Enne VI, Stirling S, Barber JA, High J, Russell C, Brealey D, Dhesi Z, Colles A, Singh S, Parker R, Peters M, Cherian BP, Riley P, Dryden M, Simpson R, Patel N, Cassidy J, Martin D, Welters ID, Page V, Kandil H, Tudtud E, Turner D, Horne R, O'Grady J, Swart AM, Livermore DM, Gant V; INHALE WP3 Study Group and Committees. INHALE WP3, a multicentre, open-label, pragmatic randomised controlled trial assessing the impact of rapid, ICU-based, syndromic PCR, versus standard-of-care on antibiotic stewardship and clinical outcomes in hospital-acquired and ventilator-associated pneumonia. Intensive Care Med. 2025 Feb;51(2):272-286. doi: 10.1007/s00134-024-07772-2. Epub 2025 Feb 17. PMID: 39961847; PMCID: PMC11903508.
Question évaluée :
La réalisation d’une PCR multiplex FilmArray® Pneumonia plus au lit du malade permet-elle une amélioration du pronostic des pneumonies associées aux soins (« Hospital acquired pneumonia » HAP) ou à la ventilation mécanique (« ventilator associated pneumonia » VAP) ?
Type d’étude :
Etude multicentrique dans 13 services de réanimation au Royaume Uni, randomisée en ouvert
Population étudiée :
Patients adultes ou pédiatriques, hospitalisés en réanimation, chez qui un traitement antibiotique était initié ou modifié pour prendre en charge une HAP ou une VAP. Les critères d’exclusion étaient une participation antérieure à l’essai, une participation à un autre essai interventionnel ou des patients avec une survie estimée inférieure à 48 h
Méthode :
Les patients étaient randomisés à l’initiation de l’antibiothérapie après l’envoi d’un prélèvement respiratoire bas au laboratoire de microbiologie local. Une PCR multiplex (FilmArray Torch Pneumonia Panel Plus, BioMérieux) était également réalisée dans le service de réanimation à partir du même prélèvement dans le groupe PCR. A noter que, pour le groupe standard, une PCR, dont les résultats n’étaient pas disponibles pour le clinicien, était effectuée dans un laboratoire central
L’adaptation de l’antibiothérapie était laissée au libre choix du clinicien, avec cependant un algorithme d’interprétation proposé dans le groupe PCR.
Les objectifs principaux de l’étude étaient doubles avec :
Une analyse de supériorité en intention de traiter portant sur l’obtention d’une antibiothérapie « adaptée » (définie comme active sur les bactéries mises en évidence) et « proportionnée » (définie comme à spectre étroit) après 24 h de prise en charge. La nature proportionnée ou adaptée était définie par un comité indépendant.
Une analyse de non-infériorité en intention de traiter portant sur l’obtention d’une guérison à 14 jours. Le seuil de non-infériorité choisi était de 13%.
Résultats essentiels :
453 adultes et 92 enfants ont été inclus entre juillet 2019 et août 2024. Au total, 539 patients ont pu être analysés (272 dans le groupe PCR et 267 dans le groupe contrôle). Les deux populations étaient comparables sur les caractéristiques démographiques, les comorbidités et les scores de gravité. Le délai médian d’obtention de la PCR était de 1,5 h (IQR 1,4 – 1,8 h), celui des cultures de 73,7 h (IQR 66,5 – 116,7).
Concernant les objectifs de l’étude :
76,5% des patients dans le groupe PCR avaient une antibiothérapie proportionnée à 24 h contre 55,9% dans le groupe contrôle (OR 2,57, IC95% 1,77 – 3,73) permettant d’atteindre le critère de supériorité. Ces résultats étaient cohérents avec les analyses secondaires montrant une antibiothérapie plus souvent proportionnée à 72 h et plus souvent adaptée à 24 et 72 h dans le groupe intervention
En revanche, l’objectif de non-infériorité n’était pas atteint avec une guérison à J14 à 56,7% dans le groupe PCR contre 64,5% dans le groupe contrôle (différence -6% IC95% -15 – 2%). Les critères de jugement secondaires montraient une mortalité de 31,3% contre 28,2% dans le groupe contrôle (différence -5% IC95% -1 – 11%). L’incidence de survenue de chocs septiques et l’évolution du score SOFA n’étaient pas significativement différentes à J14.
Par ailleurs, pour expliquer l’absence de non-infériorité, les auteurs ont réalisés des analyses post-hoc montrant :
Que la différence de guérison à J14 était surtout présente chez les patients pour lesquels l’antibiothérapie était proportionnée à h24 avec une guérison de 55,5% dans le groupe PCR contre 67,8% dans le groupe contrôle. En revanche pour les patients pour lesquels l’antibiothérapie n’était pas adaptée, les taux de guérison étaient similaires à 59,7% dans les deux groupes.
Que la compliance aux recommandations d’adaptation thérapeutique proposées dans l’étude pour le groupe PCR était faible (30,5%) mais que les patients pour lesquels l’antibiothérapie avait été adaptée selon ce protocole avaient un meilleur taux de guérison que ceux pour lesquels elle n’était pas respectée (65,5% vs 58%). En revanche, ce taux de guérison restait plus faible que celui des patients du groupe contrôle pour lesquels l’antibiothérapie avait été adaptée selon le protocole (65,5% vs 93,5%).
Commentaires :
Dans cette étude s’intéressant à l’utilisation d’une PCR multiplex délocalisée dans les HAP et VAP, Enne et coll. montrent que l’utilisation d’une PCR multiplex permet un diagnostic microbiologique plus rapide (2 h contre 73,7 h) avec une proportion d’antibiothérapie adaptée à 24 h plus élevée (amélioration absolue de 21%) par rapport aux cultures conventionnelles.
Paradoxalement, le pronostic observé des patients semble en défaveur du groupe expérimental, avec un taux de guérison clinique à J14 significativement inférieur par rapport au groupe « standard de soins », et une différence non significative mais également en faveur du groupe contrôle sur la mortalité à J28 et l’évolution du score SOFA.
Cette infériorité observée n’est pas clairement expliquée par les données disponibles :
S’il est impossible d’exclure un faux positif lié à une variation d’échantillonnage, le fait que l’ensemble des analyses secondaires et des analyses de sensibilité favorise le groupe contrôle n’est pas en faveur de cette hypothèse
Le protocole d’adaptation de l’antibiothérapie proposé dans le groupe PCR fait certains choix pouvant être discutés, en positionnant par exemple la Témocilline en première intention en l’absence de gène de résistance retrouvé ou de BLSE. Cependant, la différence de guérison persiste dans l’analyse post-hoc comparant uniquement les patients traités selon ces recommandations (65,5% de guérison dans le groupe PCR vs 93,5%) ce qui ne semble pas en faveur de cette hypothèse.
Enfin, le fait que cette différence de guérison survienne au sein du sous-groupe de patients dont le traitement est jugé « adapté et proportionné » pourrait faire évoquer un problème d’analyse ou d’interprétation de la PCR. Le fait qu’elle soit réalisée au lit du malade et non dans un laboratoire spécialisé favorise-t-il les erreurs techniques ?
Points forts :
Etude randomisée contrôlée multicentrique de bonne qualité méthodologique
PCR réalisée au lit du malade permettant un délai de rendu très court.
Points faibles :
Objectif principal de guérison clinique avec une interprétation subjective.
Définition du caractère « proportionné » et approprié de l’antibiothérapie laissé à la discrétion d’un comité, soit indépendant et en aveugle, mais sans utilisation d’un algorithme décisionnel clair et standardisé.
Délai d’obtention des cultures microbiologiques anormalement long (73,7 h en médiane) par rapport aux délais usuels pouvant constituer un biais favorisant le groupe PCR
Inclusion de patients adultes et pédiatriques pour lesquels la physiopathologie et l’épidémiologie des pneumonies associées aux soins n’est pas strictement comparable.
Implications et conclusions :
Bien que de plus en plus de données montrent que les PCR multiplex sont des tests diagnostiques avec une bonne sensibilité et spécificité permettant un diagnostic microbiologique fiable et rapide dans les infections respiratoires basses tant pour les patients adultes [1, 2] que pédiatriques [3], leur intérêt clinique n’est pas encore démontré et les données disponibles sont contradictoires et monocentriques [4, 5].
Cette étude multicentrique, si elle confirme l’intérêt microbiologique de la PCR multiplex, n’a pas réussi à atteindre la non-infériorité sur la guérison dans la prise en charge des pneumonies nosocomiales. Il est donc difficile d’en tirer des conclusions formelles avant la publication des résultats d’autres essais cliniques actuellement en cours [6–8].
Références cités dans les commentaires:
- Bay P, Fihman V, Woerther P-L, et al (2024) Performance and impact of rapid multiplex PCR on diagnosis and treatment of ventilated hospital-acquired pneumonia in patients with extended-spectrum β-lactamase-producing Enterobacterales rectal carriage. Ann Intensive Care 14:118. https://doi.org/10.1186/s13613-024-01348-5
- Moy A-C, Kimmoun A, Merkling T, et al (2023) Performance evaluation of a PCR panel (FilmArray® Pneumonia Plus) for detection of respiratory bacterial pathogens in respiratory specimens: A systematic review and meta-analysis. Anaesth Crit Care Pain Med 42:101300. https://doi.org/10.1016/j.accpm.2023.101300
- Debbagh F, Ben Houmich T, Guennouni M, et al (2023) Evaluation PCR panel of the FilmArray® pneumonia plus for pathogen detection of ventilator-associated pneumonia in children and its impact on therapeutic management. Iran J Microbiol 15:19–26. https://doi.org/10.18502/ijm.v15i1.11914
- Virk A, Strasburg AP, Kies KD, et al (2024) Rapid multiplex PCR panel for pneumonia in hospitalised patients with suspected pneumonia in the USA: a single-centre, open-label, pragmatic, randomised controlled trial. Lancet Microbe 5:100928. https://doi.org/10.1016/S2666-5247(24)00170-8
- Poole S, Tanner AR, Naidu VV, et al (2022) Molecular point-of-care testing for lower respiratory tract pathogens improves safe antibiotic de-escalation in patients with pneumonia in the ICU: Results of a randomised controlled trial. J Infect 85:625–633. https://doi.org/10.1016/j.jinf.2022.09.003
- University Hospital, Lille (2023) Impact of a Strategy Based on the PCR Testing System on Appropriate and Targeted Antimicrobial Treatment in Immunocompromised Patients With Suspected Ventilator-associated Pneumonia or Hospital-acquired Pneumonia Requiring Mechanical Ventilation : a Randomized Controlled Unblinded Trial. clinicaltrials.gov
- University Hospital, Lille (2022) Impact of a Strategy Based on the Unyvero® Testing System on Appropriate and Targeted Antimicrobial Treatment in Patients With Suspected VAP or HAP Requiring Mechanical Ventilation: a Randomized Controlled Unblinded Trial. clinicaltrials.gov
- CHU de Reims (2025) Fast Multiplex PCR of Bronchoalveolar Lavage for Antibiotic Stewardship in Ventilator Associated Pneumonia. A Multicenter, Randomized Controlled Study. clinicaltrials.gov
CONFLIT D'INTÉRÊTS
Commenté par Antoine Piantoni, Médecine intensive – Réanimation, CHU de Lille, France.
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