Dark P, Hossain A, Mc Auley DF, Brealey D, Carlson G, Clayton JC, Felton TW, Ghuman BK, Gordon AC, Hellyer TP, Lone NI, Manazar U, Richards G, McCullagh IJ, McMullan R, McNamee JJ, McNeil HC, Mouncey PR, Naisbitt MJ, Parker RJ, Poole RL, Rostron AJ, Singer M, Stevenson MD, Walsh TS, Welters ID, Whitehouse T, Whiteley S, Wilson P, Young KK, Perkins GD, Lall R; ADAPT-Sepsis Collaborators. Biomarker-Guided Antibiotic Duration for Hospitalized Patients With Suspected Sepsis: The ADAPT-Sepsis Randomized Clinical Trial. JAMA. 2025 Feb 25;333(8):682-693. doi: 10.1001/jama.2024.26458. PMID: 39652885; PMCID: PMC11862976.
Question évaluée :
Est-ce que l’utilisation de la PCT ou de la CRP permettent de réduire la durée de l’antibiothérapie chez des patients hospitalisés en réanimation et suspects de sepsis par rapport à une prise en charge n’utilisant pas ces biomarqueurs ?
Type d’étude :
Etude randomisée en 3 bras de supériorité (pour le critère de jugement d’efficacité) et de non-infériorité (pour le critère de jugement de sécurité).
Population étudiée :
Patients hospitalisés en réanimation ou en unité de soin intensif et recevant un traitement antibiotique pour suspicion de sepsis depuis moins de 24 heures. Les patients nécessitant un traitement antibiotique prolongé (>21 jours), immunodéprimés, recevant un inhibiteur des récepteurs de l’interleukine 6 ou dont le traitement semblait futile étaient exclus.
Méthode :
Etude multicentrique (41 centres) menée en Grande-Bretagne. Les patients inclus étaient randomisés en 3 bras (ratio 1:1:1) : bras contrôle (soins courants), bras CRP et bras PCT. Dans les 2 groupes interventionnels, la CRP et la PCT étaient mesurées quotidiennement, et une consigne écrite était donnée au médecin en charge en fonction de l’évolution du taux de CRP (bras CRP) ou l’évolution du taux de PCT (bras PCT). Les médecins prenant en charge les malades n’avaient pas accès aux résultats des biomarqueurs. Dans le groupe contrôle, le médecin recevait une consigne quotidienne de « soins courants ». Dans le bras CRP, l’arrêt de l’antibiothérapie était fortement suggéré en cas de CRP<25 mg/l et suggéré en cas de baisse du taux de CRP ≥50% par rapport au taux initial (mesuré le jour de l’inclusion). Si un de ces 2 critères n’était pas atteints, le médecin recevait une consigne de « soins courants ». Dans le bras PCT, l’arrêt de l’antibiothérapie était fortement suggéré en cas de PCT <0.25 µg/L, suggérée si la PCT baissait de plus de 80% par rapport au taux initial (mesuré le jour de l’inclusion) ou si le taux de PCT était compris entre 0.25 et 0.5 µg/L. Si un de ces 2 critères n’était pas atteints, le médecin recevait une consigne de « soins courants ».
Le critère de jugement principal d’efficacité était la durée totale d’antibiothérapie entre la randomisation et J28. L’essai était prévu pour montrer une différence d’un jour d’antibiothérapie avec un délai d’antibiothérapie médian de 7 jours (±6), une puissance de 90% et un risque ꭤ à 5%.
Le critère de jugement principal de sécurité était la mortalité à J28.
Résultats essentiels :
Sur les 16 109 patients screenés sur la période d’étude, 2 760 ont été randomisés et inclus dans l’analyse : 918 dans le bras soins courants, 918 dans le bras guidé par les taux de PCT, et 924 dans le bras guidé par les taux de CRP. Comparativement au bras soins courants, la durée totale d’antibiothérapie entre la randomisation et J28 dans le bras PCT était statistiquement plus faible (durées médianes [SD] respectives de 10.7 [7.6]) jours et 9.8 [7.2] jour, différence moyenne 0.88 jours; IC 95%,0.19–1.58; P = 0.01). A l’inverse, il n’existait aucune différence sur la durée totale d’antibiothérapie entre le bras soins courants et le bras CRP (durées médianes [SD] respectives de 10.7 [7.6]) jours et 10.6 [7.7] jour, différence moyenne 0.09 jours; IC 95%,-0.6–0.79; P = 0.79). Si les bras PCT et CRP ont reçus le même nombre de consignes « arrêt de l’antibiothérapie suggéré », le nombre de consignes « arrêt de l’antibiothérapie fortement suggéré » était supérieur et plus précoce dans le bras PCT que dans le bras CRP.
Concernant le critère de jugement primaire de sécurité (mortalité à J28 toutes causes confondues), l’utilisation d’un protocole guidé par les taux de PCT était non-inférieur au bras soins courants, alors qu’on ne pouvait pas conclure à la non-infériorité de l’utilisation d’un protocole guidé par les taux de CRP.
Les résultats (critères de jugements primaires d’efficacité et de sécurité) étaient identiques en analyse per-protocole et après ajustement sur l’âge, la sévérité du sepsis, la présence d’une intervention chirurgicale préalable et le site).
Commentaires :
Il s’agit d’une étude de grande ampleur en trois bras ayant comparé l’utilisation de 2 biomarqueurs à un bras standard pour adapter la durée de l’antibiothérapie chez des patients ayant un sepsis supposé. Une des originalités de l’étude est d’avoir comparé la PCT et la CRP, ce que n’avaient pas fait les études précédentes.
Un autre intérêt de l’étude est que les auteurs ont inclus des malades ayant un sepsis supposé (et pas seulement une infection prouvée), donc en pratique des malades recevant une antibiothérapie, ce qui correspond à la population de la « vraie vie ».
Cette étude montre, comme toutes les études précédentes ayant évalué cette question, que l’utilisation de la cinétique de PCT permet de réduire significativement la consommation antibiotique sans impact sur la mortalité. En revanche, l’utilisation de la CRP ne peut pas être recommandée pour adapter la durée du traitement antibiotique.
Points forts :
L’effectif de l’étude : avec 918 patients inclus, c’est une des plus grosses études sur le sujet.
La population inclue : il s’agit d’une population de malades graves de réanimation, dont la moitié présentent un choc septique.
Le dessin de l’étude : c’est la première étude à avoir comparé 2 biomarqueurs, la PCT et la CRP. Les études précédentes n’avaient évalué qu’un des 2 biomarqueurs (PCT ou CRP) en comparaison avec les soins courants.
L’originalité de l’utilisation de l’algorithme basé sur les biomarqueurs : le médecin n’a pas accès aux résultats des dosages des biomarqueurs, mais reçoit une consigne quotidienne sur l’attitude à avoir en fonction de l’évolution des taux des biomarqueurs. Cela évite une interprétation erronée par le médecin, et diminue probablement la non adhésion au protocole.
Peu d’utilisation « en ouvert » de la PCT par les médecins en charge des malades (ce qui aurait pu biaiser leur évaluation).
Points faibles :
La génération de consignes pour le médecin en charge du patient limite l’utilisation de cette stratégie (validité externe), car cela nécessite soit une automatisation du processus, soit une intervention (génération d’une consigne envoyée au médecin) consommatrice de ressource.
De plus, l’applicabilité de cette stratégie est faible : en pratique, le médecin utilisant un algorithme basé sur un biomarqueur aura le résultat du biomarqueur, et pourrait théoriquement être influencé par le résultat brut du dosage (dans l’essai, les médecins prenant en charge les malades n’avaient que la consigne écrite sans avoir accès au résultat du dosage).
Implications et conclusions :
En conclusion, l’utilisation des taux quotidiens de PCT chez des malades admis en réanimation pour suspicion de sepsis depuis moins de 24 h permet de réduire la consommation antibiotique par rapport à un protocole de soins courants (sans utilisation de biomarqueur), et sans impact sur la mortalité à J28 ; alors que l’utilisation des taux quotidiens de CRP ne permet pas de réduire la consommation antibiotique, sans que l’on puisse conclure à l’impact d’une telle stratégie (utilisation de la CRP) sur la mortalité à J28.
CONFLIT D'INTÉRÊTS
Commenté par Charles-Edouard Luyt, Médecine Intensive Réanimation, Sorbonne Université, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris, France.
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