Infections à Mycoplasma pneumoniae, pas si atypiques !

26/09/2025
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Mycoplasma pneumoniae infection in adult inpatients during the 2023–24 outbreak in France (MYCADO): a national, retrospective, observational study. Ariane Gavaud, Matthieu Holub, Antoine Asquier-Khati, Karine Faure, Sophie Leautez-Nainville, Gwenael Le Moal, François Goehringer, David Luque Paz, Bérangère Arnould, Victor Gerber, Guillaume Martin-Blondel, Charles Declerck, Sandrine Gazaignes, Sophie Blanchi, Paul Loubet, Natacha Mrozek, Thomas Perpoint, Melanie Cresta, Morgane Mailhe, Alexandre Bleibtreu, Charles Cazanave, Cécile Bébéar, Valérie Pourcher, Florence Tubach, Romain Palich, on behalf of the MYCADO Study Group. Lancet Infect Dis 2025

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Question évaluée : 

Décrire les caractéristiques des patients adultes hospitalisés pour infection à Mycoplasma pneumoniae et identifier des facteurs associés à une évolution compliquée.

Type d’étude :

Etude observationnelle rétrospective multicentrique française de cohorte.

Population étudiée :

L’étude inclut des patients âgés de plus de 15 ans et 3 mois, hospitalisés pour une infection à Mycoplasma pneumoniae dans 76 hôpitaux français entre le 1er septembre 2023 et le 29 février 2024. 

Méthode :

Les données cliniques et paracliniques ont été collectées rétrospectivement après identification des patients éligibles sur la base des résultats de laboratoire positifs à Mycoplasma pneumoniae (moléculaire type PCR ou sérologie IgG/IgM). Le critère de jugement principal, dit « évolution compliquée » était composite de l’admission en soins critiques et/ou du décès à l’hôpital. Les facteurs associés à l’évolution compliquée ont été identifiés via une analyse en régression logistique.

Résultats essentiels :

Au total, 1309 patients ont été inclus, âgés en médiane de 43 ans, dont 55% d’hommes et 8% de patients immunodéprimés. Le diagnostic était moléculaire, sérologique ou combiné chez respectivement 82%, 11% et 7% des patients.

Concernant la présentation clinique et paraclinique :

  • Le délai médian entre l’apparition des symptômes et l’admission à l’hôpital était de 7 jours, et 95% et 73% des patients présentaient respectivement au moins un symptôme respiratoire (toux, dyspnée, expectoration) et une fièvre. 

  • Le scanner thoracique, réalisé chez une majorité de patients (n=900, 69%), montrait souvent des condensations alvéolaires (65%) et des micronodules bronchiolaires (65%), plus rarement du verre dépoli (32%) ; les opacités étaient souvent bilatérales (71%).

  • Les manifestations extra-respiratoires étaient rares, présentes chez 12% des patients seulement, et associées à l’âge jeune, l’absence d’obésité et un terrain sous-jacent de maladie inflammatoire ou auto-immune.

  • Sur le plan biologique et microbiologique, on notait une procalcitonine (PCT) médiane basse (0,17 µg/L), une co-infection virale chez moins d’un patient sur 10 (9%), et une résistance génotypique aux macrolides chez seulement 4 des 112 patients investigués (4%).

Concernant la prise en charge :

Une oxygénothérapie a été administrée chez 81% des patients hospitalisés, pour une durée médiane de 5 jours. Parmi les 415 (32%) patients admis en soins critiques, 49% ont bénéficié d’une oxygénothérapie à haut débit, 21% d’une ventilation non invasive, et 15% ont été intubés, pour une durée médiane de 9 jours. Par ailleurs, 28 patients ont reçu des vasopresseurs, et 5 une épuration extra-rénale. 

Critère de jugement principal : évolution compliquée

Le critère composite d’évolution compliquée était présent chez 424 patients (32%), dont 28 décès (19 après admission en unité de soins critiques, 9 en dehors des soins critiques), soit une mortalité hospitalière de 2,1%, et une mortalité en soins critiques de 4,6%. 

Les facteurs associés à une évolution compliquée identifiés en analyse multivariée sont décrits dans la Table 1.

 Analyse multivariée

 

Rapport de côte ajusté [IC 95%]p

Comorbidités

  

HTA

1,40 [1,01-1,96]0,04

Obésité

1,76 [1,20-2,58]0,0039

Cirrhose

5,14 [1,70-15,5]0,0037

Clinique

  
Manifestations extra-pulmonaires1,87 [1,25-2,82]0,00025
Scanner thoracique  
Condensation alvéolaire1,49 [1,06-2,09]0,022
Atteinte bilatérale2,25 [1,55-3,27]<0,0001
Biologie  
CRP > 120 mg/L1,49 [1,12–1,99]0,0065
Lymphopénie < 1,5 G/L1,51 [1,13–2,02]0,0058
Polynucléose neutrophile > 7 G/L2,04 [1,51–2,75]<0,0001
Prise en charge  
Antibiothérapie active contre Mycoplasma pneumoniae avant l'admission 0,39 [0,21-0,74]0,0032

IC 95% : intervalle de confiance à 95%

Table 1. Analyse multivariée identifiant les facteurs indépendamment associés à une évolution compliquée.

Commentaires :

Dans cette large cohorte de sujets de plus de 15 ans hospitalisés pour une infection à Mycoplasma pneumoniae, on notait, en comparaison à plusieurs cohortes européennes d’adultes hospitalisés pour pneumonie aigue communautaire toutes étiologies confondues [1-4] (Table 2) :

  • Un âge médian plus jeune (43 ans, contre 66 à 76 ans)

  • Un taux d’admission en réanimation élevé (32%, contre 5 à 6,4%) ; 

  • Un taux d’intubation bas parmi la sous-population admise en réanimation (15% contre 24 à 77%) ;

  • Une mortalité hospitalière dans la fourchette basse (2,1%, contre 2,5 à 15,4%).

 

MYCADO

Arnold 2013 [1]

Grudzinska, 2019 [2]

Meyer 2024 [3]

Abelenda-Alonso 2024 [4]

Pays

France

Europe

Royaume Uni

Allemagne, Suisse, Autriche, Italie, Pays-Bas

Espagne

Année d’inclusion

2023-2024

2001-2011

2014-2016

2017-2021

2020-2023

Nombre de patients, âge médian

N=1309, 43 ans

N=2861, 71 ans

N=1545, 76 ans

N=1024, 66 ans

N=242, 73 ans

Admission en soins critiques

415/1309, 32%

143/2861, 5,0%

N=99/1545, 6,4%

51/1024, 5%

13/242, 5,4%

Intubation

- au sein de l’ensemble des patients

- au sein des patients admis en soins critiques

 

64/1309, 4,9%

 

 

64/415, 15%

 

NC

 

NC

 

12/1024, 1,2%

 

 

12/51, 24%

 

10/242, 4,1%

 

 

10/13, 77%

Mortalité hospitalière

28/1309, 2,1%

261/2861, 9,1%

238/1545, 15,4% 

30/1024, 2,9%

6/242, 2,5% (mortalité à J30)

Caractéristiques de l’étude et principale population étudiée

Cohorte observationnelle

Cohorte observationnelle

Cohorte observationnelle

Cohorte observationnelle

Exclusion : immuno-dépression sévère

Etude interventionnelle 

Exclusion : immuno-dépression

Table 2. Comparaison de la cohorte MYCADO à d’autres cohortes européennes de patients hospitalisés pour pneumonie aiguë communautaire.

Cette discordance apparente entre un taux d’admission en soins critiques élevé mais un taux d’intubation chez les patients admis en soins critiques bas pourrait être expliquée par la proportion importante des admissions en soins critiques possiblement liées à des manifestations extra-respiratoires, par exemple les anémies hémolytiques (n=23, 5,4%) ou les myocardites (n=11, 2,6%). En effet, une part significative des patients admis en soins critiques n’a reçu aucun support d’organe (n=115, 28%).

L’effectif conséquent de cette étude et la somme des variables recueillies ont permis de dessiner précisément la présentation clinico-radio-biologique de l’infection à Mycoplasma pneumoniae, et ont fait émerger plusieurs caractéristiques notables susceptibles d’étayer la suspicion du clinicien : 

- la PCT basse, qui ne doit pas faire écarter à tort l’hypothèse bactérienne, comme souligné dans d’autres travaux [5] ; 

- la fréquence élevée de condensations alvéolaires au scanner (65%), qui rappelle que les pneumopathies à germes atypiques ne se présentent pas (ou pas toujours) comme des « pneumopathies interstitielles » ;

- l’absence de symptôme respiratoire chez un patient sur 20, ce qui souligne que l’infection peut être envisagée y compris en l’absence de manifestation respiratoire. 

Cette étude souligne également le lien entre la précocité du traitement antibiotique actif et le pronostic, comme attendu dans une infection bactérienne, et donc l’importance d’évoquer le diagnostic grâce aux données décrites ci-dessus.

On note enfin la place désormais prédominante des techniques moléculaires directes dans le diagnostic d’infection à Mycoplasma pneumoniae, au détriment de la sérologie, qui était la méthode la plus utilisée dans une cohorte française de patients hospitalisés en soins intensifs de 2000 à 2015 [6].

Points forts : 
  • Plus grande cohorte publiée d’infections à Mycoplasma pneumoniae de l’adulte (plus de 15 ans) hospitalisé ; 

  • Description détaillée de la présentation clinico-radio-biologique ;

  • Démonstration de la place prédominante des outils moléculaires dans le diagnostic.

Points faibles :
  • Caractère rétrospectif ;

  • Manque d’information sur les séjours en soins critiques.

Implications et conclusions :

En précisant la présentation clinico-radio-biologique de l'infection à mycoplasme, cette étude facilite la suspicion diagnostique - qui peut aisément être confirmée par les tests moléculaires - et pourrait permettre un traitement plus précoce, et possiblement d'en diminuer la sévérité.

Une étude s’intéressant spécifiquement aux patients admis en médecine intensive et réanimation en France est en cours et devrait permettre de compléter ces données (ECRANPLASMA, coordonnée par la MIR de Bicêtre).


Références cités dans les commentaires :

  1. Arnold FW, Wiemken TL, Peyrani P, Ramirez JA, Brock GN; CAPO authors. Mortality differences among hospitalized patients with community-acquired pneumonia in three world regions: results from the Community-Acquired Pneumonia Organization (CAPO) International Cohort Study. Respir Med. 2013;107(7):1101-1111. doi:10.1016/j.rmed.2013.04.003

  2. Grudzinska FS, Aldridge K, Hughes S, et al. Early identification of severe community-acquired pneumonia: a retrospective observational study. BMJ Open Respir Res. 2019;6(1):e000438. Published 2019 Jun 5. doi:10.1136/bmjresp-2019-000438

  3. Meyer HJ, Mödl L, Unruh O, et al. Comparison of clinical outcomes in hospitalized patients with COVID-19 or non-COVID-19 community-acquired pneumonia in a prospective observational cohort study. Infection. 2024;52(6):2359-2370. doi:10.1007/s15010-024-02292-z

  4. Abelenda-Alonso G, Calatayud L, Rombauts A, et al. Multiplex real-time PCR in non-invasive respiratory samples to reduce antibiotic use in community-acquired pneumonia: a randomised trial. Nat Commun. 2024;15(1):7098. Published 2024 Aug 17. doi:10.1038/s41467-024-51547-8

  5. Kamat IS, Ramachandran V, Eswaran H, Guffey D, Musher DM. Procalcitonin to Distinguish Viral From Bacterial Pneumonia: A Systematic Review and Meta-analysis. Clin Infect Dis. 2020;70(3):538-542. doi:10.1093/cid/ciz545

  6. Valade S, Biard L, Lemiale V, et al. Severe atypical pneumonia in critically ill patients: a retrospective multicenter study. Ann Intensive Care. 2018;8(1):81. Published 2018 Aug 13. doi:10.1186/s13613-018-0429-z


CONFLIT D'INTÉRÊTS

Commenté par : Nausicaa Beaudequin et Guillaume Voiriot, Médecine intensive et Réanimation, CHU Tenon, Paris, France. 

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Voir les déclarations de conflits d'intérêt (titre cliquable): Naucissa Beaudequin, Guillaume Voirot 

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