelles. Si l’impact du site d’insertion du CD et sa longueur ont été analysés, celui de sa configuration reste encore peu exploré [1-2].

Dans cette étude le taux de dysfonctions était plus important avec les CD à orifices latéraux. Dans les analyses de sous-groupes ce résultat n’était observé que chez les patients avec un IMC <24,2 kg/m². En cas d’IMC >28,4 kg/m², le taux de dysfonctions n’était réduit que dans le groupe avec des CD de 25 cm. 

Plusieurs biais doivent cependant être considérés. En premier lieu, des paramètres associés au risque de thrombose tel que la répartition de la dose de dialyse et le type de verrou utilisé ne sont pas rapportés ni pris en compte dans l’analyse multivariée alors que ces éléments peuvent influencer significativement le risque thrombotique et donc les performances des CD [3]

Un autre facteur confondant majeur réside dans le diamètre interne de la lumière « artérielle » des CD. Selon les données du fabricant (BaxterÒ), le diamètre du guide proposé dans le kit pour le CD à orifices latéraux est de 0,81 mm contre 0,97 mm pour le guide des CD à extrémité décalée (groupe B et C), laissant supposer une augmentation du diamètre interne de 0,16 mm pour ces derniers. 

En supposant un flux régulier et une viscosité constante, les CD à orifices latéraux présenteraient une résistance nettement plus élevée au passage du sang (65,4 kPa·s/mL) que ceux à extrémités décalées (32,86 kPa·s/mL et 41,07 kPa·s/mL). Si la différence de rayon interne estimée peut paraitre minime au premier abord, son impact sur la résistance hydraulique est donc majeur, de l’ordre de 50%. 

Il apparaît donc difficile d’apprécier quelle est la part respective des variations de diamètre et des modifications de configuration dans les taux plus élevés de dysfonctions observés avec le CD à orifices latéraux. Le rôle du diamètre des CD dans leur fonctionnement en réanimation a déjà été soulevé dans une étude ancillaire de l’étude RENAL [4]. Les recommandations françaises actuelles préconisent d’ailleurs l’utilisation de CD de diamètre externe d’au moins 12 Fr et d’une longueur de 24 cm en cas d’insertion au site fémoral [5].

Enfin il aurait été intéressant de disposer de la dose de dialyse réellement délivrée par rapport à celle prescrite. Le but premier d’un CD étant de contribuer à l’efficacité de l’épuration extra rénale.

Points forts :

- étude randomisée avec un grand nombre de patients

- critères de dysfonction standardisés 

Points faibles :

- étude en ouvert 

- pas de standardisation stratification a priori sur le choix de l’anticoagulant ni le type de verrous 

- diamètre plus important pour les cathéters à extrémités décalées 

- utilisation de cathéter de 20 cm en fémoral 

Implications et conclusions :

Sous réserve d’une uniformisation des paramètres influençant le risque thrombotique et de leurs diamètres, les CD dont la configuration est à extrémité décalée pourraient présenter un avantage sur le risque de dysfonctions et donc sur les performances de dialyse. 

En cas d’abord fémoral chez les patients présentant un IMC élevé il semble licite de suivre les recommandations [5] préconisant les CD de 25 cm par rapport à ceux de 20 cm. 


Références cités dans les commentaires :

  1. Benichou N, Lebbah S, Hajage D, Martin-Lefèvre L, Pons B, Boulet (2021) Access for renal replacement therapy among 459 critically ill patients: a pragmatic analysis of the randomized AKIKI trial. Ann Intensive Care;11(1):56. 

  2. Silverstein DM, Trerotola SO, Clark T, James G, Ng W, Dwyer A, et al. (2018) Clinical and Regulatory Considerations for Central Venous Catheters for Hemodialysis. CJASN;13(12):1924‑32. 

  3. Szymańska J, Kakareko K, Rydzewska-Rosołowska A, Głowińska I, Hryszko T. (2021) Locked Away-Prophylaxis and Management of Catheter Related Thrombosis in Hemodialysis. JCM;10(11):2230. 

  4. Bellomo R, Mårtensson J, Lo S, Kaukonen KM, Cass A, Gallagher M, et al. (2016) Femoral Access and Delivery of Continuous Renal Replacement Therapy Dose. Blood Purif. 41(1‑3):11‑7. 

  5. Vinsonneau, C., Allain-Launay, E., Blayau, C. et al. (2015) Renal replacement therapy in adult and pediatric intensive care. Ann. Intensive Care 5, 58 


CONFLIT D'INTÉRÊTS

Commenté par : Valentin Mayet et Bertrand Souweine, Service de médecine intensive et réanimation, CHU de Clermont Ferrand, France. 

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